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 Traquenard ?

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Johan Grey
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Johan Grey


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MessageSujet: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 12 Nov - 21:25

Johan leva les yeux au ciel, priant tous les dieux possibles, et imaginables – et surtout qu’il connaissait – que la raison de sa présence ici n’ait rien à voir avec une quelconque idée… spéciale de la part de sa supérieure. Une petite moue ironique ponctua sa pensée dérisoire. Ah ah ah, très drôle… Déjà, en soi, le simple fait de se fondre dans la masse compacte, odorante et dangereuse des bas-quartiers de Llywen n’avait rien d’une formidable idée. Il y avait anguille sous roche. Pire, même. Où était le piège, exactement ? Non, plutôt… mais qu’est-ce qu’il fichait ici, hein ? Facile… Elle lui avait demandé de l’accompagner et… et il n’avait décemment pas pu dire non.

A la réflexion… laisser Opale se démener seule au milieu de ces gens pleins d’alcool ou plein de… de couteaux en tout genre lui déclencha un léger frisson. Certes, Opale savait se défendre. Mieux que personne… c’est qu’elle était capable de mordre, cette sale bête. Mais quand même… Johan esquissa un vague sourire, inconscient, et rabattit l’espèce de chapeau informe qui lui servait de couvre-chef et masquait presque complètement sa chevelure blonde ébouriffée, trop rebelle cependant pour disparaître de la vue de tous. Avec ses airs de jeune premier fraichement débarqué d’on-ne-savait-quelle conté angélique, il avait cette fâcheuse tendance à détoner dans un endroit aussi sombre et délabré que celui sur lequel il s’appuyait, dos au mur, bras croisés devant lui.

D’apparence, il semblait calme… Mais, dissimulés dans les plis d’une cape sombre qui retombait le long de ses épaules, ses doigts se refermaient prudemment sur le manche d’un poignard. Le danger semblait omniprésent… et quand bien même Opale lui avait demandé de s’attifer de manière à se fondre dans la masse… cela ne voulait pas dire pour autant qu’ils étaient à l’abri de quoi que ce soit.

Johan poussa un imperceptible soupir. C’était incroyable, le nombre de mauvaises idées qu’elle était capable d’avoir en l’espace de si peu de temps… Etrangement, une part de lui – la plus bizarre, à ses yeux – s’en amusait indéniablement. L’autre partie préférait sonder chacun des visages qui passaient à sa portée, suspicieux… Il n’était pas inquiet à proprement parler. Après tout, affublé de vêtements aussi miteux que la plupart des gens, il ne risquait pas d’être reconnu comme garde du palais, et donc, ne devrait logiquement pas se faire lyncher sans prévention. Mais bon, sait-on jamais… Mâchoires serrées, il guettait donc l’arrivée de sa supérieure, qui se faisait attendre. Qu’est-ce qu’elle avait dit, déjà ? Il fallait qu’ils retrouvent une nouvelle recrue, un truc dans le genre ? La nouvelle recrue valait-elle vraiment la peine de risquer de se faire trancher la gorge à chaque coin de rue ?

Bref. Le jeune homme secoua la tête, agacé par ses propres réflexions. Pas la peine d’en faire un flan, non plus. C’était juste que… cet endroit-là le rendait désespérément nerveux. Des filles de joie sortaient toutes les deux secondes par la porte presque toujours ouverte, laissant échapper des rires affriolants ou des soupirs incitateurs. Qui avaient une forte tendance à le mettre terriblement mal à l’aise. Sans compter qu’il avait particulièrement mal dormi, cette nuit… Son inconscient, pour une obscure raison, s’était amusé à le représenter, lui, sous la forme d’un chien. Ouais, un chien… Au départ il avait cru qu’il s’agissait d’un de ces rêves où il allait avoir la chance de converser avec Lianne. Et bien pas du tout… Il s’était retrouvé dans le corps d’un chien au pelage doré, qui s’était mis à courir sans but, jusqu’au moment où il avait stoppé net devant les yeux couleur d’acier d’Eleanora. Et c’est là qu’il avait réalisé qu’il n’était pas un chien… mais une chienne. Il entendait encore la voix chantante d’El, qui s’adressait à une personne qu’il ne pouvait apercevoir : « Tu verras, Kan’, elle est très futée, Johan… »

Tssss… Débile. Ce que ça pouvait être débile, l’inconscient, parfois. Alors qu’il sentait poindre une envie de rire, son épaule fut heurtée de plein fouet… pour la énième fois, et il lâcha une flopée de jurons bien sentie en perdant à moitié l’équilibre. Flopée de jurons qui était pourtant bien pâle, à côté de ce qui sortait parfois de la bouche d’Opale. Et krotdebik, pour rester poli, qu’est-ce qu’ils avaient, tous ces gens, à vouloir lui déboîter l’épaule comme ça ?

Tout en se recalant plus ou moins « confortablement » contre le mur, Johan fronça les sourcils et détourna prudemment la tête de l’intérieur de l’établissement bondé, redoutant le moment où Opale lui annoncerait –bien sûr- qu’ils n’avaient plus qu’à y entrer. Ben voyons…
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Opale de Frey
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Opale de Frey


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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeDim 22 Fév - 15:07

Une ombre passa entre deux ivrognes et disparut entre les mouvements aériens de jupons crasseux. Elle avait hésité à lui faire cela. En réalité, la seule raison quelque peu valable qui avait dicté sa conduite était que le soi - disant nouvelle recrue était un survivant de son vieux capitaine, lequel avant même qu’elle ne connaisse Kan’ lui avait appris à faire son trou. Il faut dire que Nyls n’avait rien d’un tendre, et le seul fait que son mystérieux ex-camarade ait jadis fait partie de son équipage était un gage de qualité en terme de combat.

Il fallait se méfier tout de même, songea cette ombre en dévisageant d’un œil gris pur un homme dont le visage avait un faux air de Kanaw. L’équipage à cette époque n’avait pas été des plus aimables avec elle, et si elle refusait bien une chose, c’était de faire un cadeau à un espèce de connard qui n’avait eu de cesse de la faire expulser pour son sexe.
La jeune responsable des gardes haussa un sourcil, ce qui ne se vit pas sous son chapeau de paysan attardé – qu’elle, bien entendu, jugeait informe et laid. Le quartier tressautait de cris, de rires et de rixes et les ruelles n’étaient pas sûres dans cette tenue. Contrairement à Johan, elle savait la règle numéro un lorsqu’on tente de passer inaperçu : jamais de cape, ni de manteau. Elle lui expliquerait des choses, à ce garçon.

Elle s’esquiva dans une ruelle, consciente d’être la cible de regards soûls avec son manteau rapiécé mais immense et son chapeau qui cachait jusqu’à ses yeux, faisant dépasser une queue de cheval mal rassemblée. Elle souffla doucement sur une mèche qui avait eu le culot de descendre sur ses yeux et enleva le manteau, peu rassurée mais certaine de ce qu’elle faisait. La jeune femme en était chagrinée, mais elle devrait laisser là le manteau : peu de prostituées ont des airs de tueur à gages – et ce même si Opale de Frey pouvait en l’occurrence être presque rangée, à vue, dans l’une ou l’autre des catégories.

Son jupon tâché glissa sur les dalles au gré de son pas, et elle eût la pensée fugace de faire attention à se démarche – trop conquérante. Il fallait bien avouer que ce quartier l’accepterait sans peine dans cette tenue… Déjà, comme un gigantesque organisme vivant, le quartier la fondait inconsciemment à la masse. Il était étrange au jeune soldat qu’était cette femme de le dire, mais elle ressentait tous les bas-fonds l’ignorer peu à peu au fur et à mesure de son allure de prostituée de très basse extraction. Quelle insulte que de jouer ce rôle, d’ailleurs. Avec un visage comme le sien, elle devrait au moins draguer des bourgeois – peut-être pas de nobles, mais au moins autre chose que ces mendiants, là.

« J’attends un autre client, mon chou… Reviens me voir un peu plus tard, d’accord ? »

Son propre ton lui donna envie de vomir. Tout comme l’homme – la loque – qui avait été la cause de cette phrase de catin. Que croyait-il, ce loqueteux ? Un mot de plus et les dagues qui lui caressaient la cuisse, rassurantes par leur froideur métallique elle-même, iraient se planter dans sa peau.

Bon, Johan, Johan… Même pas une seconde pour le trouver. Il était fluorescent dans ce quartier, à vouloir être discret. Un sourire anima un instant son visage de souillon et elle glissa vers lui, vénéneuse comme la prostituée ambitieuse qu’elle était sensée être.


« Vous avez pris rendez-vous avec moi, n’est-ce pas ? »


Il tomberait dans le panneau. Il tombait toujours dans le panneau. Juste pour le plaisir de le voir s’étouffer, rougir et écarquiller les yeux, peut-être ? Comment allait-il réagir à sa tenue vulgaire – oui, car bien que peu experte en la matière, Opale avait dans l’idée que la sensualité venait de la suggestion plutôt que de l’exhibition. Bon, pudeur oblige, elle avait un peu moins mis le paquet que certaines autres, mais tout de même. Elle se sentait un peu bizarre.

« Tu fais tellement tout pour être discret qu’on ne voit que toi, Johan Grey… Dans le quartier, ça passe, mais sache que beaucoup se demandent si tu es un tueur ou un noble en mal d’amour qui ne veut pas que ça se sache. »

Elle eût un sourire mutin, attendant une réaction avant de poursuivre sur le but –futile, au fond l’excuse de voir Johan devant des prostituées avait été trop bonne – de leur mission.
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Johan Grey
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeDim 22 Fév - 19:38

Sur le principe, cela n’aurait pas pu être pire. En tout cas, c’était à cette conclusion qu’était très vite arrivé Johan, repoussant les avances des prostituées, évitant les regards perplexes posés sur lui, et tentant d’arborer un air du « je passe inaperçu et je suis habitué à la débauche qui m’entoure ». Qui ne marchait évidemment pas, cela va sans dire. Le jeune homme était sur le point de se dégonfler, pressentant un piège cruel de la part de sa supérieure, lorsqu’une nouvelle fille de joie glissa jusqu’à lui d’une démarche fluide. S’il avait été dans son état de stress habituel, peut-être aurait-il reconnu cette silhouette, malgré les vêtements aguicheurs qu’elle arborait. Mais il était trop occupé à se rassurer en serrant sa dague au milieu des plis de son manteau, et en maîtrisant difficilement sa respiration. Il ne se sentait absolument pas à sa place. C’était le moins que l’on pouvait en dire.

Alors, lorsque la jeune inconnue lui adressa la parole, il eut un sursaut qu’il ne put maîtriser et qui fit vaciller le chapeau informe lui servant à camoufler sa chevelure blonde. D’un geste nerveux, il retint son couvre-chef à la dernière minute et recula d’un pas prudent, dans un mouvement qui fit vaguement penser à une proie prise au piège. Cette prostituée-là s’était approchée bien plus près que toutes les autres jusqu’à présent. Et comble du malheur, elle venait de lui faire une… proposition indécente. Pire, elle s’était apparemment trompée de client. Le jeune homme sentit sa gorge se nouer, ses genoux trembler, et son estomac s’enrouler sur lui-même, alors qu’il tentait d’articuler une phrase cohérente pour se débarrasser rapidement de l’inconnue.


- Je… Non…Il doit y avoir une erreur, mademois…

Sa voix, devenue un peu rauque à cause du stress – s’interrompit d’elle-même au moment où il osa poser son regard bleu sombre sur le visage de la jeune femme. Qu’il reconnut immédiatement, sous ses artifices. Il eut l’impression de recevoir un coup dans le ventre, et entre ouvrit la bouche, stupéfait.


- O… Opale ?

Il était sur le point d’ajouter « mais qu’est-ce que tu fabriques dans cette tenue ? », lorsqu’elle le devança d’une courte tête pour… se moquer de lui, comme à son habitude. Johan n’était pas assez dans son état normal pour se sentir vexé par les propos de la jeune femme qui se tenait devant lui. Trop près, à la réflexion. Beaucoup trop près. Première chose à faire, commencer par fixer ses yeux, et rien que ses yeux… Malgré lui, Johan sentit son regard perdre de l’altitude et détailler la tenue de sa supérieure. Ses yeux… Ses yeux… Fixer ses yeux. Le jeune blond avala difficilement et sentit ses joues en feu se manifester, pour son plus grand désespoir. C’était plus fort que lui.

Elle le taquinait et lui offrait un sourire mutin qui aurait dû agacer n’importe quel humain avec un brin d’amour-propre… et lui, tout ce qu’il était capable de faire, c’était d’observer la petite moue que dessinaient les lèvres d’Opale, et de sourire en retour. Il se sentait fondamentalement stupide. Il l’était, d’ailleurs. Mais il y avait bien longtemps qu’il avait cessé de lutter contre cette fatalité. Tout en sentant sa gorge le brûler, il toussota discrètement pour « masquer » sa réaction, et baissa la tête, ses cheveux balayant ses joues, sans vraiment en cacher la rougeur. C’était bel et bien un traquenard, il n’avait plus de doute.

Un joli traquenard, pensa un instant une partie de son cerveau qu’il voulut maîtriser aussitôt. La ferme, Johan. Concentre-toi. Aie l’air moins bête. Juste une seconde. Le jeune homme cligna des yeux, comme si ce geste avait pu lui sauver la vie, et se redressa légèrement, sentant un frisson inexplicable lui traverser l’échine. Aller… Un truc intelligent. Il pouvait bien être capable de communiquer, non ? En face d’une Opale vêtue comme une prostituée, qui l’observait avec la malice de ses iris grisés… cela relevait d’un courage inhumain.

Courage qu’il finit cependant par avoir, croisant les bras avec une fausse nonchalance qui ne faisait que souligner la gêne sur son visage :


- A choisir… Je ne sais pas laquelle de ces deux propositions est la plus flatteuse… Aucune des deux, très certainement.

Il avait eu l’intention de marmonner cette réflexion pour bien montrer son mécontentement… mais le demi-sourire ornant ses lèvres n’aidait absolument pas. Il se racla la gorge, reprenant très doucement la maîtrise de lui-même, et jeta un regard qu’il voulu rapide vers la robe d’Opale. Une question qu’il ne contrôla pas franchit finalement ses lèvres :


- Où est-ce que tu as… déniché ça ?

Le « ça » désignant apparemment les vêtements suggestifs , ce qu’il souligna d’un timide mouvement de menton vers elle, avant de détourner vivement la tête pour faire comme s’il guettait à nouveau la foule qui évoluait autour d’eux. Ce dont il n’avait même plus conscience, en réalité. Son cœur loupa un battement, ce qui le fit froncer les sourcils, et ses mains, serrées sur les plis de sa cape, étaient un peu trop moites à son goût. De mauvais présages, tout ça… Il se mordit la lèvre, et reprit :


- Laisse tomber… je… voulais pas dire ça.

Il eut envie de se donner des gifles. Même pas capable de faire une phrase sans balbutier. Bravo, c’était l’apocalypse. Cette réflexion silencieuse le fit soupçonner plus encore la mauvaise foi de la jeune femme à ses côtés. Johan pris sur lui pour pivoter courageusement dans la direction d’Opale, et la jauger avec l’air le plus suspicieux qu’il réussit à avoir. Autant dire, pas grand-chose de bien convaincant.

- J’ai une question… annonça-t-il en levant un index accusateur, la nouvelle recrue existe bel et bien, ou ceci n’est qu’un piège machiavélique pour vérifier ma capacité à cesser de respirer devant une très jolie fille ?... Parce que, je ne voudrais pas dire mais... côté discrétion, tu n'es pas mal dans ton genre !

Se suicider. C’était la dernière alternative qu’il lui restait après avoir sorti un truc pareil. Evidemment, qu’elle était jolie… Mais ce n’était pas censé franchir ses lèvres, ça, bon sang ! D'autant plus que ce n'était pas particulièrement galant, comme réflexion. Et comme si cela ne suffisait pas, il s'entendit marmonner :

- Non mais c'est vrai, en plus... Tu ne ressembles pas aux autres, tu es... trop naturelle. Trop bien pour ce truc... Ca n'est pas crédible... Bref, c'pas tout ça, mais c'est quoi le plan, là, exactement ?

Ce "truc" étant dans l'esprit de Johan l'établissement à la porte duquel il s'était adossé. Silence, silence, silence. Il prit la ferme résolution de se taire, plutôt que de continuer à se tourner en ridicule indéfiniment, sous le gris regard d’Opale.
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Opale de Frey
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 11 Mar - 22:48



Elle tiqua immédiatement à la question et eût un regard distant, l’esprit soudain ailleurs. Elle était si loin des balbutiements de Johan que ses yeux se voilaient tel le ciel en fin de journée. Ses yeux d’un gris clair passèrent du ciel aux pavés tandis que le souvenir de la robe – ou plutôt de sa propriétaire – lui revenait. Enfin, c’était inexact, puisqu’elle n’avait pas connu sa mère, mais elle l’imaginait très bien.

Catherine…Marl avait passé des heures, lorsqu’elle était enfant, à lui décrire ses boucles brunes qui voletaient, ses grands yeux bleu et son sourire osé, lequel dessinait des fossettes graciles au coin d’une bouche parfaite… A tel point que la jeune femme ne pouvait plus trop dire si elle révérait sa mère comme un canon de beauté ou détestait ce souvenir qui hantait son passé comme une chimère.

C’était une catin, de toutes façons. Elle n’avait jamais aimé Marl, ni De Frey d’ailleurs, tout ça c’était pour satisfaire sa petite ambition. Dire qu’elle l’avait vénérée, étant gosse, comme une martyre. Finalement, elles n’avaient rien d’extraordinaire, toutes les deux. Juste quelqu’un d’ordinaire, avec ses peurs, ses ambitions… Et ses faiblesses.

Ce fût la voix de Johan qui la réveilla, rappelant du même coup à Opale qu’elle avait dû avoir un visage douloureux plutôt effrayant durant un temps indéterminé. Et telle qu’elle le connaissait, il allait encore faire son bon samaritain et s’inquiéter. La redoutable capitaine des gardes poussa un soupir et écouta la question, un air désabusé sur le visage… Avant d’écarquiller les yeux.

Qu’elle devait avoir stupide, la bouche légèrement entrouverte et un sourcil haussé… Déjà, fermer la bouche. Et comme si son adjoint n’était pas suffisamment dans la merde, hop, il lui avait fallu l’accuser de ne pas être discrète non plus. Elle rejeta théâtralement ses cheveux en arrière, puis compta sur ses doigts, déclarant d’une voix qui n’avait rien de sensuel – à moins de trouver un charretier sexy :


- Alors, premièrement, pour ce qui est de la discrétion, je t’emmerde. Deuxièmement…. Elle eût un instant de réflexion, comme si elle ne croyait toujours pas à ce qu’il avait dit. Est-ce que c’était une tentative de drague ? Parce que c’est vraiment glauque à une infinité de niveaux. Hésitation.Ah oui, et troisièmement : je t’emmerde.

Elle grogna, espérant qu’il ne le prendrait pas mal. A vrai dire, elle n’avait même pas envisagé la possibilité que ce soit une tentative de séduction, c’était plutôt pour l’ennuyer qu’elle était partie sur le sujet. Dénuée de contexte, la situation aurait d’ailleurs eu de quoi faire sourire : un soldat et SA supérieure déguisée en prostituée, devant un établissement crasseux… Ses lèvres se soulevèrent en une – charmante, cela va sans dire, c’est mon personnage quand même – petite moue.


- Je savais bien que tu avais des goûts de merde.

La jeune femme lui tira la langue, un éclat de malice dans le regard. Etonnamment, une des dernières choses à la faire rire était cet échange de piques plutôt innocentes avec un blond coincé.

- Et pour répondre, oui, il existe. Et il est soit un vieux pote, soit un connard fini, donc prépare-toi à entendre mon (si doux) champ lexical des insultes.

Chose que le pauvre bougre devait avoir entendu bien des fois, mais sa cruelle supérieure devait trouver un malin plaisir à lui faire entendre ces insanités.

- Bon, je t’explique, lentement que tu puisses suivre. On entre, je chante un truc que seul mon contact reconnaîtra –laquelle chanson était en fait une rengaine que Nyls chantonnait sur le pont, mais la belle préférait présenter ça en code secret, il vient vers nous, on lui parle, on l’engage ou on le tape. C’est assez clair pour toi ?

Et d’Opale de renchérir d’un angélique sourire que lui aurait envié le plus innocent des enfants adorables, et de se mettre à jouer avec une de ses mèches brunes qui lui traînait devant les yeux. Tout en entremêlant ses doigts à ses cheveux, elle ne put s'empêcher de repenser à ce qu'avait dit son second. Très jolie... Se pourrait-il qu'elle le soit, après tout ? Son objectivité sur le sujet était fort discutable, et l'image que lui renvoyait le miroir était très certainement déformée par l'opinion qu'elle avait d'elle-même. Pensive, elle repartit d'une expression lointaine et triste sans se demander si Johan allait apprécier qu'on l'ignore superbement.

Nan, mais sérieusement, qui voudrait d'une femme dont le corps a été usé et usé par une mer en colère ? Une femme couverte de fines cicatrices viriles et de bleus guère plus sensuels ? Personne ne pouvait vouloir d'une femme aussi ... peu associable à l'amour. Serait-ce pour ça que Kan' n'avait pas voulu d'elle ? Trop masculine ?

Une plainte, discrète, s'échappa du fond de sa gorge, aussi rauque qu'une toux. Il fallait qu'elle arrête de penser comme ça. Il n'avait pas choisi, il avait... pris le choix logique.

Et voilà, elle s'énervait toute seule maintenant. Génial.


- Ah, et je suis tout sauf jolie, inutile de faire de la lèche à ta supérieure, elle déteste ça.

Ne pas détruire la porte de l'établissement, ne pas ... Ne pas... Oups.
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Johan Grey
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeVen 13 Mar - 1:41

Ce qu’il y avait d’impressionnant, c’était la façon subite et paradoxale dont il réagissait en présence d’Opale. Prenons le cas présent en exemple.

Quelques secondes auparavant, Johan avait eu envie de mourir, d’être enterré vivant, brûlé vif, noyé, lapidé, le tout en même temps, plutôt que de se couvrir de ridicule ne serait-ce que quelques secondes de plus. Or, plus les minutes s’égrenaient, plus le regard gris d’Opale l’apaisait… et le rendait nerveux du même coup. Etrange. Mais cette nervosité n’était pas la même que celle qui avait été le fruit d’une surprise la plus inattendue. Oui, après tout… découvrir sa jolie supérieure affublée d’une tenue de courtisane, lorsque l’on a l’habitude de la croiser en habit d’homme à frapper sur ses gardes et à chanter des injures… on est forcément un peu pris de court. Un peu.

La surprise passée, c’était la curiosité, nimbée d’un autre sentiment bizarre, qui animait les traits du jeune blond. Au fond de son regard bleu perçait peu à peu une malice croissante et familière, comme un… frère retrouvant la complicité de sa petite sœur. Hmmm…Non, pas véritablement. Sinon il n’y aurait pas eu ce petit sourire en coin, inconscient et spécial, qui semblait ne pas vouloir s’éteindre. Un peu comme une sorte d’étrange satisfaction. En dépit de tout, il ne se sentait pas si mal, à la réflexion… Alors c’était autre chose. Un confident retrouvant son amie. Un soldat retrouvant sa supérieure, sur un terrain qu’il connaissait et affectionnait particulièrement : celui de la chamaillerie.

Malgré les moqueries dont il était la cible parfaite, Johan se devait d’admettre qu’il appréciait cette complicité. Il n’en avait jamais connu de semblable, même avec El’. Oh, bien loin de là, d’ailleurs… Les mains dans les poches, l’air un peu lointain de ses soudaines réflexions ô combien philosophiques, il revint à lui pour constater un léger changement dans l’attitude de la jeune femme en face de lui. Soit qu’il commençait à comprendre davantage la façon dont elle fonctionnait, soit que le pouvoir apaisant de Lianne l’eût prévenu d’un trouble chez Opale… Bref, il sentit, puis vit que quelque chose clochait. Il n’était certes pas aussi doué qu’Eleanora pour percevoir et comprendre les émotions des autres, mais il ne lui fallait pas un pouvoir d’empathie pour lire la douleur sur le visage de sa supérieure.

Il commença par s’en inquiéter, comme à chaque fois. Son cœur, décidément trop indépendant, décida de se serrer légèrement pour lui transmettre une crainte qu’il avait déjà ressentie sans ce détail. Puis, sans bien maîtriser ses mouvements, il se redressa, allégeant de son poids la porte d’entrée, et penchant doucement son visage pour observer celui d’Opale. Sourcils froncés, son sourire avait disparu, et ironiquement, c’était lorsqu’il était inquiet qu’il paraissait le moins innocent. L’inquiétude rendait les traits de son visage plus graves, et faisait comme ressortir avec netteté les quelques cicatrices le long de ses tempes et de ses joues –parce que l’auteur ici présent vient de relire sa fiche, et s’est rendue compte de ce détail, donc elle s’en sert.

En somme, il ressemblait un peu à « Dark Johan », si tant est qu’une telle appellation pût exister. L’avantage c’était qu’il avait retrouvé la totalité de ses moyens. Chose étrange, d’ailleurs, car l’inquiétude provoque l’effet inverse, en règle générale. Ne pas chercher à comprendre Johan. Une foule de questions tourbillonnaient dans sa tête, mais il savait pertinemment que les prononcer à voix haute n’était pas une bonne idée. Elle l’enverrait paître, comme à son habitude lorsqu’il touchait un point sensible. Ou s’approchait trop de ce qu’elle était réellement. Pourquoi refusait-elle à ce point d’être vue telle qu’elle était ?

Johan ravala cette dernière interrogation d’un battement de paupière, et sentit son inquiétude battre doucement en retraite devant l’expression de poisson hors de l’eau qu’Opale lui offrait malgré elle. Et toc. Un point par tout, la balle au centre. L’amusement rejaillit dans ses prunelles bleutées, et il ne put s’empêcher de sourire devant le mouvement de cheveux exagérément théâtral, mais qu’il trouva gracieux malgré tout.

Et hop… Comme pour assommer une bonne fois pour toutes les quelques craintes qu’il lui restait concernant la santé de sa supérieure, la voilà qui se mit en devoir de le descendre méthodiquement. Habituée comme il l’était, Johan ne broncha pas, observant avec un air blasé les doigts d’Opale, qui comptait les réflexions qu’elle lui renvoyait à la figure. Ce petit jeu instauré lui redonna une étrange assurance. A vrai dire… il était bien, avec elle. Enfin… pas quand elle le surprenait et le torturait de façon cruelle, bien sûr, mais en règle générale, il… aimait bien être gêné, si c’était en face d’elle.

Alors il prit un air de défi, son regard reflétant une ironie marquée. Bon, très bien… Où en étaient-ils dans le décompte des points, déjà ? Il venait d’en perdre trois d’un coup. Alors… 1 à 4. C’était le moment de rétablir la balance…
Avec un haussement d’épaule aussi théâtral que le mouvement de cheveux d’Opale, le jeune blond esquissa un sourire aussi moqueur qu’involontairement charmeur. A vrai dire, d’aspect extérieur, l’étrange duo devait ressembler à… à une sorte de couple se tournant autour pour savoir lequel des deux séduiraient l’autre. D’apparence, bien entendu… Et Johan n’en était nullement conscient.


- Sans vouloir te vexer, répliqua-t-il, alors même que c’était justement le but de la manœuvre, je trouve que pour une fille qui se vante d’avoir un lexique des injures les plus abjectes, tu es un peu… « petite joueuse », sur ce coup-là. C’est un peu répétitif, comme « je t’emmerde ». Je m’attendais à quelque chose de plus exotique… Je t’ai connue plus en forme.

A sa dernière phrase, un passant grassouillet, chauve et qui avait bu plus que son poids en vin, très certainement, dressa l’oreille et dut trouver le sous-entendu inconscient plutôt amusant, puisqu’il laissa échapper un rire que Johan ignora superbement. Face aux taquineries d’Opale, il semblait être de nouveau en totale possession de ses moyens. Jusqu’à la prochaine rechute… Qui n’aurait su tarder, d’ailleurs, puisqu’une étrange chaleur remonta dangereusement jusqu’à ses joues. Il n’avait fait aucun commentaire sur l’éventualité de drague qu’Opale avait soulevée… De drague ? Il eut envie de laisser échapper un rire nerveux. Très drôle. Il n’avait jamais su comment on faisait ça, de toute façon. Cela ne pouvait pas en être.

N’avait-il donc pas le droit d’exprimer ce qu’il pensait en toute sincérité, de temps à autres ? Vraisemblablement non. En tout cas, cela n’avait pas eu l’air d’être pris en considération. Johan ne réfléchit pas vraiment à ce qu’il devait répliquer là-dessus. Il devait sans cesse empêcher ses yeux de trop la regarder sans lui manquer de respect, et par-dessus le marché, elle critiquait ses goûts. Fallait-il qu’il comprenne qu’elle ne se trouvait pas jolie ? Cette pensée le désespéra à tel point qu’il leva les yeux au ciel.


- Je ne te permets pas de critiquer mes goûts, ni toi-même par la même occasion, chef, finit-il par répondre avec un sourire un peu plus hésitant cette fois. Et puis bon…

Nouveau haussement d’épaule pour marquer un faux désintéressement « censé » masquer justement son intérêt sincère pour la question. Trop sincère, sans doute. Aussitôt, la raillerie pure reprit le dessus, et l’ironie teinta sa voix calme :

- … je me disais que quitte à se vautrer dans ce… taudis, autant se mettre à la hauteur. Ravi que ma tentative te paraisse glauque, je suis donc dans le bon ton du « palace » ci présent !

D’un geste tout aussi ironique que ses paroles, il montra l’établissement sale et délabré qui les attendait patiemment. Puis, en « bon » soldat, il se tut un instant pour écouter les recommandations de la jeune femme sur la marche à suivre. Une petite moue étira ses lèvres lorsqu’elle évoqua son poétique champ lexical d’insultes. Malgré l’incongruité de la chose, Johan persistait à penser que cela faisait partie de son charme. Et puis… il commençait à avoir l’habitude, et affecta une indifférence amusée. Peut-être allait-il apprendre des mots nouveaux, sait-on jamais. Elle avait le magnifique don de le surprendre, là où il pensait ne plus pouvoir l’être.

Le jeune homme lui lança un coup d’œil goguenard tandis qu’elle insistait sur la simplicité de la mission, comme si elle s’adressait à un débile profond. Cela devait être l’idée, d’ailleurs. Du tac au tac, il s’entendit répliquer :


- Toi ? Chanter ? C’est un nouveau type de torture ou d’entraînement que tu testes sur moi avant les gardes, c’est ça ? A combien de mètres de distance je dois me tenir de toi, exactement, lorsque tu pousseras la chansonnette ? Histoire que je me prépare psychologiquement…

Il retint un léger rire, qui s’atténua considérablement à la vue du visage presque innocent d’Opale enroulant une mèche de ses cheveux sombre autour de ses doigts. Il eut un moment d’absence. Moment qui, fort heureusement, coïncida très exactement avec celui d’Opale. Les deux jeunes gens d’observaient donc sans se voir, leurs yeux respectifs perdus dans le vide.

Jusqu’à ce qu’Opale la première rompt l’étrange silence qui s’était glissé entre eux, pour le remplacer par une remarque qui entre ouvrit les lèvres de Johan. Le jeune homme oscillait entre une forte envie de répliquer qu’elle se trompait, et une autre de garder le silence pour éviter d’aggraver son cas. Il choisit une solution intermédiaire.


- Chef, oui chef ! murmura-t-il ironiquement, en mimant le garde-à-vous du soldat.

A peine avait-il esquissé ce geste qu’il le regretta en voyant quelques regards curieux – ou suspects – se poser jusqu’à lui. Côté discrétion c’état… le pompon. Il se mordit la lèvre. Vite, rattraper le coup. Sans prendre le temps de réfléchir, il saisit un peu vivement le bras de sa supérieure, faisant mine de l’attirer jusqu’à lui comme tout client normal se doit d’agir avec une aussi belle jeune femme. Frissonnant de sa propre audace, il déglutit difficilement, et se pencha jusqu’à elle. D’aspect extérieur, le geste était assez crédible pour disloquer les quelques soupçons… En réalité, il se contenta de lui murmurer :


- Pas jolie ?... Mes goûts sont peut-être de merde, comme tu dis, mais je suis certain de trouver pas mal de gens susceptibles d’approuver cet opinion. On parie ?

D’aussi près, il ne put s’empêcher d’inspirer un instant son odeur, qui différait si agréablement de celle qui les environnait tous deux. Il se sentit perdre pied, et eut le bon sens de lui lâcher doucement le bras, sans pour autant s’éloigner, de peur – sans doute – d’éveiller d’autres soupçons. Il se força à respirer avec calme, et poussa négligemment la porte de l’établissement qu’Opale avait eu la bonne idée de martyriser. D’une courbette qu’il réussit à rendre ironique, il l’invita à passer la première :

- Après vous, ma chère…

Et sa révérence lui permit, avant tout chose, de cacher son visage qui virait dangereusement rouge, tandis que sa peau lui paraissait incandescente. Elle voulait sa mort, c’était sûr et certain.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeVen 13 Mar - 22:54

Ah non, ça n’allait pas du tout ! S’il mettait en doute sa capacité à insulter de milles façons possibles, il fallait tout de suite le remettre sur le droit chemin. Elle lui coupa la parole, aussi vive qu’une anguille dans un océan de vacheries toutes destinées à son cher subordonné.

- Ah mais c’était de la prévenance, mon cher. Je ne voulais pas t’assommer d’insultes dès nos retrouvailles, pauvre enfant innocent que tu es. Elle le couva d’un œil maternel à rendre tendre le plus bagarreur des petits garçons, puis passa aussi sec à une moue vulgaire qui rappelait de peu un conducteur de chars à bœufs en plein embouteillage. Mais si ça t’excite de te faire traiter de crapaud pusillanime, je t’en prie, dis-le moi, je ne me gênerai pas pour t’apprendre de nouveaux mots.

Elle ne comprenait pas. N'avait à vrai dire jamais vraiment cherché ; pourquoi ce petit jeu entre eux deux l'amusait autant. C'était superficiel au possible, et gamin encore plus. Pourtant, cette chamaillerie constante, ces entrechats de répliques stupides, ce constant précipice entre ce qui peut faire mal et ce qui ne le fait pas... Était excitante. Enfin, pas excitante dans ce sens-là, hein ! Mais stimulante. Amusante. Et, d’une manière étrange, apaisante.

En même temps, c’était ambigu, un peu, des fois. Cette manière de chercher à vexer, mais sans vouloir vraiment blesser. La jeune femme contempla un instant le blondinet qui lui faisait face, sans faire attention à sa réplique sur les goûts. Ses yeux de nuages orageux se plongèrent dans ceux – couleur de ciel ensoleillé – de son subordonné, sans se demander s’il allait en être gêné. Au fond, elle ne connaissait que peu de choses de lui. Si peu… D’où lui venait ce regard d’enfant adulte ? Regard qu’elle avait probablement aussi, d’ailleurs… Etait-il conscient, que de loin, leur constante prise de bec devait ressembler à de la séduction ? Sourire. Probablement pas. Et elle n’avait même pas à se poser la question d’ailleurs.

La si redoutable Capitaine des gardes sourit en remarquant que son second avait une très légère barbe, contraste avec son visage enfantin. A quoi avait pu ressembler son enfance ? Qui étaient ses parents ? Oh, et puis pourquoi s’embêtait-elle, à la fin… Johan était lié à Nora, il n’avait pas à lui révéler quoi que ce soit. Et d’ailleurs il n’était là que pour obéir à Nora, non ? Pourquoi tous les hommes à qui elle se liait devaient-ils être en quelconque relation avec elle ? « Elle », « Elle », « Elle », toujours « Elle ». Pour la première fois dans un sujet concernant Johan Grey, une jalousie acide lui tordit les traits.

La colère contamina ses yeux et les coins de sa bouche frémirent. Aujourd’hui, elle ne savait pas ce qu’elle avait, mais un rien changeait son humeur. La robe, puis cette pensée d’être partout liée à la Reine. Tandis que le pauvre Gueule d’Ange déblatérait sur son chant, les pupilles, d’un gris doux, d’Opale prirent l’éclat froid d’une lame. Elle eût un long temps de silence et ne put s’empêcher de trancher, plusieurs longues minutes après, d’une voix claire et froide :


- Oh, bien sûr, je n’ai pas la voix de ta chère Nora !

Pourquoi une telle colère ? Ce n’était pas tant Johan, elle le savait. C’était elle, et l’impression que tout le monde aimait en elle quelque chose qui n’était que le reflet d’une autre femme, une idéale, une pleine de calme et de pouvoir. Quelqu’un qu’elle ne pourrait jamais être.
Le visage qu’elle lui adressa rappelait étrangement Nora, aussi froide que pouvait l’être son expression, et elle n’écouta même pas l’énorme bavure de son adjoint.

Cependant s’il y avait une chose à laquelle elle ne s’attendait pas, c’était bien ce que fit Johan aussitôt après. Elle sentit sa poigne tout autour de son avant – bras (signe de fermeté et de puissance virile à laquelle elle n’aurait jamais associé Johan), puis son autre bras derrière son dos. Cette proximité, cette intimité, presque – et ce même si Johan l’avait forcée – la troublait. Elle sentait le souffle tiède et irrégulier de son second sur son épaule découverte, une de ses mèches effleurer la peau de sa joue. Complètement désorientée, elle se raccrocha de justesse à ce qu’il disait, agrippant par réflexe le dos du blond au moment où elle reprenait ses esprits.


- Je… Tu … Je ne veux pas d’un tel jury, de toutes façons. Je ne leur fais pas confiance, ils n’ont aucun goût.

Ses lèvres auraient bien volontiers ajouté « ces porcs », mais le malaise était toujours présent et il était toujours aussi près. D’ailleurs, elle eût la pensée volatile mais amusante que la présence de ses seins sur son torse devait le gêner. Elle se recula quelque peu, alors même qu’il lui lâchait le bras.

- Tu me dis tout de suite, si tu essaies de me violer, hein… Que je sache quand je dois me défendre !

Il lui fallut plusieurs secondes avant de se souvenir pourquoi ils leur fallaient rentrer dans ce bouge infâme, puis elle secoua la tête – comme elle le faisait le matin pour se réveiller – et poussa la porte déjà ébréchée.

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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeSam 14 Mar - 2:21

Et bien… Ca n’avait pas mis très longtemps. Johan s’était contenté d’arquer un sourcil à peine surpris en se voyant octroyé par sa supérieure le joli surnom de « crapaud pusillanime ». Il n’avait pas pu s’empêcher d’esquisser une petite moue blasée, constatant qu’elle avait mis moins de temps qu’à l’ordinaire, pour en arriver aux insultes. La guerre était donc déclarée. Guerre qu’il était sûr de perdre, comme de bien entendu… Mais l’issue importait bien peu. Aux moqueries premières de la jeune femme, il s’imposa donc un sourire ironique au possible, sans plus desceller les lèvres, comme imperméable aux sarcasmes qu’il devait entendre à longueur de journée.

« Si ça t’excite » ? Cette partie de phrase, en revanche, l’embarrassa plus qu’il n’était nécessaire. Hors contexte, l’expression le mettait affreusement mal à l’aise, comme s’il était soudainement saisi d’une culpabilité étrange à l’égard de ce que cette idée impliquait en lui. Il n’eut que le temps d’un raclement de gorge pour tenter de reprendre ses esprits, que déjà, Opale s’évertuait à le perdre à nouveau. Il se sentit s’immobiliser de lui-même sous le regard qu’elle lui lança. Pourquoi le fixait-elle ainsi ? Il se liquéfia littéralement sous la grisaille argentée des iris de la jeune femme, qui semblait vouloir soutenir le bleu de ses yeux, pour une raison qui lui échappait. Que cherchait-elle ? A lui faire manquer d’oxygène ? Si c’était le cas… Elle était plutôt sur la bonne voie, car il en oubliait de respirer.

Sa gorge le brûlait, son dos était parcouru d’une sorte de démangeaison agréable plus ou moins semblable à une fièvre croissante, et ses genoux furent quasiment coupés par la colère subite et inattendue qu’il lut finalement dans les yeux d’Opale. En vain chercha-t-il à toute vitesse à comprendre l’erreur qu’il avait pu commettre…Que se passait-il ? Qu’était-ce que ce revirement soudain ? L’une de ses remarques avait-elle été un peu trop loin ? Avait-il réussi, plus qu’il ne l’aurait dû, à la vexer ? Il n’en avait jamais eu l’intention. Et au moment où une vague de remords donnait à ses traits l’aspect sombre qui le rendait si étranger à lui-même, Opale prononça l’une des seules choses qu’il n’attendait pas.

Nora ? Qu’est-ce que Nora avait à voir dans tout cela ? Pourquoi surgissait-elle soudain, là où elle n’avait nullement sa place ? Le jeune homme se sentit presque agacé que la présence de son ancien Capitaine vienne s’immiscer là où elle n’avait aucun droit. Aucune légitimité. Cette partie-là de sa vie ne la concernait en rien. Il n’avait pas envie de penser à elle. Pas maintenant. Pas entre eux. Ces moments, si bizarres fussent-ils, ce match de répliques cinglantes n’appartenait qu’à eux. Il eut peur, soudain, que la figure trop parfaite d’El’ y mit un terme. Pire encore… Il avait peur de cette colère froide qui venait de mettre fin à leur jeu. Peur du précipice qui se creusait trop rapidement à son goût.

Il avait fait une erreur, oui. Mais Eleanora n’aurait jamais dû intervenir. Et puis, il y avait autre chose… Malgré tous ses efforts pour ne pas assimiler les deux jeunes femmes, elles lui apparaissaient si semblables, soudainement... La même voix froide et tranchante… Le même regard sans faille qui lui glaçait les sangs.

Non. Pas exactement. Il y avait une différence. Une énorme, une gigantesque différence. C’était Opale. Elle avait beau être froide, c’était sa voix, à elle… celle qui jurait des mots aussi grossiers qu’hilarants, celle qui savait être douce et taquine quand elle le voulait. Ils avaient beau être sans faille, c’était ses yeux, à elle… Cette couleur argent si douce, qui lui faisait penser à… une mer en colère. C’était Opale.

Le temps qu’il en arrive à cette conclusion, avec un léger sourire proprement inconscient, qu’il sentit le trouble de la jeune femme contre lui, plus qu’il ne le vit. Cela ne l’aida nullement à reprendre ses esprits. La gorge nouée, il tentait de respirer convenablement, alors même que l’effort lui paraissait inhumain. Non mais c’est vrai, quoi… Il l’avait touchée. En soi, ça n’aurait pas dû être si extraordinaire, non ? Et bien… Si. Elle était beaucoup trop près. Il l’avait tenue bien trop subitement. Il s’en voulait. Mais ne parvenait pas à le regretter. Et puis… Il avait senti sa main dans son dos, et avait dû faire appel à tout son self-control pour s’empêcher de sursauter.

Cette fois-ci, plus de doute. Il devait avoir une teinte cramoisie. Heureusement qu’il faisait sombre, par ici, et que son chapeau masquait une bonne partie de son visage. Il tenta de se forcer au calme… Quelle ironie du sort. Dire qu’il était censé pouvoir apaiser n’importe qui… sauf lui-même. Lianne aurait beaucoup aimé le comique de la situation. Lui, n’avait pas envie de rire… Il était trop occupé à lutter contre un sentiment dont il ignorait la teneur, et qui le poussait à rester proche d’elle. C’était sa faute, aussi ! Pourquoi l’avait-elle agrippé ainsi ?

Et surtout… pourquoi diable réagissait-il de la sorte ? S’il avait eu réponse à cette question, peut-être se serait-il senti moins stupide. Peut-être. Quoi qu’il en soit, il retint le léger balbutiement d’Opale en début de phrase, et ne put empêcher une satisfaction assez déplacée venir taquiner le haut de sa nuque. Vraiment… Tout allait de travers. Il était déjà plutôt difficile de ne pas songer à la proximité des courbes du corps de la jeune femme contre le sien sans pour autant y ajouter des sensations qui lui apparaissaient comme hors de propos. C’est à peine s’il comprit ce qu’elle lui racontait…

Il eut besoin d’un battement de paupières pour revenir lentement à la réalité. Le reste des gens qui les entouraient, l’établissement, l’atmosphère, les cris, les rires, tout l’atteignait comme à travers un filtre. Comme s’il était… dans l’eau. Se noyait-il ? D’un mouvement de tête, il chassa cette pensée stupide, et fut interloqué par la dernière réplique d’Opale, qui redoubla sa gêne… tout en ayant le mérite de lui faire reprendre entièrement conscience de lui-même.

Raclement de gorge. Hrm hrm hrm. Le jeu. Tout n’était qu’un jeu, n’est-ce pas ? C’était sans doute ce qu’elle essayait de lui rappeler par sa dernière boutade. Rentrer dans le jeu, donc… La voyant pousser la porte de l’établissement et s’avancer à l’intérieur, Johan fut prit d’une sorte de crise de panique, et s’y engouffra illico à la suite de la jeune femme. Celle-ci eut sans doute la surprise de sentir la main de son adjoint rejoindre sa taille en un geste curieusement ferme et décidé.

D’accord, il avait les joues en feu. D’accord, il était sur le point de mourir d’asphyxie. D’accord, elle était affreusement proche de lui, et affreusement jolie. D’accord… Mais n’empêche qu’il n’était pas question qu’elle se balade tranquillement à l’intérieur de ce taudis rempli de brutes et de saoulards dans cette tenue. Ni dans n’importe quelle autre tenue, d’ailleurs. Tout en la maintenant fermement, pour bien faire comprendre aux clients du lieu qu’ils avaient intérêt à ne pas faire d’avances à la jeune femme, il se pencha légèrement jusqu’à elle, pour souffler :


- Certes, je te l’accorde, je ne fais pas plus confiance à ces gens que toi… En ce qui concerne leurs goûts… et en ce qui concerne tout le reste également. De fait…

Il s’interrompit pour saisir vivement le poignet d’un ivrogne qu’ils dépassaient, et qui avait eu l’air de trouver Opale assez à son goût pour tenter une approche « subtile » en direction de son postérieur. La poigne de Johan, contrastant avec son visage d’ange innocent, dût être assez convaincante, puisque l’homme en question ne réitéra pas. Bon, évidemment… Johan savait bien qu’il n’y était pas obligé. Mieux que quiconque, elle était capable de se défendre. Mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être inquiet.

Et puis, une prostituée qui massacre la moitié des clients, ce n’était pas discret. Pas crédible. Il fallait songer à la mission. Oui, c’est ça, la mission… Il fallait en revenir au fait. Cela devenait d’autant plus ardu qu’il sentait ses doigts posés sur la taille d’Opale, avec un naturel qui l’effrayait. Faute de mieux, il se raccrocha à ce qu’il lui racontait :


-… même si je ne doute pas que tu puisses te débrouiller seule, laisse-moi au moins jouer le rôle du client possessif le temps que nous sortions d’ici. Tu es trop belle pour passer inaperçue, quoi que tu en dises… et ce n’est pas moi qui suis la véritable menace de viol, crois-moi.

Il eut à ces quelques mots une grimace dérisoire. Un viol, lui ? Cela frisait le ridicule, et elle était très certainement au courant. Ce qui ne l’empêcha pas d’ajouter avec une nuance amusée dans la voix, bien que son souffle soit toujours aussi altéré :

- Ceci étant… Il est évident que je te tiendrais au courant, si jamais j’éprouve l’envie de te violer… Je suis certain que tu ne louperas pas une occasion de m’en faire voir de toutes les couleurs.

Il lui adressa un petit clin d’œil qui n’était rien d’autre qu’un masque de plus pour empêcher son trouble de l’envelopper tout entier. Des frissons traversaient sa nuque, et ses doigts lui transmettaient la chaleur du corps d’Opale tout près de là. D’un geste instinctif, il ôta son chapeau et poussa un soupir. Ce qu’il faisait chaud, là-dedans… A moins que ce ne soit lui. Ses cheveux blonds, libérés du couvre-chef, battirent le long de ses tempes, et auréolèrent son visage d’une teinte dorée.

Et puis soudain, sans plus prévenir, ni avoir vraiment réfléchi à ce qu’il faisait, il stoppa leur progression au milieu des tables bruyantes, et la força doucement à se retourner vers lui. Son cœur interrompit momentanément ses battements lorsqu’il articula doucement, le regard presque sombre :


- El’ n’a rien à voir là-dedans, Opale. Ne la mêle pas à tout ça, s’il te plaît. Je ne… veux pas qu’elle y soit.

Et puis, aussi subitement que le reste, son sourire revint, ce même sourire, naïf et ironique, qu’il arborait à l’ordinaire. Sa voix trembla légèrement, puisque le malaise continuait à faire partie intégrante de lui à présent, lorsqu’il ajouta :

- Alors… tu me la montres, ta jolie voix, chef, qu’on attire cet abruti ?
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeSam 14 Mar - 19:18

Malgré l’interlude qui avait transformé sa colère sourde en confusion pure, Opale était vive d’esprit, et il ne lui fallut que peu de temps pour se rappeler la cause de son agacement - et de revenir à celui-ci avec la rapidité d’un poisson dans une mer agitée. Et ce même si l’adjoint n’avait pas répondu à l’allusion haineuse de sa supérieure.

Le pire, c’est qu’elle n’avait rien contre la Reine. Enfin, pas vraiment. A part bien sûr, pour le fait qu’elle avait tout ce qu’Opale avait jamais pu vouloir, à savoir Kanaw et ses enfants. Mais elle n’était pas… Complètement antipathique, ni rien, bien que sa neutralité glace la jeune capitaine des gardes. Mais malgré tout cela, on ne pouvait nier qu’elle était importante pour Opale. Pourquoi ? Ce n’était pas juste son lien avec Kanaw ou avec Johan, et encore moins son « amabilité ».

C’était une relation étrange, songea la jeune femme en regardant sans la voir une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de seize ans tenter de séduire son adjoint. Une ancienne rivale, une neutralité glaciale, des regards qu’elle n’osait interpréter comme de la compassion… Et pourtant une peur panique de sa part à la seule idée qu’il lui arrive quelque chose ou qu’elle ne soit plus là.

Un autre grognement franchit ses lèvres – Johan devait être habitué depuis le temps. Pourquoi était-ce aussi dur de la détester purement et simplement ? Ne pas arriver à l’aimer, ne pas arriver à la haïr. Qu’est-ce qu’elle faisait aux hommes ? Qu’est-ce qu’elle lui faisait, à elle ? Une seule chose la rassurait : elle ne la fascinait pas. Les mâles pouvaient très bien trouver son caractère sensuel, mais Opale n’y voyait que de la peur des autres.

Elle interrompit son cheminement intellectuel autour de la Reine pour détailler l’endroit du regard, mais en fût aussitôt empêchée par une main ferme sans être brutale autour de sa taille. La prostituée en herbe – mais ne lui dites pas que je l’ai appelée comme ça – se retourna vivement vers l’importun, et eût la surprise de découvrir qu’il ne s’agissait que de son second. Une lueur interrogatrice traversa son regard, elle ne fit cependant aucun commentaire : si son subordonné se rappelait soudainement son rôle, tant mieux.

La jeune femme fit un effort considérable pour simuler l’indifférence quant à la main sale qui s’avançait vers son postérieur, et ne put s’empêcher de ressentir un certain soulagement de l’empressement que mit Johan à l’empêcher d’atteindre son but.

La marée d’odeurs qui submergea ses pauvres narines, si elle n’était pas très agréable, restait supportable, et elle profita d’un instant où le blond qui l’accompagnait fusillait du regard un potentiel « client » (un peu trop intéressé) pour détailler la foule grouillante qui pullulait dans ce qui ne méritait même pas d’être appelé une taverne. Elle ne reconnut personne, s’aperçut tout de même avec dégoût que la plupart des prostituées de cette bicoque étaient soit très jeunes soit très défoncées – et ce que ce soit à des substances inconnues soit à l’alcool pur et simple – ou même les deux.

Elle ne put s’empêcher de grimacer à la vue d’une petite rousse qui riait par terre. Si jeune, et déjà digne de la vermine du lieu. Craignant que son regard condescendant ne trahisse son manque d’habitude de ce genre d’habitat quotidien, elle reporta son attention sur son blond client, qui semblait en train de lui murmurer des choses à rendre jaloux tous les hommes alentour (et qui, en réalité, lui demandait la permission de jouer le connard possessif).

Opale acquiesça en silence à la question. Qu’il le fasse, son gros jaloux. De toutes façons, le connaissant, ça ne risquait pas d’aller bien loin. Et puis au fond, ce serait amusant de le voir en client avare de son bien. La jeune fille au nom de pierre aurait bien parié tout ce qu’il était possible de parier que Johan n’était pas un habitué des bordels, et encore moins de ce comportement. Elle lui sourit, cependant son compagnon devait la connaître assez pour comprendre que ce sourire – qui n’allait pas jusqu’à contaminer ses yeux – ne changeait rien à sa colère de tout à l’heure.

Sa réponse à la réplique de Johan sur le viol, cependant, aurait pu faire croire le contraire, mais ce fût sans son habituelle moue qu’elle lui répondit du tac au tac :


- Bah, de toutes façons, tu seras tellement maladroit que cela risque d’être plus amusant qu’autre chose. Tu as déjà vu un violeur rougir et bégayer, toi ?


Elle marquait un point, là. Mais n’était pas tellement sûre que ça avait été une bonne idée de répondre ça. Jamais elle n’appuyait là où ça faisait mal, normalement. Ses pieds faillirent écraser le pied d’un gros bourgeois, et elle fit mine de faire attention à son précaire chemin vers une table. Après un examen du sol, finalement, autant ne pas regarder ce qu’il y avait dessus.

La jeune soldate sentit son accompagnateur arrêter leur marche. Surprise, elle ne put rien faire d’autre que de suivre ce que suggérait le geste de Johan qui l’invitait à se retourner. La première chose qu’elle vit fut ses yeux, presque assombris sous un sérieux déroutant. Ce qu’il réussit à articuler serra son cœur, cependant une partie d’elle continua de ne pas le croire.

Il prétendait que la Reine n’était pas présente dans leur relation, pourtant…

Elle le laissa continuer, essayant, mal à l’aise, de rétablir un certain calme, puis le coupa, veillant tout de même à ce que sa voix se perde dans le chaos auditif qu’était la salle et n’atteigne que son interlocuteur.


- Montrer une voix ? Très correct, comme formulation…

Bon, peut-être devait-elle tout de même affronter le taureau par les cornes. Ou de les arracher. Enfin bref, une histoire de taureaux, quoi.

- Tu ne veux pas ? Tu mens, Johan. Tu mens. Tu n’es mon adjoint que parce qu’Elle te l’a demandé, et comme tous les hommes auxquels je tiens, tu ne vois en moi qu’une ébauche de ta si parfaite Reine.

Elle slaloma entre deux ivrognes, combattant avec une boule dans la gorge qui semblait vouloir l’étouffer, puis se posa lourdement sur une chaise, à une table plus ou moins libre – enfin, c’est sûr qu’après avoir traîné par terre le gars soûl qui coulait paresseusement dessus, toute table est libre. A vrai dire, même retrouver le gars ne l’intéressait pas, là. Surtout qu’il y avait de grandes chances pour qu’il veuille soit la séduire comme un gros pataud, soit être frustré qu’une femelle ait pris autant d’importance.

Tentant malgré tout de garder l'air aguicheur d'une prostituée qui attend son client, Opale luttait contre l’envie de noyer son malaise dans de l’alcool infect.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeSam 14 Mar - 22:15

Il l'avait vue entrer. Tout le monde l'avait vue entrer, d'ailleurs. Elle tranchait de manière transcendante avec le glauque décor que représentait cette auberge pourrie. Ne serait-ce que son physique, qu'il avait tant de fois observé avec envie. Il y avait si longtemps, Opale, si longtemps...De sa voix rauque, il murmura.
-Voici venir mon heure, demoiselle.

Il la détailla du regard, conscient d'imiter la moitié au moins du bar ici présent. Il pouvait sentir son malaise dans des vêtements qui n'étaient pas les siens, presque humer son scepticisme vis-à-vis de cet endroit. Un sourire éclaira sa face ravagée. Non seulement l'air méfiant qui ornait le visage de la vieille de Frey était jouissif, mais il y avait également que jamais il n'avait vu cette femme dans une tenue aussi révélatrice auparavant, et appréciait. Elle avait bien vieilli. Quel âge devait-elle avoir, maintenant ? Même pas la trentaine ? Et pourtant elle surpassait en beauté toutes les catins du coin - qu'il avait appris à connaître une par une.

Seilys, son Totem fouine allait apprécier. Il allait la faire paniquer. Son don ne l'avait jamais autant excité que maintenant. Tirer sa force de la panique des gens, quoi de plus séduisant... Et maintenant Elle. Elle qui l'avait jadis rejeté... Peut-être même mettre un peu de souk sur l'établissement, pour que ce soit encore plus amusant. Dire qu'il l'avait ferrée en parlant de Nyls... Cet espèce de couillon qui s'était pris pour un patriarche. Et qui était mort comme un con, finalement. Elle avait eu la chance de partir avant une deuxième mutinerie : heureusement qu'il allait rattraper le coup. Cependant une question demeurait : pourquoi était-elle accompagnée ? Ce blondinet à l'air stupide ne pouvait être un allié.

Croyait-elle être plus en sécurité en entraînant un jeune soi-disant client dans son sillon ? Ce n'était pas ce qui allait la sauver. Il aurait ce qu'il voulait, quitte à tuer le gamin.

N'empêche, un rôle haut placé... Avec combien de personnes avait-elle dû coucher, cette catin ? Bah, elle avait peut-être un peu progressé, après tout, mais ça n'était pas ça qui allait lui poser problème.

- Alors, petite pierre, comment comptes - tu me repérer ? J'attend.

Il avait choisi le meilleur coin et le meilleur déguisement. Même Opale ne pourrait pas le repérer. Même Opale ne pourrait pas voir venir l'homme lorsqu'il déciderait d'agir.


Note : Les fouines aiment à créer la panique - notamment dans les poulaillers et tuent alors tout ce qui bouge, d'où le pouvoir.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeLun 16 Mar - 2:35

Plus ça allait… Moins ça allait. Cette devise aurait pu résumer à merveille la situation dans laquelle il s’était fourré, songea le jeune homme avec une petite moue désabusée. Moue qui, hors de contexte, aurait pu être charmante, si elle n’avait été aussitôt interrompue par sa méfiance à la limite de la paranoïa. Ca n’allait pas du tout, même… Entre deux regards haineux aux clients du bordel qui semblaient vouloir marcher sur « son territoire », Johan se demanda ce qu’il y avait de pire, dans tout cela. Le fait qu’ils se retrouvent tous deux au milieu d’ivrognes probablement armés jusqu’aux dents, et qu’en cas d’émeute, il n’était pas sûr de pouvoir la protéger comme il le devrait ? Ou le fait, à peine moins périlleux, qu’il sentait encore l’étrange colère froide de sa supérieure à ses côtés ? Etait-ce vraiment de la colère ? Il n’en était pas sûr… Pour avoir calmé bien souvent toutes sortes de sentiments, il savait en distinguer par instant la teneur… la rage d’Opale était teintée de chagrin.

C’était sans doute cela, le pire. Oui, indéniablement. Le blond en arrivait à cette conclusion au moment où une jeune fille qui devait avoir sans doute une bonne dizaine d’années de moins que lui s’approcha jusqu’à le frôler, tout en lui lançant des regards aguicheurs qu’elle devait destiner à tout un chacun. Bien piètre tentative pour arracher Johan à une concurrente qu’il ne lâcherait pas d’un centimètre tant qu’ils seraient à l’intérieur de ce… truc. Il n’empêche qu’il ne put lutter contre une chaleur caractéristique qui remonta le long de ses joues, comme à chaque fois. Il faillit en lâcher un soupir, agacé de sa propre faiblesse. Stupidité, aurait été un terme plus approprié, d’ailleurs. Il devait certainement être le seul homme au monde à avoir envie de fuir un joli sourire ou un geste d’affection.

Mais la question n’était pas là. Il se remettrait en question plus tard. Bien plus tard. Pour l’heure, la seule chose qui comptait vraiment, c’était de faire en sorte qu’Opale quitte cet endroit saine et sauve. Ce qui n’était pas forcément gagné d’avance, à voir tous les regards de convoitise qui se tournaient jusqu’à eux. Dire qu’elle ne se considérait pas comme jolie… Peut-être tous ces gens n’étaient-ils pas des exemples… mais tout de même. Il était presque impossible qu’ils puissent se fondre dans la masse, pour la simple et bonne raison que la beauté d’Opale attirait les regards… et que lui, passait pour un jeune premier arriéré. Parfait, vraiment parfait.

Il se sentait de plus en plus mal. L’odeur qui les entourait n’était pas particulièrement étouffante, mais mélangeait des effluves d’alcool et de chair qui lui donnaient tantôt la nausée, tantôt le vertige. Pourvu qu’elle ne lui demande pas de boire… Son autre main enfouie dans les plis de sa cape, jusqu’à sa dague, se tenait prête à dégainer au moindre geste trop suspect, et ses yeux de ciel bleu balayaient la pièce avec un effarement qui n’allait qu’en s’amplifiant. Un mauvais pressentiment naquit dans le creux de sa nuque. Ce n’était pas une bonne idée. Il l’avait toujours su. Concentré sur les dangers potentiels et les mains audacieuses qu’il fallait tenir éloignée d’Opale, il avait réussi à faire momentanément abstraction de la proximité du corps de la jeune femme. Ce qui, en soi, était un miracle. Il n’en avait pourtant pas oublié sa colère, qu’il gardait dans un coin de sa tête, et jusque dans sa gorge nouée.

Sa boutade au sujet du viol ne le dérida nullement. Loin de là. Il ne réussit qu’à lui renvoyer un sourire ironique et blasé pour toute réponse, mais sentit son cœur protester légèrement contre cette indifférence feinte. Oui, en effet… Rougir et bégayer, ça, il savait faire. Il était même professionnel dans sa catégorie. Le seul dans sa catégorie, plus exactement. Il avait beau lutter… on ne refait pas sa nature. Et cela l’agaçait profondément. L’ambiance du lieu, les cris, les rires, les odeurs, la remarque d’Opale… Tout lui rappela avec soudaineté un autre soir. Un soir, quelques années auparavant, durant lequel ses compagnons d’équipage avaient décidé de prendre les choses en main et de « dérider » leur grand timide de supérieur.

Il n’avait rien d’un supérieur, bien sûr. Ils se moquaient ouvertement de lui, et cela avait été le but de l’expérience qu’ils avaient tentée. Au visage et à l’attitude de Johan, on ne songe pas une seule seconde qu’il puisse être un habitué de ce genre d’endroits. Pourtant… sans forcément être d’accord avec ce genre de pratiques, le jeune homme y a participé. Du temps où il faisait partie de l’équipage d’Eleanora… Du temps où il en est devenu le bras droit, et où il a bien fallu qu’il se fasse respecter de ses hommes. Comment se faire respecter autrement qu’en leur ressemblant ? Johan avait bien dû s’y résoudre. Et des soirées pleines d’alcool, de cartes à jouer et de filles… il en avait vécues. La première, il s’en souvenait plus précisément, car cela avait été aussi la première fois que… qu’il s’était couvert de ridicule.

Plus le bruit s’intensifiait autour de lui, plus il se rappelait les moqueries et les éclats de rire des marins derrière lui, quelques tapes encourageantes dans son dos, et tout autour des jeunes filles rivalisant d’audace et de… de manière « subtile » de se déshabiller. Tout avait été beaucoup trop vite. Il n’avait pas eu le choix… il s’était retrouvé dans un traquenard. Tout comme maintenant.

Non. La différence c’était qu’il n’était pas avec une bande d’ivrognes et d’obsédés, mais avec une jeune femme à laquelle il tenait assez pour ne pas la lâcher d’une semelle. La voix d’Opale le fit justement revenir au moment présent, et l’arracha au souvenir désagréable d’un passé qu’il aurait voulu oublier. Elle se moquait de lui, bien sûr, mais cela ne changeait pas de l’ordinaire… Il ne réagit pas, encore perdu dans ses sensations d’autrefois, jusqu’à ce que les paroles de sa supérieure l’atteignent plus nettement encore.

Comme la lame d’un poignard, elles lui semblèrent transpercer son dos, et s’insinuer le long de ses omoplates, traitreusement. Elle l’accusait de mentir. Elle l’accusait de n’être là que grâce à la volonté d’El’. Elle l’accusait de ne voir en elle qu’une esquisse de son ancien Capitaine. Ce qu’il venait justement de réfuter en lui-même, pourtant. Il ne comprenait plus rien. Pourquoi cela le touchait-il autant, que d’entendre ce genre d’accusations franchir cette bouche-là ? Pourquoi ne le croyait-elle pas ? Et surtout… pourquoi avait-elle l’air si touchée de ce qu’Eleanora pouvait représenter pour lui ? Elle était décidément un mystère. Le souffle coupé par les accusations qu’il venait de recevoir en pleine figure, il n’eut pas le temps de la retenir, et tendit machinalement un bras, ce qui eut pour seul résultat d’effleurer la main de la jeune femme, avant que celle-ci ne slalome agilement jusqu’à une table.

Johan eut l’impression désagréable que son estomac se retournait littéralement, non plus à cause de l’odeur du lieu, mais à cause de ce qui venait de s’immiscer entre eux. Eleanora. Pourquoi avait-il fallu qu’elle la nomme ? Pourquoi fallait-il toujours en parler ? Il sentit ses mains se mettre à trembler légèrement. Le lien qui le rattachait à la Reine était… étrange, indéfinissable. Et néfaste. Il en était parfaitement conscient. Elle était une sorte de… fascination malsaine. De drogue dont il ne pouvait se passer. Tout en sachant que ce n’était pas ce qu’il souhaitait réellement. Mais il était incapable de s’en détacher. Pas plus qu’il n’était capable de supporter la colère d’Opale retournée contre lui.

Il inspira profondément, et réalisa qu’il se tenait immobile au milieu du taudis depuis un temps indéfini, ce qui n’était ni discret, ni recommandé. Vivement, il se rapprocha de la table qu’avait choisi Opale, jetant des regards hostiles un peu partout au passage, histoire de vérifier que certains clients n’avaient pas profité de son moment d’absence pour faire main basse sur « son » Opale. Qui n’était pas la sienne. Pour une mystérieuse raison, son cœur se révolta une micro-seconde contre cette idée. Puis il s’assit lourdement – se laissa tomber, plus exactement – en face d’elle, n’osant plus désormais trop s’approcher, de peur de provoquer plus encore de désastre. Il avait l’impression de se retrouver face à face avec un volcan en pleine éruption. Sauf que ses yeux n’étaient pas de flammes, mais de la grisaille argentée de l’écume, plus propice au chagrin qu’à la rage.

Il se mordit la lèvre, et posa son chapeau informe sur la table, entre eux deux, le tripotant nerveusement de ses doigts maladroits. Il semblait y avoir soudainement un gouffre, juste là, entre Opale et lui. Ce n’était pas seulement cette table. C’était tout le reste. Johan avait l’impression de ne pas respirer convenablement. Cela le paniqua d’autant plus qu’il était censé se tenir sur ses gardes. Après tout… rien ne disait qu’ils ne venaient pas de tomber dans un piège. Et son devoir était de la protéger.

- Opale…

Il ne reconnut qu’à peine sa voix, tant elle lui parut rauque, à travers son murmure. Il s’interrompit, réalisant qu’il n’avait pas réfléchi à ce qu’il fallait dire ensuite. Oui, que devait-il dire ? Lui qui ne comprenait pas une réaction aussi vive ? Oh, il n’était pas aveugle. Il savait… ou plutôt, il devinait l’amour que portait sa supérieure au Roi. Amour d’autant plus impossible qu’il y avait Elle. Il comprenait son besoin de se comparer à El’, de se détacher d’El’. Mais en quoi, lui, était-il mêlé à tout cela ? Il aurait voulu trouver les mots adéquats pour la rassurer, mais il n’était pas sûr d’en être capable.

Ses mains tremblaient de l’envie de traverser le mince espace qui les séparait de celles d’Opale. Peut-être qu’en la touchant, Lianne pourrait l’aider à apaiser la douleur de la jeune femme. Non… Il doutait que cela fût aussi simple. Mais comment faire, si même en étant honnête, il se heurtait à une barrière infranchissable ? Pourquoi se murait-elle elle-même dans le mensonge ? Avait-elle trop peur de la réalité ? Trop peur d’apprendre qu’elle valait autant, sinon plus qu’Eleanora ? Cela remettrait tout en cause, n’est-ce pas ?

Johan eut une pâle ébauche de sourire, puis murmura doucement :


- Je… sais bien que tu as une piètre estime de ton arriéré de second, et crois-moi, je partage sincèrement ton opinion… Mais s’il y a une chose que je ne supporterais pas, c’est de perdre ta confiance. Tu as confiance en moi, n’est-ce pas ?

Il n’en était pas si sûr, au fond… Ne venait-elle pas de douter de lui, à peine quelques minutes plus tôt ? Il ne lui en voudrait pas, bien sûr… Mais il ressentit un pincement au cœur à cette pensée. Ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre :

- Je ne suis pas un menteur, Opale. Je suis un imbécile, un naïf, un coincé, un tout ce que tu veux si tu as envie de m’affubler de tes noms d’oiseaux… Mais je ne suis pas un menteur. Tu n’es pas un pâle reflet d’Eleanora. Tu es toi… Et franchement… Personne d’autre que toi n’aurait pu l’être aussi bien. Ne te cache pas derrière cette excuse, s’il te plaît.

Porté par ses mots, l’inquiétude sembla se dissiper vaguement, ce qui lui permit d’avancer l’une de ses mains, jusqu’à traverser la table, et frôler les doigts d’Opale. Il n’utilisa pas son pouvoir. Il n’en avait ni l’envie, ni le besoin. Cela n’aurait pas été honnête envers elle. Il avait juste besoin de vérifier qu’elle n’était pas si loin que cela…

- C’était la vérité, ce que je t’ai dit. Je n’ai jamais eu de… d’amie, en dehors d’El’. Et encore, notre amitié reste… étrange à mes yeux. Je voudrais que tu sois mon amie, toi. Toi toute seule, sans l’ombre d’Eleanora, juste derrière nous.

Dans un geste qui lui parut presque inhumain, il redressa la tête jusqu’à elle, et tenta un maigre sourire, appréhendant les réactions parfois brusques d’Opale. Il retint un sursaut en constatant à quel point elle pouvait être jolie, même dans un tel environnement. Même avec cette tristesse empreinte dans son regard. Si seulement il avait pu y faire quelque chose… Johan serra les dents. A quoi cela servait-il donc de pouvoir la protéger, s’il ne pouvait pas lui redonner le sourire ? Il se sentit las et inutile.

Ses épaules retombèrent légèrement, et il baissa à nouveau la tête, comme impuissant. Certains clients, qui avaient suivi la scène sans en saisir les dialogues, commençaient à darder des regards d’autant plus intéressés en direction d’Opale. La gueule d’ange n’avait plus l’air dans les bonnes grâces de la belle, compte tenu de la tête qu’il faisait… et cela excitait les convoitises. Dans un sursaut de prudence, Johan reposa la main sur la garde de son poignard, sans pour autant se douter de l’homme, camouflé dans un coin de l’établissement, et qui attendait patiemment son heure.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeVen 20 Mar - 21:31

Opale ne savait plus trop qui elle était. Les odeurs lui retournaient la tête, à tel point que même le contact rassurant du bois sous ses doigts ne parvenait pas à la convaincre que cet endroit horrible existait vraiment. Qui était-elle, après tout ? Une catin, une fille de catin, l’ombre du Roi, la lune qui est destinée à se cacher derrière le soleil, un oiseau sans ailes… Quelle importance, à présent ? Elle frappa du poing sur la table, comme si ce geste pouvait effacer la colère froide et sourde qui vibrait dans tout son corps.

Colère, mais colère contre quoi ? A quoi bon se révolter contre ce qu’on est parce qu’on voudrait ressembler à tout ce que l’on est pas ? Elle traçait des dessins informes sur la table, le regard vide, lorsque son subordonné abasourdi s’assit à son tour.

Ce n’était pas tant Johan, que le lien qu’il entretenait avec son reflet à elle, Nora. Ce n’était pas tant Kanaw, que l’amour qu’il avait offert à une autre. Ce n’était pas tant Nora que le bonheur qu’on lui avait offert et qu’elle n’arrivait pas à comprendre. Ce n’étaient pas tant les enfants, mais la déchirure de savoir qu’elle n’était pas leur mère. Elle n’était… Elle n’était rien.

Ses mains, pâles comme la mort, couvrirent son visage tandis que Johan murmurait son prénom. Elle nota le changement dans sa voix, le tremolo étrange qu’avait fait son ton, mais fit tout pour l’ignorer. Il avait beau être inquiet, il ne comprenait rien, elle en était sûre. Que croyait-il y piger, ce crétin ? Lui aussi, il était comme Kanaw ! Lui aussi, il allait la laisser tomber ! Lui aussi, comme avant, comme toujours, comme Catherine, comme De Frey. Comme elle le valait.

La jeune femme tenta le diable pour ne pas écouter ce que disait son blondinet de second. Elle resta de marbre à sa question, se contentant de regarder ailleurs. Et lui non plus n’arrivait pas à comprendre qu’ils étaient sensés déjà s’entendre. Pourquoi les hommes avaient-ils toujours à demander pour croire que les liens du cœur se tissaient ? Les relations n’étaient-elles pas sensées se faire toutes seules, naturellement ?

Son cœur tressaillit lorsqu’il tenta maladroitement de lui expliquer qu’elle était différente de la Reine. Peut-être. Admettons. Peut-être qu’il le pensait. Et alors, ça changeait quoi, au final ? Se cacher derrière une excuse. Bin tiens. Comment pouvait-il être aussi aveugle ? Ou plutôt, comment pouvaient-ils être aussi aveugles, tous ?

- Une excuse, hein ? C’est tout ce que c’est, pour toi ?

Malgré son ton sec, les doigts de Johan sur les siens la troublèrent. Pourquoi la touchait-il ? Essayait-il d’utiliser son don ? Elle retira sa main, sans brusquerie… Mais c’était probablement encore pire, après tout. Ce long silence tandis qu’elle rejetait cette tentative touchante pour la rassurer. Mais elle ne voulait pas être rassurée. Elle voulait lui expliquer, lui crier, lui faire comprendre qu’elle souffrait, qu’elle en avait assez et qu’il était comme tous les autres.

Elle n’en pouvait plus…Même Johan ne comprenait pas qu’elle avait besoin de lui, avec son vieux tremblement qui pour elle se résumait à « Ecoute, mais non mais non, tu n’es pas Nora, et j’ai du mal avec Nora. Tu ne veux pas être mon amie, toi ? ». Oh et puis merde. Elle était si pathétique. Elle tenait à Johan, elle l’aimait profondément, pas de la même manière que Kanaw, mais aussi. Elle les faisait tous souffrir, et tous se devaient d’aimer la même femme qui n’était pas elle.
Opale était tellement fatiguée de tous ces jeux… Toute cette souffrance, toute cette jalousie, tous ces reflets…Sa voix tremblait et ses yeux se mouillaient tout seuls lorsqu’elle répondit, se levant sur sa chaise :

- Tu veux savoir, Johan ? Je t’aime beaucoup. Oui, je t’aime beaucoup. Et c’est bien là le problème, parce que comme chaque putain d’homme auquel je tiens, il faut que tu sois… Hypnotisé par une autre femme à chaque fois que tu la vois. Et, tu sais, j’en ai marre, marre d’être le double d’une femme qui ne me ressemble pas, parce que chaque personne que j’aime l’aime, et putain ! Merde ! Marre de ce putain de reflet ! Marre de toi ! Marre de ne pas savoir qui je suis, si je suis là parce que je lui ressemble, si Tu es là parce que je lui ressemble. Marre ! Marre…

Sa voix s’était brisée, et les traînées de larmes qui coulaient sur ses joues contribuaient à son aspect brisé. Incertaine de ce qu’elle devait faire, Opale se leva et, bousculant quelques habitués, tenta de se frayer un chemin vers la sortie. Que voulait-elle dans la vie ? Y avait-il même quelque chose à vouloir ? Tout ce qu’elle avait n’était qu’illusion…

- Dites, donc, ma pouliche, je vous assure que moi, je ne fais pas pleurer les filles…Vous voulez pas …

Non, visiblement pas. Le poing – qui lui semblait toujours si pâle – de la jeune femme s’enfonça dans la figure du pauvre homme aux fossettes saillantes qui avait eu le malheur de prendre l’initiative de lui parler. Sous ses doigts, elle comprit que c’était le cartilage qui venait de ses briser, et ne fût pas surprise lorsqu’un liquide chaud et rouge bien connu vint tâcher sa peau.

Elle n’aimait pas le contact du sang sur ses doigts. C’était sale, ce sang inconnu, cette présence sur son corps… Cependant elle ne fit aucun commentaire, et traversa la foule de prétendants soudain refroidis pour sortir dehors.

L’air du soir naissant la frappa comme une bourrasque. Le vent sur ses joues mouillées de larmes lui fit froid. Génial. Et où irait-elle, maintenant ? Comme une petite gamine perdue et frigorifiée, ses lèvres rougies tremblaient. Quelle tenue de merde ! Comment les catins faisaient-elles pour ne pas attraper une pneumonie ? Il ne faisait même pas particulièrement froid, mais la robe était tellement découverte. Le sang gouttait de ses mains, ses bras pendaient sur ses flancs et son regard argent avait une lueur d'enfant perdu.

Comme une enfant qui fugue, elle s'avança au hasard dans une ruelle, son jupon crasseux frôlant le sol, les oreilles fermées à toutes les clameurs de la Rue, comme un fantôme ou un animal blessé. S'arrêtant un instant, les yeux fermés, elle se demanda si elle voulait mourir. L'air, qui l'avait blessée de sa morsure de froid tout à l'heure, sembla apprécier l'idée, soudain plus doux... Pourtant, lorsqu'elle rouvrit les yeux, ce n'était pas sa mort qu'elle contemplait, mais bel et bien une vie dans laquelle elle ne savait plus avancer.

La vérité, c'est qu'elle ne voulait pas que tout s'arrête. Juste la douleur. Quelqu'un, dites-lui qu'un jour son cœur va se dénouer... Opale attendait la pluie, toute seule dans l'univers. Elle leva la tête vers le ciel, s'appuyant à un mur. Ce devait être la pluie, cette traînée mouillée qui coulait de ses yeux... Non ? Ce devait être un orage, cette sensation qui lui broyait les côtes... Non ? Ce devait être le vent, ce tremblement qui prenait ses mains... Non ?

Elle se sentait perdue, seule, et tellement bête. Qui voudrait d’elle, à présent ? Elle voulait rentrer chez elle. Qui allait enfin la voir ? Elle voulait qu’on vienne la chercher. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle voulait une présence protectrice, enfin… Qu’importait la mission ! La petite fille avait peur. A quoi ça servait, la fierté ? A quoi ça servait, la douleur ? Oh…

Opale avait froid à l’âme. Les larmes qui s’étaient un instant figées sur sa joue reprirent de plus belle.



(Bouh, tu me fais complexer avec tes super longs messages trop intéressants)
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeSam 21 Mar - 1:30

Elle avait retiré ses doigts. Presque aussitôt. Oh, ce n’était pas brusque. Ce n’était pas du dégoût, ni de la colère. Mais c’était pire. Johan ne sut pour quelle raison ce geste le blessa plus que les quelques mots qu’elle avait prononcé. Son ton était sec, et lui fit froid dans le dos, à tel point qu’il n’osait plus regarder son visage. Mais elle avait retiré sa main. Tout de suite. Il se sentit soudainement… vidé. Epuisé. Les yeux dans le vague, il observait sans les voir ses propres doigts, seuls au milieu de la table. Pathétiques. Il pouvait encore sentir sur sa peau une tiédeur qui n’était pas la sienne. La pierre coincée dans sa gorge remonta douloureusement. Eh quoi ? Il n’allait tout de même pas se mettre à pleurer, non ? Non. Mais chaque respiration paraissait une souffrance. Comme un fleuve de feu qui remonte jusqu’à sa bouche, puis redescend, irrigant ses poumons. Geste quotidien. Geste vital. Mais qui avait il-ne-savait-trop-quoi de torturé.

Pas plus torturé, en revanche, que le visage d’Opale. Comment pouvait-il le savoir, puisqu’il n’arrivait plus à redresser la tête ? Il l’imaginait. Il l’imaginait à sa voix. Et c’était bien pire encore. Il y avait des larmes, dans ses mots. Des larmes plus tranchantes que l’acier. Plus blessantes que la voix d’Eleanora. Plus vraies aussi. Trop, sans doute. Il voulait qu’elle s’arrête. Qu’elle ne dise pas toutes ces choses… pourquoi ? Il n’en savait rien. Probablement parce qu’il avait aussi peur qu’elle d’entrevoir la vérité. D’y faire face. Il recevait le monologue d’Opale comme on fait face à une mer en rage, pliant sous l’onde bouillonnante, et proie des bourrasques, comme un fouet sur ses joues. La mer, la tempête, le naufrage… il aurait pu supporter tout cela, sans peine.

Mais pas ça. Pas sa souffrance, à elle. Il redressa brusquement la tête lorsqu’elle en arriva au « Marre de toi » qui teinta comme une sentence à ces oreilles, et sentit aussitôt les dernières mailles effilochées de son courage prendre la fuite. Ses yeux s’accrochèrent presque instinctivement au regard humide d’Opale. Les larmes qu’il avait senties dans sa voix l’ébranlèrent, alors même qu’il pensait ne plus pouvoir l’être. Elles avaient quelque chose de… précieux. Comme un réseau de cristal pur, prisonnier de ses cils, et qui rendait ses yeux plus gris encore. Et plus douloureux. Johan crispa les poings sur la table, et fit une maigre tentative pour se calmer. Que lui arrivait-il ? Pourquoi ? Comment en étaient-ils arrivés là ? Il ne s’en souvenait plus. Tout était flou désormais. Ce qu’ils faisaient ici ? Aucune idée. Qui était-il ? Peu importait. Il fallait juste qu’il respire. Qu’il se calme, et qu’il respire.

Ses yeux le brûlaient. Ce n’était pas bon signe. Le visage d’Opale se brouillait peu à peu. Il soupçonnait ses propres larmes d’y être pour quelque chose, mais les refoula dans un accès de fierté qu’il trouva ridicule. Il aurait voulu réfléchir. Savoir ce qu’il convenait de faire à présent… Agir. Sa conscience l’en empêchait. C’était trop dur. Trop compliqué. Les mots d’Opale se mélangeaient les uns aux autres, se percutaient, s’entremêlaient dans un chaos des plus complets. Son sang battait contre ses tempes. Il aurait voulu s’allonger. Poser sa joue sur le bois frais de la table. Cela aurait peut-être le mérite de lui clarifier les idées, non ?

L’ennui c’était qu’il était immobile. Comme si, brusquement, tous ses nerfs s’étaient mis en grève. Exceptés, bien sûr, ceux qui s’entêtaient à le faire souffrir. Dans sa gorge. Sa nuque. Son cœur. Egaré, il cligna des yeux pour chasser un trouble qui s’amplifia lorsqu’il aperçut le mouvement d’Opale vers la sortie. Non, certainement pas. Il ne la laisserait certainement pas s’en tirer aussi vite. Il voulait comprendre. C’était ce qu’elle avait souhaité aussi, non ? Qu’il comprenne. Alors pourquoi s’enfuyait-elle ? Pourquoi s’enfuyait-elle toujours ? Il n’y avait pas que de la tristesse, dans ce qu’elle lui avait dit. Il comptait pour elle… Qu’avait-elle dit exactement ? Je t’aime beaucoup… Oui. Pour la première fois, quelqu’un semblait avoir besoin de lui. Vraiment besoin.

Ce fut cette pensée qui le traversa de part en part, et brisa l’état de léthargie dans lequel il semblait plongé. Comme une décharge électrique, cette certitude remonta dans son dos, jusqu’à sa nuque, et le fit se lever d’un bond. Le tabouret émit un bruit sourd en tombant à ses pieds, chose qu’il ne remarqua même pas. Elle était partie. Il avait trop attendu avant de réagir… Où avait-elle pu aller ? Il eut un instant de panique, et ses doigts se mirent à trembler tandis qu’il se frayait rapidement un chemin jusqu’à la sortie. Il se sentait… à fleur de peau. A deux doigts de fondre en larmes ou de commettre un meurtre. Au choix. Tous ses muscles tendus lui faisaient mal, et semblaient réagir à une entité autre que lui-même.

En passant devant l’homme au visage ensanglanté, qui avait eu la mauvaise idée de tenter sa chance, Johan sentit son poing prendre une initiative, et aggraver plus encore la blessure de l’importun en s'écrasant sur son nez. Ses lèvres articulèrent une phrase qu’il eut du mal à déchiffrer :


- Retente un coup comme ça et je te tue.

S’il avait été dans son état normal, il aurait cru qu’il avait déjà trop bu. L’alcool avait tendance à faire de lui un véritable pantin de ses pulsions. Dans le cas présent… il n’aurait pas été contre un verre dont la bière brûlante aurait eu le mérite de rivaliser avec la chaleur de sa gorge. Oui…

Lianne n’aurait pas été ravie de son geste. Mais ça faisait du bien. Il se sentait un peu mieux. Un peu. D’un pas précipité, il réussit à quitter l’établissement, trébuchant presque en atteignant la sortie. L’air frais lui fouetta le visage et le fit pousser un soupir de presque-soulagement. L’impression d’engourdissement quitta peu à peu ses membres. Le jeune homme reprenait maîtrise de lui-même. Tant mieux. Il avait encore beaucoup à faire. Jetant un regard pressé aux alentours, il eut le temps de saisir les plis d’une robe qui disparaissait à l’angle d’une rue, et se précipita à sa suite. Etrangement, il se sentait pris par le temps… Un mauvais pressentiment s’immisçait le long de sa nuque, et le fit accélérer sa course.

Il ne compta pas le nombre de gens qu’il bouscula du coude, voir projeta sur le côté lorsqu’ils se mettaient sciemment sur son passage. Certains s’agrippaient à sa cape, d’autres lui hurlaient des insultes. Qu’ils aillent au diable, tous. Dans un dernier trébuchement précipité, il s’arrêta net. Elle était là. Appuyée contre un mur. Pâle. Tremblante. Il la sentait presque frissonner, et frémit à son tour. Les larmes sur ses joues lui coupèrent la respiration. Il ne se rappelait pas l’avoir déjà vue ainsi. Il ne se souvenait pas avoir déjà contemplé un chagrin aussi grand. Devait-il se sentir coupable de la trouver pourtant aussi belle qu’auparavant ?

Johan secoua la tête pour chasser cette pensée. L’heure n’était pas à ce genre de questionnement. Elle avait besoin de lui. Du moins… il l’espérait très fort. Prudemment, le jeune homme fit un pas dans sa direction, et retira sa cape.


- Tu… tu vas prendre froid, à rester comme ça. Viens-là…

Il ne reconnut pas sa propre voix, mais décida de l’ignorer. Tout n’était que secondaire. Rien n’avait vraiment d’importance. Il n’attendit pas vraiment qu’elle obéisse ou s’approche simplement, avant de marcher résolument vers elle, et de poser sa cape encore chaude sur les épaules nues de la jeune femme, l’emmitouflant délicatement pour la préserver du froid. Dans un geste presque instinctif, il se mit à frotter avec douceur les bras d’Opale, comme pour chasser les frissons qui la parcouraient.

- Là… Ca va mieux ?

Bien sûr que non. Quelle question stupide. Johan se mordit la lèvre, et laissa passer un instant de silence, durant lequel il se contenta de la rapprocher légèrement de lui dans un geste purement réconfortant. Tout en lui laissant la marge nécessaire pour se reculer, si elle n’en avait pas envie. Il ferma les yeux, comme si ce mouvement infime avait pu l’aider à y voir plus clair. Le plus dur était encore de formuler les pensées qui affluaient derrière ses paupières closes. Par où commencer ?

- Tu veux savoir pourquoi je suis encore là ? Pourquoi je reste, vraiment ?

Oui, pourquoi pas par là…

- Oui, j’ai été placé à tes côtés par la volonté d’Eleanora. Grâce à Eleanora, j’ai eu la chance de te connaître vraiment. Tu sais… je t’avais déjà vue. Bien avant. J’ignorais qui tu étais, mais j’avais envie de l’apprendre. Envie d’avoir une occasion de te parler. Elle me l’a offerte… alors j’ai accepté.

De façon machinale, il se surprit à rouvrir les yeux et à les baisser vers cette main couverte du sang qui n’était pas le sien. Il saisit délicatement les doigts de la jeune femme entre les siens, et entreprit avec un précaution presque trop attentionnée de les nettoyer avec un bout de la cape dont il l’enveloppait toujours. Ses muscles se détendaient peu à peu. Si sa gorge avait peine à laisser s’écouler les sons, il avait les idées assez claires pour qu’elles franchissent ses lèvres.

- Tu sais, Opale, malgré les apparences… Les sentiments d’El’ ne guident pas les miens. Elle me l’a dit… si je veux partir, je suis libre. Quand je le souhaiterai. Elle n’a plus besoin de moi, elle a une famille à présent. Dans ce palais, il y a un Roi à la force surhumaine qui souhaite ma mort à un degré assez impressionnant. Pourquoi je ne m’enfuis pas, alors ? Pourquoi je ne sauve pas ma vie une bonne fois pour toutes ?

Son travail terminé, il fut bien obligé de redresser la tête, même si le courage lui manquait encore pour croiser le regard d’écume de la jeune femme. Les larmes sur ses joues lui paraissaient intolérables. Il passa une main dans ses cheveux emmêlés qui retombaient malicieusement devant ses yeux, geste qu’il ne remarqua même pas, tant il était naturel. Et sa voix, elle aussi, respirait la sincérité, bien qu’elle tremblât légèrement :

- Parce que j’ai envie de rester. Parce que tu es différente. Parce que j’ai pensé… Je pense encore que tu peux me guérir de ce… cette sorte d’influence étouffante qui m’attache à El’. Je crois que tu peux. Et j’ai cru que… je pouvais te guérir aussi.

Sa voix s’évanouit presque dans le brouhaha qui les environnait. Mais pour lui, tout n’était que silence, autour d’eux. Il n’y avait personne d’autre, dans cette ruelle. Personne d’autre qu’elle. Sans prendre la peine de réfléchir à son geste, il glissa son index sous le menton d’Opale, la forçant à redresser la tête jusqu’à lui. Son visage aux allures angéliques était infiniment sérieux, sans pour autant perdre de sa douceur :

- Opale, écoute-moi… Il y a quelque chose que tu dois comprendre. Aimer Eleanora ne signifie pas que l’on ne t’aime pas toi. Pourquoi serait-ce le cas ? Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de vous aimer toutes les deux ? L’une n’exclue pas l’autre, n’est-ce pas ? Ce n’est parce que je suis attaché à elle, que je suis incapable d’être attaché à toi. Je le suis. Plus que tu ne l'imagines. Et je ne suis pas le seul… Pourquoi donc crois-tu que le Roi veut ma peau ? Il ne supporte pas que quelqu’un d’autre que lui puisse être proche de toi. Je suis une menace… Il te veut, pour lui seul. Parce qu’aimer Eleanora, ce n’est pas oublier Opale.

Son index remonta pour aller effleurer la joue de sa supérieure, l’espace d’une brève seconde, avant qu’il ne réalise ce qu’il faisait, et qu’il s’interrompt de lui-même. Elle avait besoin de réconfort. De réconfort et de soutien. Pas de… ça. Il frémit et inspira profondément. De sa poche il sorti un mouchoir au blanc éclatant qui tranchait allègrement avec le reste du décor. Précautionneusement, il se mit en devoir de sécher les larmes d’Opale.

- Et tu veux savoir autre chose… Ce n’est pas toi, qui lui ressemble. C’est elle. C’est elle qui te ressemble. Ce que tu es… Il n’y a que toi qui puisses le trouver. Ne te vois pas à travers elle, ni ses enfants, ni moi, ni Kanaw…

Il interrompit ses gestes et eut l’impression subite que son cœur avait cessé de battre, le temps pour lui d’affronter enfin le regard de sa supérieure sans ciller, et d’esquisser un sourire, franc et… protecteur. Et il murmura simplement :

- Et si c’était elle, le reflet ?
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeDim 22 Mar - 0:22

Opale, trop occupée à grelotter contre son mur en se demandant le but de son existence, ne vit pas arriver le blond inquiet qu’elle avait laissé derrière elle. Même lorsqu’il fit un pas vers elle, le vide dans lequel elle s’était plongée l’empêcha de faire attention à lui. Il semblait qu’un gouffre sans fond s’était creusé tout autour d’elle, empêchant les passants de pénétrer son cercle de solitude, la conservant dans le blizzard de sa tristesse… Il semblait que personne ne pouvait la voir, enfouie dans le froid…

Pourtant il la vit. Et si ses yeux, à elle, ses yeux d’écume chagrine, ne se posèrent pas sur lui, ce fut Johan qui franchit la barrière invisible de son désespoir. Le regard dans le vide, elle ne réagit pas à sa présence, nota cependant que quelque chose changeait dans la prison brisée dans laquelle elle abîmait sa rage.

Elle reconnut sa voix, pourtant. Cette voix chaude, timide et protectrice à la fois. Ce paradoxe constant entre faiblesse et force. Ses yeux ne se levèrent pas sur le visage de son second, cependant elle eût un bref signe de tête à la demande du blond de s’approcher de lui. Si tout son corps semblait engourdi, elle n’émit aucune résistance lorsqu’il posa sa cape, encore chaude de sa présence, sur ses épaules nues. Seule, pourtant. Elle se sentait toujours seule, malgré la tiédeur confortable d’un tissu réchauffé par quelqu’un d’amical.

Ce ne fût pas ça, qui la réveilla de sa léthargie. Pas non plus la délicatesse et le soin que mit son subordonné à accommoder le vêtement sur elle.

Maladroitement, il lui frotta les épaules. Son cœur eût un raté. Cette tendresse, toute timide encore, cette volonté presque instinctive de la réchauffer de ses mains fébriles, la toucha. Elle sentit, plus qu’elle ne vit, que cet ami qu’elle révérait tellement était enfin là. Elle regarda, d’un air plus interrogateur que réprobateur, la façon dont il tentait de la rassurer dès son premier contact. Les larmes, qui n’avaient cessé de couler, ralentirent leur douloureux flot.

Il lui demanda, toujours un peu gauche, si ça allait mieux. Elle aurait bien aimé lui répondre que oui, déjà, c’était mieux. Lui avouer qu’elle se sentait deux, maintenant, un peu moins seule, un peu moins veule. Lui susurrer du bout de lèvres rougies qu’elle sentait enfin sa présence… Pourtant lorsqu’elle essaya, aucun de ses muscles ne bougea, comme pris dans une tempête de neige que rien ne peut calmer. Même ses lèvres ne réussirent pas à se soulever en une moue qu’il – elle le savait – aimait bien. Même ses mains ne répondirent pas à son appel lorsqu’elle leur ordonna d’accrocher celles de Johan.

Elle n’avait presque plus envie de repartir sur la discussion qui avait commencé à appuyer sur les fissures de son cœur déjà en miettes. Elle allait lui dire d’arrêter, mais tous ses muscles étaient figés, tout son être semblant se liguer contre elle pour l’empêcher de fuir. Pourtant, elle le voulait. Fuir, encore une fois. Fuir pour plus souffrir. Loin ! Loin ! Elle ne pouvait pas supporter l’idée de décevoir, pas supporter l’idée d’être rejetée s’ils apprenaient qui elle était vraiment… Et qui était-elle vraiment ?

Encore un geste de protection… Encore ce cœur qui chavirait. Elle ne put empêcher ses doigts de trembler tandis que le blond se mettait consciencieusement en tête d’enlever le sang – lequel la dégoûtait tellement quelques instants plus tôt – de sa peau. Le contact doux du tissu, qui nettoyait avec une lenteur presque caressante ses menottes gelées, la tendit quelque peu. Le bon vieux réflexe du corsaire : pourquoi autant de gentillesse ? Pourquoi autant de bienveillance ?

Elle resta pourtant là, à écouter le gardien de son isolement lui dire à quel point elle se trompait. Il lui disait qu’il l’avait déjà vue de loin, qu’il avait eu envie de la connaître avant même de savoir son nom. Se pourrait-il qu’elle aussi, soit en mesure de fasciner un homme sans lui parler ? Disposait-elle, elle aussi, du charisme qu’elle enviait à la Reine ? Avait-elle aussi une âme vibrante, comme l’âme de celle que la Capitaine des gardes aurait aimé savoir haïr ? Elle leva enfin les yeux sur cet homme, celui qu’elle appelait second pataud mais qui méritait tellement mieux. Elle leva les yeux sur Johan Grey, soldat du Roi, et le vit enfin comme l’homme qu’elle avait tellement nié voir en lui. Elle le regarda comme elle aurait regardé une âme pour la première fois, et crut cet homme qui lui disait que ce n’était pas pour Nora qu’il restait mais pour elle. Elle le vit avec les yeux d’une petite fille, et admira ce bienfaiteur qui se battait comme un diable pour panser les blessures d’une gamine paumée.

Se plongeant dans le bleu lumineux de ses yeux, ses larmes s’étant arrêtées, Opale détailla le visage soudain sérieux de son compagnon. Tandis que ses paroles atteignaient son cœur et tentaient lentement de réparer les dégâts, elle nota les fines cicatrices, le grain de sa peau ; elle nota chaque courbe de son visage, chaque ligne, aussi précisément qu’un peintre l’aurait couché sur le papier. Elle nota cet instant, et cet homme, sur un coin de son cœur.

Bien que son avis sur la question du Roi diffère, elle ne releva pas. Ce n’était pas de ça qu’elle voulait parler en ce moment, et préféra se concentrer sur le doigt qu’il laissa une microseconde sur son visage. Cette main, chaude sur sa peau laissée de marbre par le vent gelé, puis cette manière qu’il avait de s’occuper d’elle, réglant tous les problèmes un par un, tranquillement. Le froid, puis le sang, puis les larmes…Avaient disparus.

Lorsqu’il plongea enfin son regard dans le sien, elle le contemplait toujours dans toute sa grandeur, comme un homme, un sauveur, ou même un ange. Non, en fait, mieux qu’un ange ou un héros, il était… Un ami. La petite fille qu’était restée Opale prit la main du grand blond qui était venu la chercher et la serra un peu entre ses doigts froids, dégelant peu à peu ses membres avec le courage que peut seulement donner le réconfort d’une présence amicale.

Et si c’était El’, le reflet, effectivement ?

Sa voix tremblait encore, et elle avait du mal à faire son chemin hors de poumons obstrués par le chagrin encore frais qui avait été remué ce soir-là, mais les accents sincères de son ton ne trompaient pas, lorsqu’elle murmura dans un souffle timide :


- Et si… S’il n’y avait pas de miroir du tout ?

La jeune femme, la petite fille, attendit la réponse de son petit lieutenant avant de s’avancer, encore engourdie par la solitude, vers lui… Pour poser la tête contre son torse, puis lâcher sa main pour aller agripper son dos. Cette chaleur, contre elle… Cette tendresse qui, si elle n’avait pour elle rien d’ambigu, était sans doute plus réelle que n’importe quel ivrogne en perdition dans cette rue. Cet ami, qui l’entourait, et sa protection qui, enfin, stoppa définitivement la cascade de larmes de ses yeux.

Opale se rapprocha encore de Jo, dans une étreinte qui, si elle était légèrement suppliante, n’était au fond qu’une recherche, encore, d’un brin de chaleur qui lui avait depuis longtemps manqué.



Commentaire de l'auteur : C'était sans doute mon plus beau message depuis un bail... Kro-Meugnon ! I love you (Ou comment faire deux pages Word juste sur le passage mignon de l'histoire, sans la faire avancer....)
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeDim 22 Mar - 21:03

Quelque chose avait changé. Non… changeait, maintenant. Avait-il eu raison de redresser la tête ? Il se sentit fléchir sous les yeux argentés qui semblèrent transpercer littéralement les iris des siens, et atteindre son cœur. Pourquoi ? Pourquoi ce vertige ? Pourquoi ce vague frisson, au creux de sa nuque ? Pourquoi ce serrement de cœur ? Johan était bien en peine d’expliquer les étranges manifestations physiques d’un corps qui paraissait échapper à son contrôle. Pourtant… il se sentait calme. La colère, l’angoisse, l’inquiétude presque douloureuse s’était… envolées. Evanouies. Dans cet échange de regards-là. Mais alors pourquoi ses genoux menaçaient-ils de céder sous son poids ? Pourquoi ses paupières le brûlaient-ils ? Quoiqu’il ait l’intention de faire, il fut frappé d’une certitude qu’il accepta avec une sérénité renversante : il n’était désormais plus capable de baisser les yeux.

En plissant les paupières… en se concentrant ne serait-ce qu’un peu, il était presque sûr d’apercevoir un lien, physique, concret, réel, entre leurs deux regards. Il se sentit à la fois prisonnier et… libéré. A la fois le captif et le sauveur. C’était déroutant. Déroutant et rassurant. Il l’avait crue si loin de lui, si longtemps. Presque inaccessible, malgré leurs chamailleries et leurs quelques confidences. Et là, elle l’observait d’une manière qu’il n’avait encore jamais vue. Cela aurait pu le mettre mal à l’aise. Non… Ses lèvres s’étirèrent pour orner son visage d’une ombre de sourire. C’était la première fois qu’il se sentait aussi proche d’elle. Et l’idée simple de rester prisonnier de la couleur écumante de son regard n’était pas effrayante. Il s’y serait volontiers plongé sans remords ni hésitation, en cet instant précis.

Son cœur battait toujours aussi irrégulièrement, contre ses tempes, mais le bruit répétitif et aléatoire du sang circulant dans ses veines avait un petit quelque chose d’hypnotique et d’apaisant. La preuve qu’il était bel et bien en vie… Tout irait bien… Ce fut la seule pensée cohérente qui jaillit au milieu du brouillard opaque que formait son cerveau engourdi non par le froid mais par des sensations ineffables. Tout comme il n’avait maîtrisé ses gestes de réconfort que par un pur instinct qui l’y avait poussé, sa conscience l’empêchait désormais de réfléchir convenablement. Opale le regardait toujours… Pourquoi ? A quoi pensait-elle donc ? Il y avait une petite lueur, très loin, qu’il n’arrivait pas à identifier. Il aurait tout donné pour comprendre ce qui lui passait par la tête. Pour se voir, lui, à travers ses yeux à elle, là, maintenant…

Et au fond, était-ce vraiment important ? Bien sûr que non. Devenu muet, Johan émit pourtant un très faible soupir qui ressembla à du soulagement, lorsqu’il sentit la main d’Opale saisir la sienne pour la serrer doucement. Ses doigts étaient glacés, et il referma instinctivement ses deux mains sur la sienne, comme pour lui communiquer à la fois sa chaleur et son soutien. Il n’avait pas besoin de savoir pourquoi… la seule chose qui comptait, c’était que quelqu’un avait besoin de lui. Qu’elle, avait besoin de lui. Son cœur se retourna. Peut-être était-ce cela, l’étrange sentiment qui lui coupait la respiration. Personne n’avait jamais eu besoin de lui à ce point… Même Eleanora. Eleanora n’avait besoin de personne. Aussi proche d’elle que l’on puisse être… on était seul.

Johan avait besoin d’aider quelqu’un. Pas n’importe qui. Quelqu’un qui compterait pour lui. Il sentit ses lèvres trembler, mais ne cilla pas, enchaîné à ses yeux. Elle avait des allures d’enfant perdue… Comme lui. Comme lorsqu’il avait été privé si brutalement de sa famille, de sa sœur. Il s’était senti seul. Trop seul. Oh, il avait eu Lianne. Mais c’était différent. Il comprenait cet appel, dans les yeux d’Opale, qui aurait été le même que le sien. Lui, privé de parole après en avoir trop dit, se contenta d’un silence presque trop calme… et ce fut la voix de la jeune femme qui s’éleva. Ses intonations tremblantes altérèrent sa respiration déjà aléatoire, et il fut d’autant plus ébranlé par la note timide qui en émana. Opale ? Timide ? Enfant perdue ? Oui, elle était tout cela… Et il éprouvait plus encore le besoin quasi maladif de la protéger. De tout.

Alors qu’il croyait ne plus pouvoir émettre un son, ce fut sa voix qu’il entendit s’élever entre eux deux, presque rauque tant sa gorge était nouée :


- Oui… Tu as raison.

Qu’y avait-il à ajouter à cela ? Il sentit un poids glisser de ses épaules en réalisant ce qu’elle venait de dire. C’était un début de victoire. Un début de guérison, que cet aveux qu’elle venait de faire. Peut-être ne s’était il pas trompé. Peut-être pourraient-ils se guérir mutuellement ? Il sentit un rire nerveux secouer ses épaules, et un sourire radieux inonder soudain les traits naïfs de son visage. Alors qu’il lui prenait l’envie incontrôlable de l’attirer à lui pour la serrer dans une étreinte réconfortante, elle le devança… Et à peine un battement de paupières plus tard, il se retrouva avec une Opale blottie contre lui.

Par instinct, il ferma les yeux, avec l’étrange sensation que le lien ne s’était pas pour autant brisé sous ses gestes. Même paupières closes, il revoyait encore le regard de la jeune femme, comme gravé à l’intérieur de sa tête. Un vague soupir soulagé lui échappa encore, et vint frôler les cheveux d’Opale, tandis qu’il se penchait légèrement, et enveloppait plus encore sa supérieure dans une étreinte qu’il ne maîtrisa nullement. Il n’y avait plus l’urgence angoissée de sa course après elle, plus l’inquiétude douloureuse devant sa léthargie. C’était une onde de chaleur qui le traversait tout entier et l’apaisa, au point qu’il se surprit à inspirer profondément l’odeur de sa supérieure contre lui. Elle n’en devint que plus réelle. Il avait l’impression de brûler, et de la sentir, gelée, dans ses bras. Il tenta de transmettre à ce corps transi un brin de tiédeur, physiquement… mais pas seulement. Il ne tremblait plus d’hésitation, il ne souffrait plus d’indécision. Il savait exactement pourquoi il était là. Pour l’aider. Tout simplement.

Une boule se forma pourtant dans sa gorge, alors que s’imposait à lui l’autre vérité de l’étreinte qu’ils s’échangeaient. La petite fille perdue qu’il cherchait à tout prix à protéger se mua en la magnifique jeune femme qui dans ses bras cherchait un réconfort et une tendresse amicale. Amicale. Bien sûr. Pour une obscure raison, une pointe vint assaillir son cœur, l’espace d’une fraction de seconde. Il frémit, et la serra un peu plus, de peur qu’elle ne s’en aille. Il percevait cette sorte d’appel, et sa détermination s’en renforça. Elle avait besoin d’un ami. D’une épaule sur laquelle s’appuyer. De bras entre lesquels se reposer. Il devait l’être.

Résolument, il chassa ces sentiments inconnus et parasites. Pas le temps. Il ne pouvait pas se permettre de s’y attarder… En ami. En ami il la berça contre lui. En ami il frotta doucement son dos pour la réchauffer plus encore. En ami il posa son menton sur son épaule, pour lui assurer de sa présence. En ami aussi il se redressa précautionneusement pour contempler à nouveau le visage d’Opale. Elle était si belle que c’en était douloureux. Comme un millier de flèches criblant le torse du jeune homme, transperçant son corps. Il s’ignora lui-même, et esquissa un nouveau sourire, rassurant.


- Je suis là, d’accord. Je suis là.

Pourquoi le répéter ? Pourquoi le dire ? Il ne savait pas. Mais après un temps indéfini à garder les lèvres scellées, il ne se sentait plus capable de communiquer convenablement. Et elle était toujours là, dans ses bras, fragile et forte à la fois. Il n’arrivait pas à se résoudre à la lâcher. Non, décidément… cela relevait d’un effort surhumain qu’il n’avait pas envie de tenter. Comme si elle pouvait se briser en éclats s’il perdait son contact… Il inspira doucement, et remonta l’une de ses mains qui effleura inconsciemment les cheveux d’Opale, jusqu’à sa joue, avant de se mettre à jouer machinalement avec une mèche sombre.

D’aspect extérieur, ils devaient être tout à fait crédibles. Les yeux bleus de Johan s’accrochèrent encore à ceux d’Opale, comme à une drogue nouvelle, et il essaya une moue complice, maigre tentative pour chasser définitivement la tristesse qui s’était immiscée si brutalement entre eux.


- Et maintenant ?

Pas trop de mots, hein. Surtout pas de phrases complètes, ni de phrases très explicites. Ses capacités de réflexion étant encore loin de la moyenne, il s’en tenait au strict minimum. Pour lui, l’important n’était plus vraiment la mission – qu’il avait presque oubliée – mais l’état de sa supérieure. Non. De son amie.

Il sentit une vague secousse dans son dos, des éclats de voix, de coups, des bruits métal... Probablement une rixe, chose habituelle voir commune dans les Bas-Quartier. Il ne comprit pas bien la réaction qu'il eut alors. Peut-être était-il plus à fleur de peau qu'il ne l'avait pensé. Trop nerveux. Ou bien le besoin de protéger Opale s'était mué en une sorte de paranoïa aiguë. Toujours était-il qu'il se tendit, sur la défensive, et enveloppa à nouveau la jeune femme dans ses bras, la plaquant doucement contre le mur pour faire barrière de son corps, tout en faisant abstraction de l'ambiguïté de son geste, qui, sur le moment, lui parut normal. La protéger. De tout. Il venait de se le jurer. Le souffle court, il s'immobilisa à quelques centimètres du visage de son amie, et cilla. Une pensée traversa son esprit en un éclair, et il cessa tout bonnement de respirer.

Maladroitement, il s'entendit s'excuser d'une voix faible, sans pour autant bouger, prisonnier de sa prisonnière.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 25 Mar - 23:06

Il n’était pas content. Non, mais alors là, pas content du tout. Pourquoi avait-il fallu qu’elle sorte, cette pétasse ? Comme un con, sans faire attention, il l’avait perdue. Il bouscula quelques tables au passage. C’était l’endroit idéal ! Les cons idéals ! Putain ! Elle n’avait aucune raison de partir, normalement ! Qu’est-ce qu’il était venu lui parler d’un sujet vexant, ce con de blond ? Son espèce de client innocent à la manque, là ?

Il n’allait pas jouir de toute cette peur rassemblée en masse dans une petite salle. En contrepartie de cette frustration, tant pis. Il prendrait la vie du blond.

Oh, il ne tuerait pas tout de suite Opale. Il voulait qu’elle souffre. Mais vu que le jeune idiot à tête d’ange avait l’air de tenir à elle, autant lui faire profiter du spectacle. Il allait avoir peur. Il devait être délectable à effrayer, d’ailleurs.

L’ancien matelot de Nyls sortit dans la rue, libérant de sa présence étouffante la salle déjà bondée. Par où était-elle allée, encore ? Ah, cette tignasse blonde… Ce ne pouvait être que lui.

Ils s’enlaçaient.

Il n’aurait pu dire pourquoi ce geste l’agaça autant. Peut-être qu’il était là pour se réjouir de la peur et que cet acte d’apaisement le soûlait. Peut-être était-il juste énervé qu’un autre touche à la marchandise avant qu’il n’ait l’occasion de faire… Toujours est-il qu’il arriva à grands pas, sans plus se soucier du plan originel, étant donné qu’il avait été complètement foutu à l’eau.


- Frey, je dois te parler loin d’oreilles indiscrètes.

Bien sûr que ça ne découragerait pas le gamin… Il la prit par le poignet, la dégageant brutalement des bras de son client, fit mine de l’emmener un peu plus loin et la plaqua au mur par les épaules.

- Tu me reconnais ?

Puis tout se passa très vite. Il se servit avec un plaisir encore neuf de la peur qui apparut en elle lorsqu’elle le reconnut, et cogna sa tête contre le mur. Oh, malgré son léger regain de force, ce n’était pas ça qui allait l’endommager. Trop coriace.

Non, ce qui l’intéressait, c’était de montrer une mort expéditive à l’autre. Ça pour le coup, ce ne serait pas la frayeur d’Opale – qui bien que délicieuse, restait trop faible en quantité – mais une panique encore plus planante, plus racée et plus grande.

Il lui faudrait un peu plus de sang. Elle n’était qu’assommée par le choc. Sa veine du poignet ferait très bien l’affaire. Il leva son bras au-dessus de la tête de sa chère prisonnière, qui était trop estourbie pour protester, et coupa perpendiculairement, juste assez pour que le sang éclabousse son visage, et assez pour faire croire à une blessure sérieuse à la tête.

Le blond ne devait pas avoir vu, collée qu’elle était entre son manteau et ses bras… Ah, que ça allait être jubilatoire. Il laissa choir son ancienne collègue sur le sol. Elle était pour après. Et ce même si son sang devant les yeux affamés du prédateur excitait son goût de la torture.

Il se tourna vers Johan, aimable.


- Voulez-vous fuir, jeune homme, s'il vous plaît ? Sinon, je vais vous tuer.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeJeu 26 Mar - 19:48

Tout se passa affreusement vite. Beaucoup trop vite. Peut-être n’était-il pas assez vigilant. Peut-être avait-il trop négligé la prudence Il n’aurait jamais dû baisser sa garde. Jamais dû lâcher sa dague ne serait-ce qu’une fraction de seconde. Pourquoi l’avait-il fait, déjà ? Oh, oui… Pour enlacer Opale. La rassurer. Etait-ce une si grande erreur ? Elle avait désorienté ses sens à tel point qu’il en avait oublié de garder les yeux ouverts. Tout à son besoin de la protéger, il s’était refermé sur lui-même, sur eux-mêmes… et laissé les portes closes au monde extérieur. Cela n’aurait jamais dû se produire… Il était calme, pourtant. Si calme… Elle était encore gelée, contre lui. Elle frissonnait. Il avait hésité à se servir du pouvoir offert par la colombe blanche qui l’accompagnait dans ses songes.

Et n’avait jamais eu le temps de prendre une décision. Ce fut comme à travers un brouillard opaque et cotonneux qu’il perçu une voix étrangère. Le voile se déchira avec une violence qui le fit cligner brusquement des yeux, comme éveillé en sursaut. La douceur disparut, éclata en morceau et se dissémina autour d’eux, au son de cette voix rauque, agressive, qui l’emplit de répulsion. Il n’eut que le temps d’une grimace avant de sentir Opale s’éloigner irrémédiablement de lui, avec une violence qui l’alerta. Les paroles qui avaient été prononcées n’avaient que peu d’importance… Il ne les avait qu’à peine saisies. Mais déjà, les battements de son cœur s’emballaient, d’une façon bien différente. Le fleuve sanguin, dans ses veines, s’écoulait rapidement, plein d’irrégularités que seules l’adrénaline et la peur savent créer.

L’instinct de survie guida sa main jusqu’au pommeau de son arme, et ses doigts s’y crispèrent brutalement, tandis qu’un cri se mourait dans sa gorge, au moment où la tête de la jeune femme heurtait avec violence le mur sur lequel venait de l’acculer l’inconnu. La peur gagna du terrain, bloqua sa respiration et fit naître un goût amer sur ses lèvres. Celui, presque métallique, du sang… Sang qui macula soudain le visage d’Opale sous un geste de l’homme, trop rapide pour que Johan puisse y percevoir la supercherie.

Le rouge s’accentua, ses yeux s’y accrochèrent avec une sorte de violence aveugle. Couleur hypnotique… Couleur terrifiante… Le sang emplit sa vision toute entière, et l’y noya dans une sorte de torrent orageux. Le goût métallique s’intensifia dans sa bouche, mais ce n’était plus de la peur… C’était de la rage. Son cœur, qui auparavant palpitait avec irrégularité, incertain et angoissé, accéléra ses battement dans une frénésie qui ne ressemblait pas à de la frayeur. Le regard fixé sur le corps d’Opale, à demi-inconsciente, qui reposait sur le sol, Johan n’avait même plus conscience de devenir fou.

Pourtant, c’était bel et bien le cas. Ses yeux, si bleus, se redressèrent avec une lenteur douloureuse jusqu’au visage de l’agresseur. Ils étaient flous. Déments. Leurs pupilles, si dilatées, les rendaient presque entièrement noirs. A moins que ce ne fut seulement l’impression dégagée par ce visage angélique aux allures de démon… Démon ? N’était-il pas censé être la proie ? Ne devait-il pas être pris de panique devant le spectacle de sa supérieure à l’agonie ? Il n’y arrivait pas. Quelque chose bouillonnait en lui. A travers une rage qui noyait ses sens et tendait tous ses muscles, il sentait la présence d’une sorte de bête, à l’intérieur de son ventre, rongeant ses entrailles et déchirant sa chair. Jusqu’au moment où elle jaillirait à l’air libre…

Il s’était redressé, le corps aussi tendu que la corde d’un arc, ce qui le faisait paraître plus grand qu’il n’était en réalité. Sa gorge émit un léger grondement rauque qu’il n’identifia pas lui-même. Les traits de son visage, si doux à l’ordinaire, s’étaient durcis, comme taillés au couteau, et assombrissaient plus encore son regard déjà si noir. Seuls ses cheveux dorés offraient une touche de contraste ironique avec la colère froide qui l’habitait. Colère froide, oui… Froide et coupante, comme celles d’Eleanora. Il était bien en peine de s’en rendre compte, noyé dans une rage qui se nourrissait d’une terreur pas encore née, mais son regard était presque le même que celui de la Reine.

Flou et limpide à la fois. Car il avait beau être aveuglé, tout lui apparut affreusement net et clair. Le sang rougeoyant le visage d’Opale, la posture de l’homme, ses yeux, son sourire exécrable. Johan comme l’inconnu l’ignoraient sans doute, mais il y avait eu une erreur, dans son plan… Se contenter d’assommer Opale aurait suffit… Suffit à faire naître la panique dans le cœur du jeune blond qui devait assurer sa sécurité. Lui faire croire qu’elle était grièvement, voir mortellement blessée n’avait pas augmenté sa terreur. Au contraire. Elle s’était noyée dans une colère et une soif de sang qui dominait pour un temps le reste de ses émotions. Oh, bien sûr, Johan l’ignorait… Johan s’ignorait lui-même. Une seule chose était encore certaine. Cet homme allait payer.

En réponse à sa menace à peine voilée, le jeune second eut un vague sourire teinté d’une ironie presque cruelle, et entendit à peine sa propre voix, aussi neutre que courtoise :


- Je crois que j’ai une bien meilleure idée…

Le reste se passa plus vite encore. Il sortit son arme et perçut trop distinctement le frottement du métal. Ses doigts, jusqu’alors crispés à sa dague, sentirent le pommeau leur échapper petit à petit, tandis que, dans la continuité parfaite de son mouvement, il lâchait la lame et la projetait droit vers l’inconnu, sans la moindre petite hésitation. La trajectoire était parfaitement droite. Sans faille. Presque affreusement logique. Comme si le geste avait été naturel, et n’aurait su être autrement. L’arme s’enfonça avec un bruit sourd et net dans le corps de l’homme, au moment précis où Johan relâchait enfin sa respiration. Le rouge reflua peu à peu de devant ses yeux. La bête assoiffée de sang qui rongeait ses entrailles se calma brutalement, comme apaisée par le brusque sursaut de violence.

Et la terreur ressurgit, presque aussi douloureuse que la fureur. Il refoula un haut-le-cœur, et ne comprit pas bien comment il se retrouva soudain à genoux auprès d’Opale. L’odeur du sang de la jeune femme emplit ses narines, et il frémit, le cœur au bord des lèvres. Ses mains se mirent à trembler, incontrôlables et son pouls s’emballa. Elle saignait tellement… La gorge si nouée qu’il avait peine à respirer, Johan sentit un frisson glacé remonter le long de son échine. Il glissa un bras derrière la nuque de la jeune femme, pour essayer de redresser doucement son visage.

Pitié, faites que ce ne soit pas trop grave. Qu’elle ouvre les yeux… Qu’elle dise quelque chose… Obnubilé par Opale, le jeune homme ne faisait guère plus attention au reste de son agresseur qui gisait à quelques pas de là seulement. S’il avait écouté ses instincts, il aurait pu se ruer sur l’inconnu détestable et lui planter plusieurs fois encore la lame en travers du corps. Juste pour être sûr. Mais la peur maîtrisait tout, à nouveau… La peur de la perdre.

Fébrile, Johan la redressa précautionneusement jusqu’à poser la tête de la jeune femme sur ses genoux, sans plus prendre garde aux alentours. Quoi, une attaque de ce genre devait être courante, dans un endroit pareil. Personne n’y avait seulement accordé de l’intérêt. Réalisant que c’était essentiellement de son poignet que le sang s’écoulait, le blond ne perdit pas de temps. Il entreprit de déchirer le bas de sa propre chemise d’un coup de dent, pour enrouler le bandage de fortune autour du bras blessé, serrant très fort afin de faire cesser l’afflux sanguin.


- O… Opale ? Tu m’entends ? Opale, si tu m’entends, ouvre les yeux et dis-le moi, s’il te plaît…

A l’inverse de sa précédente intervention, sa voix avait un accent plaintif qu’il aurait pu trouver pathétique, s’il y avait seulement pris garde. Faute de pouvoir faire mieux, il se mit à éponger le visage de la jeune femme du bout de sa manche, doucement, tout en continuant à l’appeler.

[Le mec n’est pas forcément mort, je précise. J’ai fait exprès de rester vague quant à l’endroit où il a reçu la lame. Tu peux dire qu’il est tué net si tu veux, mais si tu trouves ça trop facile pour notre Jojo, fais comme tu le sens^^]
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeJeu 26 Mar - 22:45

Oh là. Putain. Merde. Ma pauvre tête.

Ce furent les seuls mots cohérents qui traversaient l’esprit d’Opale à ce moment précis. Le pire, c’est qu’elle n’avait même pas compris ce qui se passait au juste. Il y avait eu ce connard de Deloth, avec son putain de pouvoir, qui l’avait prise pour de la viande, et puis ce choc au sommet du crâne qui l’avait envoyée dans les vapes … Et à partir de là, c’était un peu flou. L’impact avait brouillé sa vision et ses sens, rendant comparable le décor quelque peu glauque à une mer de nuages à la consistance de purée de pois. Quoique, pauvre purée de pois, elle devait avoir été préparée avec les pieds.

Ce qu’elle avait compris, par contre, c’est que la tâche jaune par là-bas devait être Johan. Et le froid les dalles, par terre. Qu’est-ce qu’elle foutait par terre ? Ah oui, certes, elle mourait. Ou peut-être pas. Non, pas envie, pas aujourd’hui, pas à cause de ce crétin. C’était pas une fin, ça. C’était quoi, la présence chaude sur son front ? Elle n’avait pas vraiment noté auparavant, mais il y avait un truc un peu liquide qui coulait… Elle plissa les yeux pour tenter de distinguer la couleur. Rose ? Du Poppy en jus ? Ah, non, rouge. De la tomate, peut-être.

Elle eût un soubresaut en essayant vaguement de bouger. C’était quoi, l’autre liquide rouge et chaud, déjà ? Il y avait la tomate et… Ah ouais, dans le corps, là. Le sang. … Réflexion intense d’un esprit déjà noyé. Pourquoi donc lui avait-on fait couler du sang sur la gueule ? Et celui de qui ? Un long temps de cheminement intellectuel se mit en marche. Ah, c’était peut-être le sien.

LE SIEN ? Comment ça ? Comment ça, catinerie de chiure de pigeon bourgeois ? Qui était le connard qui avait osé ! Elle tenta sans grand succès d’ouvrir grands les yeux. Allez, au moins un. Ho hisse, ho hisse.

Ca allait de mal en pis, réussit-elle à comprendre. Comment se faisait-il que ses forces la quittent comme ça ? Bon, d’accord, elle avait aussi de moins en moins envie de bouger, mais serait-ce trop demander à son corps que de comprendre pourquoi ? Ah ! Illumination. Ce devait être le … Le… Elle perdait le fil de sa pensée, merde. Le sang qui s’échappait. Oui, voilà. Elle perdait son sang.

Elle avait pas un adjoint, pour ce genre de détails ? Elle tenta de gueuler un truc du genre « Machin, tu pourrais faire quelque chose pour que j’arrête de pisser le sang ? », mais elle était trop fatiguée. Dormir. Dormir.

…..

Combien de temps s’était écoulé, là ? Elle avait abandonné un instant, et pourtant elle n’était pas morte. Ou pas encore en tous cas. Son blond niais devait avoir servi à quelque chose. D’ailleurs, elle entendait une voix qui semblait être la sienne. Qu’est-ce qu’il disait encore, celui-là ? ‘Pouvait pas parler un peu plus fort ? Mal à la tête…

Il y avait autre chose. Un truc avec le sol. Ce n’était plus froid, et moins dur qu’avant. Elle était sur quelque chose d’indéterminé. Un truc plus ou moins mou.

Tentant maladroitement de bouger, Opale mit un coup dans la chose sur laquelle elle était allongée. (Ce qui était, à vrai dire, Johan, à qui elle venait de mettre un pain dans la hanche) Oh putain, mais c’était quoi, cette chose ? Et la voix de Johan qui était tout près.
Il disait un truc. L’eau sale ? Elle remua un peu. Putain, c’était quoi ce mot ? Opale ! Ah, okay… Tous ces efforts pour comprendre que ce que cet idiot cherchait à faire comprendre, c’était son prénom ! Ah les hommes, je te jure…

Elle remua encore, vérifiant peu à peu qu’elle était encore vivante, et s’apercevant du même coup que son poignet et sa tête l’élançaient douloureusement.


- Putain de merde de catinerie de sa mère la …

Aussi poétique qu’un cactus chez les fleurs, Opale se releva lentement, ouvrant des yeux blasés et douloureux sur le merveilleux monde.

- Qui est le fils de truie de foutrecouille de puterelle qui a osé poser une patte sur moi ?

Bon, déjà, ce n’était pas Johan, ça c’était sûr. Elle jeta un vague coup d’œil à la ronde, puis se souvint que c’était la vieille gueule de Deloth qu’elle avait vue en dernier. Bon, où était-il maintenant ? Ah, tiens sur le sol. Original. C’était la mode, en ce moment ou quoi ?

Elle écarta Johan avec un peu plus de brusquerie de nécessaire et se releva avec peine, les membres encore douloureux.

- Laisse-le moi, ce bâtard malpesté de connard à la manque…. (les jurons se perdirent dans ses grognements. Ah, en plus tu sais même pas tuer convenablement.

Elle enjamba son second, faisant une seconde voltiger son jupon au-dessus de lui, et grogna encore une fois en sortant ses dagues des tissus peu délicats de sa robe.

- Rah, franchement, toute une éducation à refaire. Tu n’as même pas pris la peine de lui trancher le gosier ou quoi. Tu l’as lancée, ta dague, pas vrai, hein ? Pfff, quel sale boulot, franchement. D’habitude, tu me fais du meilleur travail, hein… Va falloir sortir de temps en temps, mon petit Johan, éviter de se rouiller, hein. Le ventre. Le ventre, quoi… Tu sais bien que ça marche pas ça… Et mes leçons, hein ? Ah là là là là là….


Tout en monologuant sur le demi - cadavre, la jeune femme tournait autour de long en large, imitant sans le savoir un empoisonneur commentant avec tristesse la putréfaction des cadavres qui de nos jours, ma bonne dame, ne se conservent plus, et c’est une honte mon bon monsieur.


- Bon, va falloir que je complète tes pitoyables résultats, alors, hein. Elle mit un grand coup de pied dans les côtes de Deloth. T’as pas paniqué, au moins ? Il avait un vieux pouvoir comme ça, avec la peur des gens… Un peu l’inverse de toi, mon petit lapin paisible.

Elle tira la langue à son adjoint, puis reprit un visage dur comme le marbre.


- Si tu ne veux pas être choqué, je te conseille de te tourner.


Presque comme une succube, couverte de sang et l’œil aussi enragé qu’une Érinye, la jeune femme aux yeux de fer enjamba son agresseur – lequel semblait encore vivant, d’ailleurs. Sans un bruit elle fit glisser la lame sur sa gorge, presque comme une caresse elle déchira la peau, coupant le fil de vie d’un simple geste du bras. Sans un bruit elle reprit son geste de mort en poignardant de nouveau le cadavre de son ancien compagnon. Sans un bruit elle le défigura, ne laissant comme possibilité de le reconnaître qu’un bout d’œil qui traînait par terre. Sans un bruit et sans un regret.

Lorsqu’elle se releva, le travail que Johan avait entrepris en nettoyant le sang de son visage avait été réduit à néant. De fines gouttelettes du précieux liquide tapissaient son visage, se baladant gentiment sur ses fossettes et créant un contraste des plus étranges entre sa pâleur, son air innocent et le gore de la situation.


- Putain, je suis crade maintenant…. Bon bah, c’est super classe, on fait du tourisme quelque part et on laisse derrière nous un macchabe. C’est trop élégant.

Elle fit un pas vers son fidèle lieutenant, comme si son charme et son humour ne venaient pas de se transformer d'un coup en espèce de beauté cruelle et violente.


- Bon, on vient de tuer notre recrue. On va manger un truc dans le Quartier des Commerçants, ou tu préfères qu’on rentre ?
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeVen 27 Mar - 1:43

Il y avait deux trucs, contre la peur panique. Tiens, par exemple, un coup de poing d’Opale en pleine hanche. Ca, au moins, c’était efficace. Et inattendu. Johan étouffa à peine un grognement plaintif lorsque sa supérieure lui asséna un coup involontaire –du moins l’espérait-il- en essayant de se redresser. La douleur et la surprise mis à part, cela eut tendance à le rassurer plus que n’importe quelle parole qu’elle aurait pu prononcer. Ouille. Ca c’était la vraie Opale, assez en forme pour le frapper même évanouie. Le jeune homme ne put empêcher un sourire ironique et poussa un petit soupir de soulagement en constatant qu’elle était bien loin de l’agonie qu’il avait supposée. Il sentit aussitôt refluer la terreur grandissante dans son ventre, et ses mains redevinrent assurées.

Elle allait bien. Ou du moins, assez bien pour remuer et… Voilà, second truc pour vaincre définitivement la peur : les jurons exotiques de notre Opale nationale. C’est vrai, après tout… Il lui avait bien demandé de dire « quelque chose ». Ben voilà… ça c’était quelque chose. Les premières insultes de la jeune femme furent accueillies par un froncement de sourcil perplexe chez son adjoint. Johan n’aurait su se l’expliquer, mais l’entendre débiter ce genre de grossièretés était presque… plaisant, quand on l’avait crue à deux doigts de mourir, seulement quelques secondes auparavant. Il cligna des yeux, en se faisant la réflexion qu’elle avait une imagination d’autant plus débordante lorsqu’elle venait de recevoir un coup à la tête. Intéressant. Mieux valait en rire qu’en pleurer, n’est-ce pas ? Surtout qu’elle… allait bien.

Bon, il n’allait pas se mentir. Il y avait toujours une sorte de sueur froide persistante, derrière sa nuque, et qui ne le laissait pas totalement en paix. L’image d’une Opale s’effondrant sur le sol, couverte de sang, était encore imprimée sur sa rétine. Il inspira profondément, cherchant à chasser cette vision. Se concentrer sur la voix et les jurons de la jeune femme était une plutôt bonne méthode. Tiens… certains noms exotiques étaient inédits. Il les nota mentalement, histoire de faire un inventaire des connaissances de sa supérieure en la matière. Chose purement inutile, mais qui contribua à terminer de le calmer.

Enfin, le calmer… Tout était relatif, bien entendu. Il ne put s’empêcher de laisser poindre un début d’agacement lorsqu’elle le repoussa un peu trop brusquement à son goût, et alla jusqu’à critiquer la façon dont il venait de l’aider, si ce n’était de la sauver. Johan tiqua mais s’il avait l’intention d’ajouter quelque chose, sa réplique fut noyée dans les plis du jupon qu’il vit malgré lui passer au-dessus de son visage. Un réflexe étrange le fit fermer rapidement les yeux, et il n’eut droit qu’au vague frôlement du tissu sur ses joues, ce qui suffit largement à lui faire louper un battement de cœur. Bravo, c’était tellement le moment…

Il leva les yeux au ciel, exaspéré de sa propre humeur changeante… puis se concentra de nouveau sur la voix d’Opale plutôt que sur ses jupons. C’était un bon début. Enfin… Non, à la réflexion, pas vraiment. Succédant à la peur, puis à la panique, ce fut l’agacement qui commença à s’accentuer en lui. Et gnia gnia gnia gnia… Sauvez la vie d’une fille, et voilà ce qui vous retombe dessus. Même pas un merci ou un truc du genre, pourquoi faire ? Même pas un sourire non plus, tiens. Non, juste un « non mais c’est pas comme ça qu’il fallait faire… ». Johan poussa un soupir exaspéré tapotant nerveusement des doigts le long de sa jambe, en se redressant complètement. Il n’avait pas à être agacé, pourtant. Elle était en vie, et allait assez bien pour lâcher des insultes et le critiquer. C’était donc que tout allait bien.

Mouais… Faute de mieux, le jeune homme parvint à esquisser une petite moue et à hocher vaguement la tête, en signe d’assentiment à la pseudo leçon qu’elle lui faisait tout en profitant de l’occasion pour le rabaisser un peu, histoire de. Il aurait dû être habitué. Non, il était habitué, plus exactement… Le jeune homme affichait un air presque blasé, tout en observant sa supérieure tourner autour du presque cadavre de l’homme qu'il méprisait plus que tout au monde, en cet instant précis. Une réflexion lui brûla les lèvres, tandis qu’elle assurait que ce n’était pas en lançant une dague que cela marchait le mieux… C’était Eleanora, qui lui avait appris à lancer ses lames. Pendant un court instant, il brûla de laisser échapper cette information, mais quelque chose l’en empêcha. Il se retrouva incapable de formuler le moindre son. Ce n’était sans doute pas plus mal.

Puis il arqua un sourcil surpris lorsqu’elle parla du pouvoir du mort en question. Paniquer ?... Bien sûr que si, il avait paniqué ! Elle pissait le sang, merde ! Oui, il avait eu la peur de sa vie. Mais il n’allait certainement pas lui donner plus de motif que cela de se moquer de lui.

Il nota cependant « petit lapin », avec un petit temps d’absence, ne sachant pas exactement comment il devait prendre l’appellation. Le plus prudent restait encore de ne pas relever l’allusion, et il se contenta d’une grimace ironique en réponse à celle d’Opale. Au moins, elle plaisantait… C’était donc bien elle. En chair et en os. Et en sang… mais en pleine forme. Et bien vivante. Cette pensée adoucit momentanément son agacement. Assez pour qu’il esquisse un sourire en l’entendant lui conseiller de se retourner. Haussement d’épaule. Il n’était pas seulement habitué aux jurons de sa supérieure. Et il n’était pas soldat pour rien. Ni autrefois marin d’Eleanora. Il fallait avoir le cœur bien accroché, avec El’. Il ne broncha pas, et s’appuya même nonchalamment contre le mur, bras croisé, laissant Opale toute à sa besogne, puisqu’elle semblait en avoir besoin.

Il ne pouvait pas le lui reprocher, d’ailleurs. Lui-même semblait éprouve une intense et déroutante satisfaction devant le spectacle pourtant peu ragoutant qui s’offrait à lui. Comme si la rage évanouie, qui n’avait pas été assez assouvie, profitait d’une vengeance à retardement par l’intermédiaire des gestes d’Opale. Malgré lui, un sourire froid se dessina sur ses lèvres. Le sang, la violence perpétrée sur un cadavre… était à la fois répugnant et soulageant. Comme si un poids glissait de ses épaules, malgré un haut-le-cœur qu’il retint sans peine. Prudent, il jeta quelques regards alentour, histoire de vérifier que personne ne viendrait interrompre le travail de charcuterie de sa supérieure, puis reposa son regard couleur de ciel sur une Opale… rouge.

Pour une obscure raison, son cœur loupa un autre battement, et il se figea l’espace d’un instant. Elle était belle. A sa manière, même couverte de sang, même avec cet étrange sourire au coin des lèvres, elle était belle. La violence de la situation ne lui faisait rien perdre d’une sorte de grâce particulière, tandis qu’elle s’avançait à nouveau vers lui. Il reprit sa respiration, et pencha légèrement la tête sur le côté face à la question qu’elle lui posait enfin. L’agacement se disputait au soulagement sur son visage, et il finit par esquisser une moue moqueuse.


- Où qu’on décide d’aller, tu n’iras pas dans cet état, chef. Je ne traîne pas une sanguinaire avec moi, c’est encore moins discret que mon air de « petit lapin ».

Il n’en avait pas eu l’intention, mais sa voix avait un je-ne-sais-quoi d’amer, au fond, qui lui déplut tout particulièrement. La dernière chose qu’il voulait, c’était être désagréable. Pourtant, quelque chose restait coincé en travers de sa gorge. Il se baissa pour ramasser sa propre cape, tombée des épaules d’Opale dans la bataille, et la lui lança presque, en ajoutant :

- Tiens, essuie-toi au moins le visage, que je puisse te voir à nouveau…

Il dut lutter contre une envie subite de s’approcher pour l’aider à rincer le sang sur son visage, mais l’amertume aidant, il se contint finalement. Elle n’avait sans doute pas besoin de lui. Et il l’avait assez approchée pour aujourd’hui. Pour les mois à venir, même, non ? La boule dans sa gorge remonta, et il secoua la tête, agacé. Baissant les yeux pour éviter d’avoir à croiser ceux d’Opale, il localisa sa dague, restée plantée dans le cadavre malgré le travail de la jeune femme. Tout en s’approchant du corps, il marmonna :

- Surtout me remercie pas, hein, c’est pas utile… Après tout, c’est mon devoir d’adjoint, c’est normal. Et puis faudrait pas que ça t’écorche les lèvres non plus.

Johan ferma les yeux, sans savoir s’il était agacé de s’être fait ainsi renfloué, ou de sa propre attitude enfantine qui frisait le ridicule. Un peu des deux, très certainement. Il eut un élan de culpabilité en entendant le ton qu’il employa, mais préféra s’abstenir de tout autre commentaire, de peur de laisser échapper des choses qu’il ne penserait pas. Ou penserait trop. D’un geste machinal, il arracha sa dague. Sans doute un peu trop brusquement, puisque deux ou trois gouttes de sang vinrent gicler sur sa joue, à quelques centimètres de son œil. Sans y prendre garde, il nettoya plus ou moins la lame sur les vêtements du cadavre, et la rangea soigneusement, avant de se retourner vers Opale.

Ses yeux bleus revinrent chercher malgré lui ceux de la jeune femme, comme pour s’assurer une fois encore qu’elle était bel et bien là. Inconsciemment, il essuya d’un revers de main le sang qui maculait sa joue, et fit quelques pas jusqu’à elle. La savoir en vie et s’en persuader encore lui arracha un sourire sincère. Il ne put empêcher sa main de se lever au-dessus du visage d’Opale, jusqu’à frôler le bout de son nez, pour en chasser le sang.


- Ca va, tu tiens sur tes jambes, tu ne veux pas rester un moment assise ? Et ta tête ? Le jeune homme secoua la sienne, exaspéré de son propre interrogatoire, et répondit enfin à la question. Malgré la boucherie et l’odeur… Cette histoire m’a creusé l’appétit. J’irai bien manger un morceau dans un endroit un peu plus civilisé, si tu veux bien.

Si tu veux bien… Parce que malgré les sautes d’humeurs du jeune homme, c’était encore elle, le chef. Il esquissa une moue, luttant contre une envie de la toucher encore pour être sûr qu’elle allait bien, et celle, plus discutable, de continuer à bouder encore un peu, histoire de montrer qu’il y avait des limites à l’envoyer sur les roses trop souvent.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 22 Avr - 19:12

Il y avait quelque chose d’amer, dans la façon dont Johan lui rendit son surnom. Un malaise, dans la manière avec laquelle il lui renvoya la cape. Elle remarqua la façon dont il évita son regard, incroyablement distant, et la mauvaise humeur flagrante qui transparaissait dans ses gestes. Rah là là … Qu’avait-elle encore dit ? Elle voulait juste noyer le malaise de sa presque-mort dans leurs chamailleries quotidiennes, et voilà que Johan se mettait à grogner.

Si elle resta de marbre devant cet élan de bouderie enfantine, la phrase suivante la fit réagir. Ah, c’était ça ? Putain, mais il était pire qu’une gonzesse, ce mec… Des fois, il préférait faire comme si de rien n’était, ensuite il faisait la gueule parce qu’il n’avait pas eu de réflexion…. C’était une vraie nana ! Elle préféra ne rien dire, sinon émettre un grognement prononcé, puis suivit des yeux les gestes de son adjoint. Encore un mouvement d’humeur, et hop que je me retire la dague d’un geste viril en m’en foutant partout…

Elle s’approcha pour lui retirer le reste de sang, mais il l’essuya d’un revers de main, toujours grognon, et la jeune femme estima plus prudent de baisser le bras. Ohlà, voilà qu’il souriait, maintenant. Mais il était en colère ou pas, finalement ? Quel caractère…Et voilà qu’il lui effleurait le bout du nez, presque tendrement…C’était à n’y rien piger.

Ohlà, maintenant il s’inquiétait ? Mais … Mais … Mais….


- Je vais bien, même si ça n’a pas l’air de te ravir de m’avoir sauvée, visiblement. Ceci dit, oui, allons manger un morceau, troupe d’élite.

Opale enfouit son expression exaspérée dans la cape, essuyant d’un geste rageur le sang qui collait à son visage. Même pas le sien, en plus, ce qui rendait le tableau encore moins ragoûtant. Enfin… La chaleur du coton mal dégrossi et l’odeur rassurante de son adjoint vinrent légèrement contrebalancer cette tension, bien que pour aucun empire au monde (sauf un) elle ne l’eût avoué.

Doucement, sans accorder un regard à Johan, elle s’emmitoufla dans la cape, se berçant lentement dans le drapé de l’étoffe trop grande pour elle, fredonnant vaguement un vieux chant marin qu’elle n’avait plus guère le loisir d’entendre.


- A moi que m’importe la gloire, née fille de roi et de prostituée…. Sur des cadavres j’ai chanté la victoire…

Gamine, elle s’assit sur un porche, toujours emmitouflée dans sa cape grossière, le visage aussi pâle que ses boucles étaient brunes et les lèvres entrouvertes en une mélodie hachée. Le vent se faisait froid, et elle n’aurait pu dire si c’était l’humeur changeante de Johan qui la glaçait, mais quelque chose la rendait profondément triste. Etait-ce le vent, qui sifflait à ses oreilles en soulevant les mèches éparses qui dansaient sur front, ou la simple mélancolie d’un autre jour qui s’en allait, emportant avec lui un autre espoir d’arriver enfin à dire à quelqu’un qu’on l’aime ?

Opale ne savait pas. Elle chantait toujours, simplement, comme si elle ne trouvait rien d’autre à faire pour faire taire cette tristesse étrange qui se plaisait à éclore tout au fond de sa gorge. Puis, lorsque la mélodie mourut sur ses lèvres, elle se leva, aussi discrète que la brume puis souffla, dans un murmure :


- Ne m’en veux pas de ne pas tenir à la vie, petit lieutenant.

C’était une drôle de scène que l’Opale blême, vacillant quelque peu sur son porche - encore sous le contrecoup de la violence dont on avait fait preuve sur elle – jetant des regards blasés aux passants sans se soucier de ses joues rougies ou du pauvre Johan dépassé qui se tenait un peu plus loin.

Elle soupira.


- Tu sais où tu veux aller ?

Oui, parce qu'il fallait bien continuer de vivre. Et ce même si son humeur se faisait particulièrement changeante en ce moment. Rageuse, en colère, triste, timide, gamine, elle ne comprenait même pas ses propres émotions. Hmf. Comment pourrait-elle prétendre comprendre celles de Johan, après ?

Où était leur jeu, maintenant qu'il regrettait de l'avoir sauvée ? N'aurait-il pu s'attendre à ce qu'elle soit trop fière ou trop farouche pour le remercier ? Ou plus exactement, comme elle le savait, trop perdue pour tenir encore à cette vie... Encore une fois, Opale s'interrogeait sur son avenir et sur le quotidien abrutissant dans laquelle elle ennuyait son chagrin.

Dîner avec son second... Allons-y, ce n'était pas comme si elle s'attendait à être surprise. Ses jambes, toutes seules, se tendirent et elle se leva avec autant de grâce que d'ennui. Etre aussi lunatique qu'elle était douloureux... Lorsque ses émotions, aussi vives que de l'eau de mer, bougeaient constamment et se contorsionnaient au gré de chaque caillou, chaque gravier, chaque petit poisson dans l'océan...

Elle n'aurait pu dire pourquoi, la comparaison avec la mer lui plut. Elle lui rappelait Kan'.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 22 Avr - 21:01

Bien… Ou plutôt, non. Pas bien du tout. Johan aurait dû savoir qu’il n’était forcément très intellectuel de bouder en présence d’Opale. Il y avait deux solutions, et ce, quelle que soit la situation : soit il se prenait un pain dans la tronche, ce qui lui retirait aussitôt l’envie de continuer sa mutinerie momentanée, soit elle se berçait à nouveau dans un chagrin qui le touchait si brusquement qu’il lui… retirait aussitôt l’envie de continuer sa mutinerie momentanée. En bref, Johan ne pouvait guère bouder bien longtemps, face à supérieure. Mais à choisir… il aurait probablement préféré se faire frapper. Sauf que ce n’était pas le cas… Et cela l’inquiétait probablement plus que le reste l’avait agacé.

Avec un froncement de sourcils perplexe, il accueillit la remarque d’Opale, se demandant vaguement si elle pensait vraiment ce qu’elle disait, ou s’il ne s’agissait que d’une boutade de plus. Comment ça, il n’était pas ravi de l’avoir sauvée ? Avait-elle une simple idée de ce qu’il avait ressenti en la voyant s’effondrer face à cet abruti, couverte de sang ? Probablement pas. Et… sans doute n’était-ce pas plus mal. Le jeune homme poussa un soupir discret, se contentant d’un petit hochement de tête. Tiens, il était passé de « petit lapin » à « troupe d’élite », fallait-il y voir une promotion ?

Mouais… A la réflexion, il s’en contrebalançait, de ce à quoi il pouvait ressembler, dans l’esprit d’Opale. Ce qui l’inquiétait, en revanche, c’était ce chant marin inattendu, qui franchissait les lèvres de sa supérieure, tandis qu’il observait ses mouvements lents, presque fragiles à ses yeux. Un léger frisson vint taquiner sa nuque, et il esquissa une moue, oubliant jusqu’aux vestiges de ce qui l’avait agacé seulement quelques secondes plus tôt. Pourquoi s’était-il mis à bouder, d’ailleurs ? Pas la moindre idée. Tout ce qu’il savait, pour l’heure, c’était qu’il se retrouvait en face d’une Opale agenouillée sous un porche, fragile, blessée, seule… Et lui, penaud, se tenait debout, les bras pendant le long de son corps, hésitant. Que devait-il faire, exactement ?

C’était l’éternelle question, avec elle. Jamais il ne faisait très précisément ce qu’elle attendait. Il le savait, bien sûr. Mais cela ne l’empêchait pas pour autant d’essayer. Peut-être qu’un jour, il réussirait à chasser ce brouillard chagrin autour d’elle. Non. Il n’y avait qu’une personne pour y parvenir. Et ce n’était certes pas lui. Son cœur protesta à cette vérité d’un pincement glacial, mais il l’ignora royalement. Ce n’était pas l’important. Il se débrouillerait avec ses propres démons plus tard. Pour l’heure, il devait faire quelque chose… réparer ce qu’il avait brisé par un mouvement d’humeur qu’il détesta purement et simplement.

Il sentit ses genoux vaciller malgré lui lorsqu’elle lui avoua ne pas tenir à la vie. D’un geste instinctif, il ferma les yeux, comme si ses paupières closes avaient pu suffire pour effacer l’idée qui trottait constamment dans l’esprit d’Opale. Lui redonner goût à la vie… comment y parviendrait-il seulement ? Il se sentait stupide. Il l’avait toujours été, en somme. Mais là, plus encore. Stupide et inutile. D’un mouvement qu’il ne maîtrisa pas tout à fait, il s’approcha d’elle, et la saisit doucement par le coude, de sorte d’attirer assez son attention pour la forcer à le regarder de nouveau. Il ne lui avait pas échappé qu’elle fuyait son regard.

Elle avait beau être triste, éperdue, blême… il fut sincèrement touché, comme à chaque fois qu’il observait les traits de son visage ou s’approchait plus près qu’il n’aurait dû. Il se pencha légèrement, et ses lèvres dessinèrent un sourire dont il n’eut pas conscience. Comme s’il avait voulu recréer l’atmosphère qui s’était glissée entre eux avant l’intervention de Deloth.

- Je suis désolé. C’est la seule chose pour laquelle je puisse vraiment t’en vouloir.

Il arqua un sourcil, surpris par sa propre remarque, et son ton de voix, si doux qu’il était difficile de se rendre compte qu’il soit capable de « lui en vouloir » pour quelque chose. Au contraire. D’un geste presque maniaque, il replaça une mèche d’Opale qui avait décidé de barrer son front, puis se racla la gorge. Le meilleur moyen de chasser momentanément la brume qui enveloppait Opale et la tenait si éloignée de lui, c’était encore de ne pas y songer. De faire diversion, en somme. Il inspira profondément, et s’accorda un instant de réflexion, durant lequel il lâcha prudemment le coude de son amie. Sait-on jamais.

- Bon… Je connais une auberge plutôt agréable, on y mange bien et la clientèle ne ressemble en rien à… ça.

Il souligna ses propos d’un petit geste du menton en direction des restes de Deloth, accompagné d’une grimace pour le moins explicite. Puis il se mit en route, hésitant fortement à soutenir sa supérieure par le bras. Il craignait d’une part d’être noyé sous un flot d’insultes s’il se risquait à la croire plus fragile qu’elle n’était… et d’autre part, il n’aimait guère la voir évoluer dans cet état. Et dans cet endroit. Au diable les insultes, après tout, il avait l’habitude. Il glissa donc prudemment sa main dans celle d’Opale, lui laissant tout le loisir de lui tordre le poignet si cela ne lui allait pas, et la guida, slalomant entre les clients potentiels de l’établissement, des prostituées dont il évitait le regard, et autres ordures dans le genre de Deloth.

Très vite, ils émergèrent dans une rue adjacente beaucoup plus calme, croisant au passage deux gardes dont l’air nauséeux lui fit douter de leur efficacité. Mais puisqu’ils étaient censés bosser en « incognito », il ne fit aucune réflexion et se contenta de retenir leurs visages, histoire de ne pas les rater au tournant. L’atmosphère bon enfant qui flottait au-dessus du Quartier des Commerçants lui fit venir un sourire. Le brouhaha lui-même ne ressemblait guère à ce qu’ils laissaient derrière eux. Le malaise qui habitait encore Johan le quitta peu à peu, comme s’il laissait tomber derrière lui une cape crasseuse et pleine de sang. Cape qui ornait toujours les épaules d’Opale, soit-dit-en-passant.


- C’est par là. Indiqua-t-il de façon probablement inutile, puisqu’il continuait de la guider en serrant sa main dans la sienne.

Au moment de pénétrer dans l’auberge qu’il avait désignée d’un geste, et qui exhalait une délicieuse odeur de poisson cuisiné et de vin doux, Johan se figea, et l’étreinte qu’il maintenait autour de la main de sa supérieure se fit moins insistante. Une vague de froid le cloua sur place, et ses genoux lui parurent fondre littéralement. Quelque part dans cette rue, il avait cru… Non. Une chevelure rousse. Des yeux vifs. Des traits si doux. Ce ne pouvait pas être… Un murmure lui échappa sans qu’il l’entende :


- Faith…

Il ferma les yeux, pris d’un vertige qu’il devait absolument vaincre. Pourquoi était-il si terrifié ? Il n’eut pas le temps de répondre à cette question. Quelqu’un le bouscula à l’épaule en entrant dans l’auberge, et lui fit reprendre ses esprits. Il revint à la réalité avec une brusquerie qui le fit cligner des yeux. Ok… ce n’était rien du tout. Encore une réminiscence de ce qui n’avait probablement jamais existé. Autant par envie que par besoin de se raccrocher à quelque chose de réel, il exerçait une vague pression autour des doigts d’Opale. Ils étaient tièdes. Johan poussa un soupir presque rassuré, puis se racla la gorge, avant d’entrer à son tour, le pas mal à assuré.

Il se vautra littéralement à la première table venue, lâchant à regret la main de son amie pour passer la sienne dans ses cheveux, indice de sa nervosité. Histoire de concentrer son attention sur quelque chose de banal et d’immédiat, il balaya le menu de son regard azuré, puis passa commande, et laissa Opale faire son choix, avant de préciser qu’ils auraient besoin d’un bon pichet de vin.

Mauvaise idée. Il le savait. Mais il ne cessait de jeter des coups d’œil inquiet en direction de son amie, et savait pertinemment que l’alcool ne pouvait que la rasséréner, ne serait-ce qu’un peu. Il la trouvait bien trop pâle… Et puis… d’accord, il ne tenait pas l’alcool. Mais il avait terriblement besoin d’un petit remontant. Le choc post-traumatique coulait encore le long de ses veines. Son inquiétude pour Opale, la rage qui l’avait saisi, sa bouderie pathétique, les joues blanches de la jeune femme, son air fragile, sa chanson… et cette sœur, souvenir d’un passé qui n’avait sans doute jamais existé, et qui avait traversé son esprit de façon inexplicable.

Un seul verre. Il ne se permettrait qu’un seul verre. Tout en essayant de chasser sa vision de son esprit, il servit Opale, puis laissa le liquide rouge sombre remplir sa propre chope, s’y noyant un instant.


- Je ne suis pas ravi de t’avoir sauvée, Opale, c'est encore plus que ça... Je suis tellement soulagé que j’en perds ma capacité à réfléchir.

Il ne savait pas pourquoi il relançait le sujet… mais il n’arrivait pas à s’empêcher de parler. D’une moue, il prévint la boutade qui n’allait probablement pas tarder :

- D’accord, je ne réfléchis déjà pas des masses. Alors tu imagines un peu… Je ne sais pas ce que je pourrais faire sans toi. J’étais mort de trouille, Opale…

Il releva la tête dans un sursaut de courage, pour tenter de croiser le regard de la jeune femme, le temps d’une brève seconde avant de revenir à sa lâcheté habituelle, et de plonger le nez dans sa chope. La première gorgée de vin fut agréablement douce et sucrée, et réchauffa ses joues. Ce qui lui donna fortement envie de retenter l’expérience. Erreur. La seconde gorgée, tout aussi agréable, lui fit naître un vague vertige qu’il trouva… intéressant. Johan fronça les sourcils. Mauvaise idée.

D’un geste sans doute un peu trop vif, il éloigna prudemment la chope de son visage, la poussant jusqu’au bout de la table comme si elle était en flammes.


[sait pas trop si on change d'endroit ou pas, du coup]
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeMer 22 Avr - 22:05

Une tiédeur connue, sous son coude. Elle leva les yeux, guère surprise mais non moins perplexe pour autant. Pourquoi fallait-il qu’il cherche toujours à boucher toutes les failles de son existence, presque comme s’il en était responsable à sa place ? Et puis comment faisait-elle, elle, pour que ses démons lui soient aussi visibles ? A chaque fois qu’elle se laissait aller à une vague rêverie, ou adoptait un regard distant, il s’empressait de le combler ou de détourner son attention d’une boutade. En clair, il ne lui laissait pas le loisir d’être triste.

Cela aurait pu être agaçant, chiant même, mais avec Johan, par une force mystérieuse, cela n’était que touchant – et des fois, mais des fois seulement, efficace. Tous ces efforts qu’il faisait pour identifier et balayer toutes les larmes accrochées à son cœur étaient une chose qu’elle ne comprenait d’ailleurs pas : tout son être rejetait le fait d’être appréciée – aimée – pour la simple et confortable raison que si l’homme qu’elle aimait ne voulait pas d’elle, non seulement elle ne voudrait plus de personne, mais personne ne voudrait sûrement jamais d’elle.

Bon, allons-y, bouffer. Elle songea un instant à critiquer par avance les goûts en matière de tavernes de Johan, ou d’impliquer qu’il devait être un alcoolique pour bien connaître ces bouges et ce milieu, mais son geste vers Deloth lui rappela autre chose. La main du blond se glissa dans la sienne, mais elle la rejeta d’un geste hâtif, sans violence ni autre but que de montrer qu’il y avait une dernière chose à faire avant de partir.

- Attend, deux secondes.

S’éloignant d’un pas joyeux vers le cadavre, la petite brune alla s’accroupir près de l’homme au totem de fouine, se lançant dans une entreprise étrange qui allait sûrement surprendre son second. Les doigts experts de la jeune femme se glissèrent dans les vêtements et les recoins des plis, en extirpant… Plusieurs petites bourses, qu’elle dénoua aussitôt. Quelques pièces firent un joyeux « ding » en retombant dans la paume de sa main. Alors, deux, cinq…Bon, hop, ça irait. Elle alla déposer son butin dans la main de Johan, victorieuse.

- Tiens, voilà ma part, pour la taverne.

Puis repartit vers le corps, ôta de ses épaules la cape de Johan avec un soin particulier, puis dépouilla le mort de son gilet. Elle n’allait quand même pas aller dans un quartier honnête habillée comme ça, hein ? Sans se soucier plus que ça de la pudeur – ça passerait inaperçu – ou de son second, elle se débarrassa de son haut crasseux, remit le corset à même la peau puis couvrit le tout du gilet (lequel par chance était à peine taché) de la fouine. Bon, le bas, maintenant. Elle ne put s’empêcher un vieux fou rire en enlevant le pantalon de son vieil ennemi et en enlevant son jupon, se retrouvant en culotte bouffante avant de s’approprier le bas et les bottes du pauvre homme à terre.

- Ah, voilà, c’est mieux. Les armes, maintenant.

Et que je vole la ceinture du pauvre bougre, que je lui ôte poignard, dague et poison….Tiens, il avait ça, lui ? Hé bien, il devait avoir un plan imaginatif pour la torturer, dis - donc. Pourquoi pas un tisonnier, pendant qu’on y était ? Ah heu, retirez ça. Comment aurait-elle pu s’en douter, hein ? Elle et sa grande gueule.

Elle se coiffa enfin du tricorne informe, puis adressa un sourire taquin à Johan.


- Tu me reconnais mieux, n’est-ce pas ?

Elle prit enfin la tête avant de se laisser guider par son second estourbi vers la taverne, remarquant également au passage les gardes, fine mouche, murmurant leurs noms à l’oreille de son lieutenant au passage. Quels cons. Ils allaient devoir payer, et le mythe d’une Opale qui voit et entend tout serait conservé. C’était très amusant, d’ailleurs, que d’être crainte ainsi parmi ses gardes.

Bon, la taverne en question avait effectivement l’air très acceptable. Elle entra, sentant avec délice les odeurs de poisson grillé qui lui chatouillaient les narines, sans faire attention à Johan qui se noyait dans un fantôme de souvenir. Lorsqu’elle se retourna enfin, il s’était réveillé et les installa à une table. Elle aurait bien critiqué, mais ne trouva rien à redire au lieu. Elle adressa un sourire charmant au serveur, du dessous de son chapeau, en commandant une sole grillée « bien grillée s’il vous plaît ». Elle se leva ensuite, lui susurrant quelque chose à l’oreille avant de pouffer de rire.

Il était flagrant qu’elle était dans un élément connu, à voir comme elle regardait l’auberge dans ses coins et recoins, se mordillant la lèvre d’un air gamin en observant le vin couler dans une chope avant d’y tremper les lèvres. Ignorant les déclarations du lieutenant, ne voulant pas repartir sur le sujet.

Les gestes du blond ne lui échappèrent pas, cependant, et un dessein machiavélique prit sa source dans son malaise. Elle repoussa doucement la chope vers lui, jetant un regard appréciateur au liquide rouge qu’elle contenait.


- Tu as tort, il est excellent.

Prédatrice, elle agrippa la chope de son compagnon pour lui voler une gorgée avant de rire, puis de prêter attention à la musique d’ambiance.

- Oh, il l’a demandée pour moi… Gentil garçon.

Elle fredonna les mesures du chant, gentiment. Johan la connaissait peut-être, vu qu’Opale adorait la chanson et ne cessait d’en parler ou de la chantonner dans les couloirs. Il aurait même eu le plaisir de l’entendre chanter, si elle ne s’était jetée sur sa sole avec un air carnassier…
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeJeu 23 Avr - 0:54

Pourquoi fallait-il toujours qu’elle essaie de le tuer, hein ?

Excellente question. Et le pire c’est qu’il n’avait rien vu venir. Encore une fois. Le fait qu’elle lui lâche la main, si cela l’avait momentanément frustré, ne l’avait pas surpris outre mesure, puisqu’il s’attendait à bien pire. C’était qu’elle mordait, parfois. Mais bref. Il l’avait vue s’approcher à nouveau du cadavre et avait probablement eu l’expression la plus perplexe au monde en observant sa supérieur se mettre en devoir de… ben de tripoter le gars qui l’avait agressée, en gros. Oui. Etrange. Johan nous faisait donc « le vide » à l’état pur, jusqu’au moment où Opale s’était redressée avec un air victorieux, et lui avait déposé dans la main quelques pièces dénichées sur le cadavre. Le jeune homme eut un sourire charmé. Bien sûr. C’était tout à fait elle…

Il regretta amèrement cette conclusion par la suite. Enfin… non, pas précisément. Disons que la partie de son esprit encore capable de fonctionner correctement maudit ce qui arriva. Le reste, en revanche… Bref, n’en parlons pas. Ou plutôt si. Parlons-en. Johan avait glissé les pièces dans sa poche avec un air satisfait, et s’apprêtait de nouveau à servir de guide, lorsque la jeune femme décida qu’elle n’en avait pas fini avec Deloth. Cette fois-ci, le jeune blond n’était plus seulement perplexe. Il riva sur les gestes d’Opale un regard soupçonneux, voir même anxieux. A force de la côtoyer, il avait développé une sorte de sixième sens quant aux frasques parfois inattendues qu’elle était capable d’imaginer. Or, toutes les sirènes d’alarmes s’étaient déclenchées.

Mais aucune d’elles ne le prépara à ce qui se produisit par la suite. Opale se… se déshabilla, n’ayons pas peur des mots. D’ailleurs, Johan n’était pas effrayé. Il était au bord de l’arrêt cardiaque. Tout se passa affreusement vite, comme chaque fois que son corps prenait le dessus. Une chaleur maintenant caractéristique remonta en flèche jusqu’à ses joues, qui prirent une belle teinte cramoisie. Son dos fut traversé d’un frisson tout aussi brûlant, et il eut la sensation déroutante de s’évaporer dans l’air. Comme si son corps n’était plus lui-même que des flammes. Mauvais. Très mauvais, ça. On aurait pu faire cuire sans mal un steak sur son visage, et ses mains étaient si moites qu’il les fourra machinalement dans ses poches.

Bien… Du calme. Du calme. Commencer par respirer convenablement. Johan tenta une profonde inspiration, en réalisant subitement, à la façon dont l’air brûlait ses poumons, que cela faisait certainement un trop long moment qu’il avait oublié de les irriguer. Le geste ne l’aida pas vraiment, il l’empêcha simplement de mourir d’asphyxie. Fermer les yeux. Détourner la tête. Ou un truc dans le genre. N’importe quoi qui puisse l’empêcher d’observer une Opale en train de se changer devant lui. Pourquoi faisait-elle cela ? Avait-elle conscience du trouble qu’elle lui infligeait ? Comme s’il s’en souciait vraiment… Le principal était de rester en vie. Respirer, c’était simple, non ? Respirer, et fermer les yeux. Ah, non… Ca, il n’y parvenait pas. Pour une obscure raison, ses paupières refusèrent d’obtempérer. Son corps avait parfois d’étranges réactions. Mais elle était… si jolie. Pourquoi prenait-il cette sorte d’instant volé pour une torture ? Peut-être se sentait-il de trop. Peut-être voulait-il se punir. Peut-être se savait-il coupable de dérober à ce corps si délicieux quelques regards dont il n’avait pas droit de profiter.

Ou bien tout simplement était-elle trop jolie pour qu’il le supporte. Ce qu’il pouvait être stupide… Etait-ce si compliqué, de fermer les yeux ? Il était lâche. Lâche et pervers, d’ailleurs, puisqu’il n’arrivait pas à s’empêcher de contempler ses courbes comme on découvre un trésor. Johan secoua vivement la tête, au moment précis où Opale enfilait les bottes du mort et terminait de lui chiper ses armes. Là, elle était habillée… Plus la peine de jouer au voyeur maintenant, non ? A cette pensée, le jeune blond sentit ses joues l’incendier plus encore. C’était un supplice. Mais il n’aurait échangé sa place pour rien au monde.

La pensée en question le rendit si honteux qu’il parvint à baisser légèrement la tête, masquant quelque peu son visage à l’aide de ses mèches dorées et rebelles, qui vinrent à son secours. Il avait chaud. Terriblement chaud. D’un geste tremblant, il se mit en devoir d’agiter son chapeau devant son visage histoire de s’aérer un peu, ce qui ne servit à… rien, fort probablement. Les images de ce qu’il venait d’apercevoir s’imposaient par intermittences devant ses yeux, troublant sa perception, avivant ses sens et… rougissant ses joues. Tel un supplicié, Johan pria pour que la jeune femme ne remarque en rien que quelque chose clochait, mais il lui sembla presque qu’elle avait sciemment cherché à le mettre en difficulté.

Ce qui lui fit conclure cela ? Le sourire taquin qu’elle lui adressa par la suite, et cette remarque… S’il la reconnaissait ? Il doutait que cela soit vraiment une question, mais il était trop perturbé pour y réfléchir, et s’entendit vaguement marmonner des mots inintelligibles et hachés, impossibles à traduire d’une quelconque manière, même par lui-même. Surtout par lui-même.

Ce fut donc dans un état second que Johan se retrouva dans une auberge, assis en face d’une jeune femme dont il tentait d’éviter le regard. Plus exactement, il essayait tout bonnement d’éviter de la regarder, de peur de revoir à nouveau le spectacle auquel il venait d’assister malgré lui. Ce n’était pas seulement le vin, au final, qui avait brûlé ses joues, non ? Raison de plus pour s’abstenir de terminer son verre. Johan essayait toujours de maîtriser sa respiration lorsqu’il intercepta le sourire charmant qu’Opale adressa au serveur, juste avant de lui susurrer quelque chose à l’oreille, ce qui fut vite suivi d’un petit rire. Le jeune homme arqua un sourcil sans réussir à s’empêcher de grimacer pour une obscure raison. Y avait-il encore anguille sous roche ? Avait-elle réellement décidé d’en finir avec lui d’une façon ou d’une autre ? Et pourquoi n’avait-il pas droit à ce genre de sourire, lui ?

Ouh là… Cette réflexion seule suffit à l’effrayer lui-même. Il se mit silencieusement à réciter les points positifs de la situation. Primo, Opale avait l’air dans son élément, plus gaie, plus enfantine et amusée. C’était toujours un plus. Secundo, le trouble dans lequel elle le jetait était une diversion parfaite à l’illusion d’une sœur disparue qui était revenue le hanter. Tertio… Et bien… Il n’avait pas encore de tertio, mais il allait bien finir par en trouver un. Ah, si… Elle était remarquablement jolie. Et quoi que sa conscience en dise… c’était un point positif.

Il en était à chercher un quatrième point à son raisonnement lorsqu’Opale décida de s’en mêler. Johan contempla la chope de vin revenir jusqu’à lui sous une poussée de la jeune femme, et la fixa comme on fixerait un adversaire en plein duel. Sauf qu’il n’avait pas l’intention de la tuer. Jusqu’à preuve du contraire. Non, il n’était pas question qu’il boive ne serait-ce qu’une goutte de plus de cette instrument du diable. Elle voulait sa mort, ou quoi ? Dieu sait ce qu’il serait capable de faire, s’il perdait totalement ses moyens.

Elle lui vola une gorgée, et Johan dut fortement reconsidérer la chose. Ses yeux bleus, perplexes, traversés d’un vague éclat malicieux sans doute né de l’alcool, se plongèrent dans le liquide rouge, et ses doigts se refermèrent sur le verre. Il y avait quelque chose d’infiniment tentant, soudain, dans cette simple chope de vin. Ce liquide doucereux avait-il changé de goût depuis qu’Opale y avait trempé ses lèvres ? Ce qu’il pouvait être stupide… Johan leva les yeux au ciel, puis tenta une moue amusée en direction de sa supérieure. Autant essayer de conserver les apparences.


- Oh, je ne doute pas qu’il soit excellent. Je préfère simplement m’abstenir, compte tenu du fait…

Il s’interrompit. Non seulement sa voix était un peu trop rauque à son goût, mais en plus il s’apprêtait à avouer la plus grosse énormité de sa vie. Ne jamais dire à Opale qu’il ne tenait pas du tout l’alcool. Jamais. A aucun prix. Il emporterait son secret dans sa tombe. Il la savait capable de se servir de cette faiblesse plus que de n’importe quelle autre. Ne le faisait-elle pas déjà ? Johan soupira et reconsidéra son verre. Conserver les apparences n’était pas une mauvaise idée non plus. Un verre, ça devait être supportable… et noierait peut-être les soupçons d’Opale.

Tandis que la jeune femme chantonnait un air qui lui était familier, son blond de second se remit donc à boire, laissant le liquide glisser le long de sa gorge avec délice. Il n’aimait pas du tout la façon que le sol avait de tanguer comme ça, ni les visions du corps d’Opale qui revenaient le torturer sans plus prévenir. Il avait la sensation que des bulles de savon éclataient tour à tour dans son cerveau, embrouillant ses pensées. Le vin avait meilleur goût à présent, c’était indéniable. Et lui, il était encore plus pathétique. Très vite, il vit apparaître le fond de sa chope avec une sorte de soulagement mêlé de déception. Bon. Il n’en boirait plus une goutte de plus, c’était décidé.

Johan jeta un coup d’œil à sa compagne de table, appuyant son menton sur sa main avec un sourire béat. Ce qu’elle était jolie, n’empêche. Raaaah, mauvaise pente. Un peu de volonté, que diable. Alléluia. Le repas. Excellente diversion. Le jeune homme reporta son attention sur ce qu’il avait dans son assiette, mais ses yeux brillants ne cessaient de dériver jusqu’à Opale, ou accessoirement jusqu’à sa chope vide. Il en aurait bien repris un peu, à la réflexion. Non, non, non. Surtout pas.

L’air un peu trop béat à son goût, Johan s’entendit articuler :

- Rafraîchis-moi la mémoire, s’il te plaît… C’est quoi cette chanson ? Je suis sûr de t’avoir entendue la fredonner au moins une bonne dizaine de fois.

Le jeune homme était fier de lui. Il avait réussi à faire une phrase complexe, grammaticalement correcte, et compréhensible. Un record. Il n’était pas sûr de pouvoir réitérer, ceci dit. Pourvu qu’elle ne lui pose pas trop de questions, il se sentait incapable de maintenir une quelconque conversation.

- Oh... J’ai cru que tu faisais du charme au serveur.

Johan sursauta. Attendez une minute. C’était lui qui avait sorti cette énormité ? Oui, oui… à première vue c’était bien sa voix, douce et un peu plus lente qu’à l’ordinaire, teintée d'une sorte de soulagement. Intéressant. Il n’avait même pas eu à réfléchir. C’était bien là tout le problème. D’un geste un peu maladroit, le jeune homme agita la main pour chasser ses propres mots comme un insecte dérangeant, manquant de peu d'éborgner Opale au passage.

- Laisse tomber. Dis, tu le connaissais, le mec qui t’a agressée et que tu as découpé en morceaux, au fait ?

C’est ça. Changer de sujet. Le ton badin avec lequel il parlait de ce qui l’avait auparavant enragé ne le surprit même pas. Non. Il se sentait même bien. Très bien. Opale était très jolie. Et il aurait bien repris un verre de vin.

Sans même s’en apercevoir, Johan se mit à chantonner à son tour, un sourire extatique au coin des lèvres, ne s’interrompant que pour engloutir une bouchée de son repas.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeJeu 23 Avr - 23:54

Elle le sut dès qu’il marqua une hésitation.

Johan n’avait jamais été particulièrement discret, ni doué pour lui cacher un secret, et son simple regard méfiant envers la pauvre chope renseigna sa supérieure sur l’absolue nécessité de tester l’effet de l’alcool sur son pauvre adjoint. Il n’y avait d’ailleurs qu’à remarquer les yeux exaspérés du jeune homme pour comprendre qu’il y avait anguille sur roche…

Ses sourcils, cependant, se levèrent en une moue perplexe lorsqu’il reporta de nouveau le séduisant liquide à ses lèvres. Hé, ne venait-elle pas de conclure qu’il craignait la boisson ? Comment se faisait-il qu’il ose en reprendre, si ses conclusions étaient justes ? Elle vérifia d’un coup d’œil que la chope était vide, étonnée, puis dût admettre qu’il devait bien cacher son jeu. N’empêche, c’était à suivre, cette affaire. Cette phrase laissée en suspens était louche. Compte tenu de quoi ? Il croyait qu’elle allait cracher dedans, ou quoi ? Pas la peine de faire ces yeux – là.

Elle engloutit un morceau de sole comme une pie aurait gobé une graine de pin, sans faire plus attention à la bienséance qu’à l’air béat de Johan dont le regard se rivait sur son visage. Toujours en susurrant la mélodie qui se jouait en même temps et en mâchonnant un bout de poisson, Opale observa de nouveau le lieu. C’était étrange comme le changement l’avait soulagée. Oh, non pas que c’était l’endroit parfait, n’allez pas flatter Jo quant à ses goûts, mais il y régnait une bonne ambiance de taverne portuaire qui tranchait avec le froid glacial et mortel de l’autre établissement.

Bon, peut-être deux ou trois prostituées dans les coins, mais elles étaient si sobres et si habillées que ça ne comptait pas pareil. Traçant des dessins abstraits sur une vague couche de poussière qui s’accrochait désespérément à la table, Opale traça mentalement les ébauches d’une comparaison entre la Cour et un endroit comme celui-là.

Déjà, la tenue imposée changeait radicalement. Enfin, la tenue qu’elle s’imposait elle-même, plus exactement, puisque Kan’ lui-même devait s’en foutre royalement de ce qu’elle pouvait bien porter… Cette pensée lui amena aussitôt l’image d’un jeune homme brun et hilare, lui répliquant « Rien, ce serait mieux ! ». Un sourire naquit sur ses lèvres. Peut-être les choses auraient-elles été différentes, si dès cette époque elle avait accepté d’exprimer ses sentiments au lieu de se mettre au second plan en tant que personne.

Le jeune Kan’… Si joueur et si charmeur… Bien que le Kanaw qu’il était devenu soit plaisant, il arrivait que la jeune capitaine des gardes regrette de ne s’être laissée aller dans ses bras, comme il semblait le vouloir à l’époque. Un soupir vint caresser ses lèvres rosées. Hé non, elle avait eu l’arrogance de vouloir se distinguer, justement en ne passant pas par la case lit. Et maintenant, mine de rien…Elle se trouvait toute conne, avec un pucelage et pas de bons souvenirs.

Oh, elle pouvait toujours dépuceler Johan. Un rire vint chatouiller sa gorge, jusqu’à contaminer ses yeux. D’ailleurs, si ça se trouvait, il n’était même pas puceau, lui. Même lui… Elle eût un grand moment de solitude et préféra noyer ses bêtises dans son assiette, se replongeant dans le cycle de la digestion au moment même où Johan posait une question.

Oh, oui, la chanson. Comment l’oublier, celle-là. Son instinct féminin la prévint qu’il ne serait guère judicieux de préciser à son blondinet que la chanson était un souvenir du bon temps où elle voguait avec son brun de capitaine, fendant les océans au son de leurs voix souvent complètement fausses… Elle mentit, pas très fière d’elle mais certaine que c’était mieux ainsi.


- Oh, c’est juste un vieux chant corsaire qui parle d’oiseaux.

La phrase suivante, cependant, la surprit. Non seulement parce que Johan n’était d’habitude pas homme à faire part de réflexions pareilles, mais aussi parce que l’idée que les apparences aient pu suggérer une tentative de séduction vers un inconnu…. Ne l’avait même pas effleurée.

Elle couva Johan d’un air perplexe, quelque peu perturbée. Sur quel pied danser ? Avait-il cherché à faire preuve de possessivité, ou de jalousie, même, là ? Non, en fait, rien ne l’indiquait, peut-être cherchait-il juste à meubler le silence… Ou à rectifier une erreur mentale qui impliquait qu’elle allumait des serveurs.

Un autre soupir, qui vint soulever une mèche de folles spirales brunes.

Deloth ? Quelle conversation… Elle sourit, amusée par le fil des sujets que tentait maladroitement de dérouler Johan, et réfléchit en piquant du couteau un morceau réticent qui ne voulait visiblement pas être mangé. Alors, comment expliquer à Jo qui était Deloth….Il aurait été simple de tout résumer par le mot « connard », mais quelque chose lui dit que ç’aurait été légèrement trop court.


- Tu es sûr que tu veux t’emmerder avec mon histoire, Johan ?

Elle fit la moue, et ses fossettes charmantes vinrent frôler la commissure de ses yeux argent. Etait-elle consciente, d’être belle ? La réponse était non. A vrai dire, Opale était tellement convaincue d’être banale que chaque compliment passait pour de la flagornerie. La jeune femme ne faisait pas attention aux gerçures délicates qui ornaient sa bouche, aux grains de beautés subtils qui donnaient du caractère à son grain de peau. Si ces charmes discrets existaient, elle les ignorait comme on remet distraitement une mèche derrière l’oreille.

- L’idéal serait de recommencer au début, et ce n’est justement pas l’endroit idéal… Pas assez intime. Je ne veux pas parler de mon enfance et de mon adolescence dans un endroit public.

Ses lèvres se replongèrent avec un empressement non dissimulé dans le nectar rouge qui lui faisait d’habitude défaut – vu qu’elle ne voulait pas faire honte à Kan’ en étant soûle dans les couloirs.

La jeune femme n’avait jamais été vraiment alcoolique, en fait. Son premier verre s’était d’ailleurs fait recracher aussi sec. Qu’est-ce qui avait bien pu mener à ce goût pour la beuverie, alors ? Ses yeux se plissèrent à la question. A vrai dire, le plaisir de ces instants volés à la conscience résidait surtout dans une seule chose. La plus importante.

C’était l’époque de leurs beaux jours, ceux où Kanaw et Opale formaient un duo.

L’alcool était alors synonyme de jeux avec l’équipage, de plaisanteries salaces et de danses gaillardes. Puis tout avait changé et, si l’équipage et son ambiance avaient fui en même temps que la notion de duo, tout ce qui lui restait était la boisson, comme vestige d’une joie passée. Une autre époque.
Ses yeux brumeux se levèrent vers son second. Son ami, aussi. Elle aurait souhaité qu’il eut été là, lui aussi, à cette époque de sa vie où elle était presque heureuse. Presque belle, aussi. Elle aurait bien aimé le connaître avant, pour l’associer à ce bonheur, car elle savait qu’avoir la malchance de la connaître après que tout se soit écroulé était quelque chose qu’il ne méritait pas.

Sans savoir vraiment pourquoi, sans se demander s’il s’agissait d’affection ou d’un appel à l’aide… Sans savoir si elle avait choisi de le faire ou si ce n’était qu’un automatisme, sans même songer à démêler le pourquoi du comment, elle tendit le bras.

Ses doigts, réchauffés par la chaleur du décor, se posèrent sur la main droite de son second. Il ne s’agissait pas de séduction ou de jeu, ici. Ce n’était plus qu’une question de confiance et d’affection. Sa prise se resserra légèrement sur la main du jeune homme blond, et dans un souffle, elle murmura :


- Merci, mon Jo.


Dernière édition par Opale de Frey le Sam 27 Juin - 1:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeVen 24 Avr - 1:36

C’était quoi, déjà, la question ? Johan fronça les sourcils, affectant l’air le plus perplexe –et par conséquent le plus comique- qui pût exister au monde. Pourquoi lui parlait-elle d’oiseaux, soudainement ? Il était persuadé de l’avoir interrogée à plusieurs reprises, avec sujet-verbe-complément et tout le tralala, mais il était absolument incapable de se souvenir de ce qu’il avait demandé. Ses yeux, dont la teinte bleu-clair était rendue plus malicieuse encore par le début d’ivresse qui le gagnait, et la vague couleur rosée de ses joues, s’étaient perdus dans la contemplation du visage d’Opale. Et l’observation était assez fascinante pour que le jeune homme perde le fil de sa propre conversation…

Oui. Fascinant. Il n’y avait pas d’autre terme pour décrire les infimes changements qui glissaient sur les traits du visage de la jeune femme, comme autant de sentiments indéchiffrables. Il lui semblait qu’elle pouvait revêtir n’importe quelle expression sans jamais perdre cette sorte de beauté particulière, entre simplicité et complexité. Le moindre vacillement sur ses joues, le moindre petit mouvement de ses lèvres, le moindre tremblement dans ses yeux… Tout reflétait le plus délicieux et le plus intriguant des spectacles. A elle seule, Opale était une énigme. Une bien jolie énigme. Johan cligna des yeux, sans plus remarquer sa propre respiration hachée, ni le fait qu’il ne regardait même pas ce qu’il mettait dans sa bouche (sans commentaire XD). Ca ressemblait à du poisson, mais il s’en contrefichait. Il avait la gorge sèche. En somme, il avait soif. Ses yeux le piquaient presque, à force de regarder avec une telle acuité la moindre petite parcelle du visage de sa supérieure, jusqu’à en aimer les quelques défauts gracieux.

Elle souriait… et il pouvait presque sentir la malice jaillir dans ses jolis yeux gris, même s’il en ignorait la teneur. Peu importait. Il se sentait… béat. Oui, très précisément. S’il avait pu se contenter de rester assis là, stupide, à observer les mouvements du visage d’Opale, comme un livre ouvert, fragile et passionnant, il n’aurait pas hésité une seconde. Bien évidemment, le mensonge de la jeune femme lui passa littéralement sous le nez. Déjà, en toute possession de ses moyens, il n’était pas certain de discerner lorsqu’elle mentait… alors avec un peu d’alcool dans le sang, inutile d’espérer quoi que ce soit. Tout en continuant de se demander quelle fameuse question il avait pu poser, Johan choisit la réaction la plus neutre possible, et hocha maladroitement la tête, signe que la réponse lui suffisait amplement.

Inconsciemment, il se mit à battre la mesure de ladite chanson en balançant sa tête d’un côté puis de l’autre, alternant ses mouvements de regards en biais en direction de sa supérieure, comme un papillon de nuit revient irrémédiablement vers la flamme. Pour mieux se brûler les ailes. Tout à son examen de la couleur écumante des yeux de sa compagne de table, il ne remarqua nullement l’air perplexe qu’elle lui accorda, ce qui n’était sans doute pas plus mal. Une bulle de savon explosa dans son cerveau, provoquant un vague frisson qui traversa ses doigts, tandis qu’un rire nerveux chatouillait sa gorge.

Gorge qui réclamait toujours à boire. Johan abandonna un court instant sa contemplation rêveuse pour poser dans le fond de sa chope résolument vide un regard plein de regrets. Il avait soif. Et le goût sucré du vin se mêlait à une sensation qu’il n’avait pas connue mais qu’il s’inventait : les lèvres d’Opale étaient-elles si sucrées ? Un bref éclat de conscience le fit rougir de sa propre pensée, et il n’eut d’autre solution pour masquer sa brusque gêne, que de tendre une main vers le pichet de vin pour se resservir à nouveau. Dubitatif, il referma ses doigts sur la chope, bien décidé à ne pas se laisser vaincre une seconde fois par la couleur rouge tentatrice du liquide qui semblait lui faire des clins d’œil.

En désespoir de cause, il tenta un effort surhumain pour s’accrocher aux paroles d’Opale, développant des capacités intellectuelles hors du commun afin de déchiffrer ce qu’elle racontait. Elle lui répondait, sans doute… mais que diable avait-il bien pu raconter ? Il avait la bouche pâteuse et sentait ses joues le brûler agréablement. Le mélange diffus de sensations ne l’aidait nullement à stabiliser son attention. Il y parvint cependant, le temps de froncer les sourcils… Que disait-elle ? Etait-elle vraiment en train de lui promettre de lui raconter son enfance, dès qu’ils seront loin d’oreilles indiscrète ? Quelque part au fin fond de sa conscience intacte, la curiosité pure de Johan s’éveilla, et une étincelle traversa son regard.

Peut-être aurait-il une chance de mieux agir, de mieux réagir avec elle, s’il parvenait à comprendre davantage une si charmante énigme. Les réflexions intellectuelles de Johan furent noyées par la moue pleine de fossettes qui inonda par la suite le visage d’Opale. Inconsciemment, le jeune homme se surprit à répéter à peu de choses près la même expression, tout en essayant d’ordonner quelques mots pour former une phrase.


- Je… voudrais bien que tu me racontes, oui… Plus tard.

Bon, pas mal, c’était toujours un début. Au moins, cela voulait dire quelque chose, même s’il avait été obligé d’instaurer quelques pauses stratégiques pour être sûr d’arriver jusqu’au bout de sa phrase. Le jeune homme cligna plusieurs fois des yeux, ce qui n’eut pas vraiment l’effet escompté, puisque le sol tangua davantage. Tiens, c’était bizarre… C’était une auberge ou un bateau, ce truc ? Il y avait comme des vagues, sous ses pieds. Oh, et les murs aussi, bougeaient. Intéressant. Mais qu’est-ce qu’il avait soif ! Ce fut finalement Opale qui réussit à vaincre ses dernières résistances, en plongeant ses lèvres dans son propre nectar couleur de sang. Pour une raison qui lui échappa, Johan sentit comme un besoin d’autant plus pressant de boire à son tour ce qui plaisait tant à la jeune femme. Un geste, et la chope se retrouva collée à ses lèvres, tandis que le vin glissait le long de sa gorge, courant dans ses veines, et jusqu’au bout de ses doigts. Il y eut une nouvelle vague de chaleur dans tout son corps, et il poussa un vague soupir. Elle avait entièrement raison. C’était excellent. Et il se sentait bien. Plus que bien, même. Extatique. Ivre. Oui, probablement.

Cette conclusion n’arriva même pas à l’inquiéter. Ce n’était pas si grave, après tout… si ? Son pied, sous la table, se mit à battre la mesure, et il lui sembla même – ce qui était complètement stupide – que les battements de son cœur se calait sur la musique. A moins que ce ne fut pas vraiment son cœur, ce truc qu’il entendait battre. Il n’en savait rien. Il s’en moquait royalement. Johan s’humecta les lèvres, comme pour récupérer les vestiges du vin restés là, puis arqua un sourcil.

Quelqu’un venait de poser sa main sur la sienne. Avec l’expression la plus perplexe au monde, le jeune homme baissa lentement son regard jusqu’aux doigts tièdes qui recouvraient les siens. Il n’avait pas besoin de redresser la tête pour savoir à qui ils appartenaient. Son corps le lui indiqua en faisant louper un battement à son cœur, qui perdit le rythme. Il ne sut pour quelle raison ce geste le toucha si profondément… La salle arrêta subitement son manège. Les bulles, dans son cerveau et le long de ses veines cessèrent leurs chamailleries. Il retint sa respiration, et sentit ses yeux le piquer. C’était tout simple, comme geste… Il n’y avait pas de faux-semblant, pas de jeu, pas de sous-entendus. Juste cette main, sur la sienne, qui lui témoignait de l’affection.

Malgré les apparences, Johan n’était pas habitué à ce qu’on lui témoigne confiance et affection en un seul geste. Eleanora était bien trop distante. L’affection, pour elle, ne ressemblait pas à la conception qu’en avait le commun des mortels. Les seuls gestes tendres dont il avait le souvenir étaient ceux de sa sœur aînée… qui lui paraissait n’avoir jamais existé.
Rapidement, il analysa les quelques mots soufflés jusqu’à lui, accompagnant le geste… Il ne comprit pas. Mais ses doigts se refermèrent doucement autour de ceux d’Opale, comme s’il craignait qu’elle ne mette trop vite fin à ce lien, si infime fût-il. Lentement, il releva la tête et croisa son regard. Le sien était un peu embué, quoique brillant, mais n’en perdait rien de sa naïveté habituelle.

- De… quoi ?

Il ne savait pas exactement s’il tenait à une réponse ou non. Il inspira profondément, et fit ce qu’il n’aurait probablement jamais fait dans son état normal, mais qui lui sembla pour l’heure tout à fait adéquat. Tout en serrant doucement la main d’Opale dans la sienne, il la ramena jusqu’à sa propre joue, pour l’y déposer avec une sorte de délicatesse impressionnante. La peau du jeune homme, à cet endroit de son visage, était quasiment brûlante, et les doigts de sa supérieure lui parurent presque frais. Agréablement frais. Sans les deux verres de vins qui l’aidaient sensiblement, Johan aurait disparu sous terre. Là, ce fut plutôt l’inverse… Avec une facilité déconcertante, il ramena les doigts d’Opale jusqu’à sa bouche, le temps d’y déposer un bref baiser, avant de les relâcher, comme on laisse s’envoler un oiseau.

Johan entendit alors sa voix, plus rauque qu’à l’ordinaire, tenter d’articuler la pensée qui le traversait à l’instant :


- Tu sais… Tu es vraiment… Très jolie. C’est vrai, hein… Très jolie.

Le jeune homme ferma les yeux. Cesser de se ridiculiser n’aurait pas été une mauvaise idée, si seulement il avait eu conscience d’être stupide. Mais sa gorge le brûlait encore. Il avait soif, toujours. Et puis c’était vrai, qu’Opale était jolie, alors il avait le droit de le dire, d’abord. Et puis cette chanson aussi, elle était jolie. Cela lui donnait presque envie de danser, tiens. Danser ? Johan se cala un peu mieux dans sa chaise. Non…vu la façon dont le sol bougeait, dans cette fichue auberge, ce n’était probablement pas une bonne idée.

Dans un geste qu’il ne maîtrisa pas plus que le reste, il reprit sans prévenir les doigts d’Opale, comme s’il répugnait à les laisser s’éloigner, puis murmura péniblement :


- Chuis content que tu sois là.

Et il reporta vers le visage fascinant de sa supérieur un regard azuré où pétillait un début d’ivresse prononcée.
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MessageSujet: Re: Traquenard ?   Traquenard ? Icon_minitimeLun 6 Juil - 2:33

C’était étrange, songeait Opale. L’intérêt que Johan pouvait bien porter à sa personne était quelque chose qu’elle ne comprendrait sans doute jamais. Etait-ce de la curiosité pure, qui allumait cet éclat dans ses yeux lorsqu’elle lui promettait de raconter un peu plus en détail les méandres de son passé ? ’Un passé fantomatique qu’elle avait laissé filer … Quoi de plus ennuyeux, pour un garde comme Johan ? Pourtant il semblait y trouver quelque intrigue, presque même de la passion à cet égard. Passion qui se reflétait dans l’éclat de deux iris bleu clair déjà illuminés par un pétillant début d’ivresse.

Elle sauta sur l’occasion, aussi vive qu’un oiseau qui s’envole. Elle non plus, ne savait rien de son passé. Et s’il lui était abstrait que l’on puisse s’intéresser au sien, celui de son adjoint lui paraissait un mystère voilé, presque inaccessible… Derrière des boucles blondes et un sourire niais se cachait tout un monde, le sien. Un monde caché, attirant par son mystère. La jeune femme eût un sourire timide en observant son compagnon de table, l’imaginant un instant adolescent, puis jeune garçon, enfant enfin. Son esprit recréa l’image, et elle vit un minuscule garçonnet sourire, ses boucles blondes emmêlées lui retombant sur le front. Adorable, d’ailleurs.


- Je voudrais bien entendre ton histoire également.

Et puis elle posa la main sur la sienne, murmurant son remerciement. Le toucher de sa main la surprit presque, d’ailleurs. Oh, non pas qu’elle y ait mûrement réfléchi, mais elle s’était toujours mis dans le crâne qu’un soldat se devait d’avoir des mains abîmées, coupées, calleuses… Ravagées par des combats ou des travaux trop rudes pour la peau, fragile, d’une paume. D’où sa surprise : la main de son adjoint était… Douce… Et tiède. Elle l’avait senti lorsqu’il l’avait guidé, mais n’y avait alors prêté aucune attention. Maintenant que ce geste était ouvertement un moment intime d’affection mutuelle, ce détail lui apparaissait clairement.

La capitaine des gardes sentit les doigts de son second se refermer doucement, comme s’il agrippait un bibelot précieux, sur les siens. Il y avait quelque chose qui la troublait, dans ce geste. Enfin, troubler… Elle savait exactement ce qui se passait : eût-ce été n’importe qui d’autre que Johan Grey, même Kan’, qu’elle aurait ressenti ce geste comme un emprisonnement. Une cage. Si, dans le cas du Roi, la cage se faisait agréable, addictive, même, elle n’en restait pas moins une prison. Alors que là… Elle ne sentait rien d’autre que le lien qu’un homme paisible et rassurant tissait avec elle par ces doigts. Rien d’autre qu’une agréable chaleur le long desdits doigts. Et cela la déconcertait au plus haut point.

Elle s’en voulut, même. Son cœur et sa fierté se battirent un instant, créant des sensations peu agréables dans son ventre. Comment pouvait-elle penser ça ? Elle aimait Kanaw ! L’aimerait toujours… Qu’était-ce donc que cette histoire de prisons dorées ? Rien que la main de Kanaw sur la sienne comme celle de son lieutenant à l’instant présent, ça aurait été… Différent. La jeune femme ne parvint pas à trouver d’autre mot, plus dépréciateur pour l’agréable entrelacement de ses doigts à ceux de son lieutenant. De Johan, corrigea même son cœur, signifiant ainsi qu’il commençait de façon significative à devenir, outre son rôle, une personne à part entière dans la flopée confuse des sentiments de l’opale.

Le blond ramena doucement la main de la brune vers son visage. La brunette en question ne cherchant pas à comprendre, laissant faire comme on laisse une marée foncer le sable, comme quelqu’un qui sait que combattre est inutile. Et en l’occurrence, la jeune soldate était trop fatiguée par les évènements, trop enfoncée dans cette agréable sensation d’intimité calme et délicate pour vouloir en briser le cours.
Et puis, tout comme ses mains, tout comme le caractère du soldat Grey avec elle, sa peau était Douce. Douce, et pourtant brûlante. Du moins c’est l’impression qu’elle en retint : une peau douce – douceur à peine perturbée par les fines cicatrices qu’elle sentait perler gentiment sous ses doigts – et, pourtant, de flammes. Sa propre main lui en parut presque glacée, en comparaison, et l’idée la traversa que son contact devait être désagréable à Johan… Mais non. Il avait l’air, au contraire … Heureux. Ivre et béat. Comme une aura de folie douce et de joie calme qui émanait de sa personne. Le pouce de la jeune femme, indépendant de sa volonté, glissa une caresse gracieuse sur les cernes discrets auréolant des yeux de ciel.

L’alcool n’aidait pas sa résistance, elle devait l’avouer. Elle en était consciente : il avait miraculeusement guéri Johan de sa timidité, et vainquait, quoique plus laborieusement, ses réticences devant tant d’affection. Il fallait dire qu’elle avait bu moins, aussi… Johan déposa un baiser sur sa main, et elle fut aussitôt certaine de trois choses : d’abord, il était complètement ivre ; ensuite, elle devait l’être aussi dans une certaine mesure ; et enfin il fallait absolument qu’elle boive encore pour arrêter de se prendre la tête.

Cul sec.

Jolie ? Elle était Jolie ? Bon, d’accord, il était ivre, mais quand même, ça valait une autre chope, ça.

Cul sec.

Là, elle se sentait mieux. Cotonneuse, bien sûr, mais bien mieux. Une douce ivresse, brouillant les derniers sens de déprime ou de réflexion trop poussée qui menait de toute façon à la déprime, s’était emparée d’elle. Elle sentit Johan s’emparer de nouveau de sa main, lui adressa un sourire un peu maladroit, et rosit à sa remarque.


- T’sais quoi, chuis con… Con quoi… Contente aussi.


Opale n’avait pas le même organisme que Johan, aussi l’ivresse pure arrivait-elle bien plus vite. Là où Johan possédait encore la faculté de réflexion et celle de taire quelques pensées, Opale, elle, en était déjà au stade où on réfléchit tout haut à tout ce qui vous passe par la tête.

- Et pis, et pis j’aime bien tes cicatrices sur le visageee. C’est kro bieeen. C’est zouli. Silence. Tu, tu penses quoi de moi en tant que femme, diiiis ? Nouveau cul sec. Enfin, si tu as compris que j’en étais une, hi hi hi hi. Mais … Mais… Chais plus ce que je voulais diiiiiiiiiiiiire…. Elle eût une moue désolée, comme si la phrase qu’elle venait d’oublier était si géniale que la perdre tenait du crime.

Opale, pas très droite, se leva avec l’agilité d’un éléphant, trébuchant à moitié sur la table jusqu’à venir se pendre au cou de son pauvre lieutenant.


- Dis, tu diras pas ça aux gardes, hein ? Ah, un sursaut de conscience. Pasque, pasque, pasqu’ils se moqueraient de moiiii….

C’est étrange comme les émotions imbibées de vin sont malléables. Rire, puis pleurer, puis rire… Et dans le cas présent, pleurer comme une gamine sur l’épaule de son adjoint parce qu’être ivre, c’est se montrer indigne de diriger des gardes.
Un autre sursaut de conscience revint, plus diffus, sous la formes d’un murmure que la bourrée de service souffla sur le cou de son adjoint :


- Et puis même si on a tout gâché à l’alcool, c’est notre moment à nous, hein…

Sa tête pencha dangereusement, et, fatiguée, elle la reposa sur l’épaule de Johan. Ses yeux se fermaient à moitié sous le coup de la fatigue, lui donnant une apparence entre fille paumée et gamine en train de s’endormir paisiblement, installée sur un beau blond….

- Jo….

Un nom, qui, dans la bouche d'une Opale aussi ivre, voulait dire "Sauve-moi".
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