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 Eleanora Llyr-Montgomery

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Eleanora Llyr-Montgomery
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Eleanora Llyr-Montgomery


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MessageSujet: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 16:22

Nom : Llyr-Montgomery, anciennement Montgomery.

Prénom : Eleanora

Surnom : El (ou « Elle » ). Il n’y a que Kanaw pour avoir le droit de l’appeler « Nora ».

Age : 30 ans

Camp : Civil

Métier : Reine

Description physique :

L’eau émit un petit clapotis réconfortant lorsque ses doigts rencontrèrent sa surface plate. Eleanora poussa un profond soupir. Seule. Ses mains plongèrent plus avant dans l’onde fraîche emprisonnée dans une bassine argentée… Elles se rejoignirent pour former une coupe, et capturèrent doucement quelques gouttes d’eau, qui vinrent glisser sur les joues de la jeune femme tandis qu’elle rabattait ses doigts devant son visage. La fraîcheur du liquide ondulant le long de ses tempes lui fit un bien qu’elle n’avait pas imaginé. Lentement, elle rouvrit ses grands yeux sans pitié, pour les baisser vers les mouvances aléatoires de l’eau claire. Une ou deux gouttes s’étaient laissées attraper dans ses longs cils incroyablement noirs, brillant comme quelque diamant égaré, désespérément accroché… dans l’attente de la chute inexorable. Elle battit des paupières… les cristaux disparurent, remplacés par deux autres, ceux, plus tranchants et plus limpides encore, de ses iris au bleu douloureux.

Eleanora baissa lentement les yeux vers l’eau, croisant son propre regard par à-coup, au milieu des derniers remous qu’elle avait provoqués. Les iris d’un bleu pâle, aussi coupants et froids qu’ils pouvaient être enflammés et brillants, toisèrent un instant leurs jumeaux qui naissaient peu à peu au cœur des reflets de l’onde. L’intensité de son regard donnait presque l’impression que l’image elle-même s’apprêtait à vaciller. Mais la glace finit par se détourner lentement, et la Reine entreprit de caresser de ses yeux minutieux chaque courbe de son visage qui venait de se stabiliser, régnant sur une surface à nouveau plane et comme… endormie. Elle ne se rappelait plus la dernière fois qu’elle s’était seulement permise de s’observer ainsi… C’était comme de faire face à une étrangère. Une souveraine d’un pays qui n’était pas le sien… Car la femme dont elle avait soutenu le regard avait ce maintient caractéristique. Ce menton discret, fin et élégant. Ces joues légèrement creuses, quoique d’une courbure qui laissait entre apercevoir des pommettes soulignant avec une sorte de malice ironique les yeux magnifiquement cruels d’Eleanora. Oui… un port de Reine. Voilà tout ce qu’elle avait hérité de cette famille qu’elle n’avait jamais vraiment eue.

Mais il y avait quelque chose de différent sur son visage… Comme un flou constant. Peut-être était-ce l’effet de l’eau qui reflétait son image… Mais il se dégageait de ses traits une sensation de trouble, d’agitation… Comme pour trancher avec les traits fins et calculés de la lignée royale, un tracé brouillon et tremblant s’immisçait le long de ses joues, brisant la perfection froide d’un visage de Princesse, pour le remplacer par une liberté sauvage au teint hâlé. Belle… L’était-elle vraiment ? C’était une notion bien délicate sur une physionomie aussi contradictoire que la sienne. La froideur de marbre de ses yeux fascinait ou effrayait, ses lèvres fines à l’expression neutre attiraient par la notion d’interdit qui planait au-dessus d’elles… Attiraient… ou repoussaient. Peu importait… La seule chose certaine, c’était que ce visage-là ne cherchait ni à plaire, ni à paraître ce qu’il n’était pas. Il se contentait d’ériger des murailles, indéfiniment…

Et puis il y avait ses cheveux… Eleanora ne les apercevait que vaguement dans l’onde, encadrant ses joues d’une courbure d’ombre, et protégeant son front, tout en retombant lourdement le long de ses épaules nues. C’était comme si elle avait capturé toute la lumière dans ses yeux, et qu’il ne restait plus que les ténèbres pour entourer son visage et glisser le long de son dos. Ces ténèbres-là couraient paresseusement sur la peau de la jeune femme, comme un torrent d’obscurité enivrante, jusqu’à effleurer ses hanches. Si ses cheveux n’étaient pas particulièrement bouclés, ils ondulaient assez pour éviter l’immobilité, eau noire en perpétuel mouvement. L’aristocratie voulait qu’une jeune femme de haute lignée arbore une chevelure longue et soigneuse… A cela, Eleanora ne faisait pas défaut. Mais là où la chevelure des jeunes filles bien élevée devait être recouverte d’un couvre-chef quelconque, ou attachée le plus convenablement possible, celle de la Reine volait librement derrière elle, sans jamais admettre nul obstacle, comme un défi lancé à l’outrance.

La Reine se détourna de son propre reflet. Elle était entièrement nue, laissant sans honte la lumière de l’aube, par la fenêtre, caresser ses hanches prometteuses, quoique dépourvues désormais de la perfection qu’elles arboraient quelques années plus tôt. Sa silhouette avait beau être fine et élancée, il y avait des marques qu’on ne pouvait effacer… La naissance de trois enfants en faisait partie. Quelques traits, plus clairs que son grain de peau, au niveau de ses hanches, trahissaient sa maternité. Elle se pencha pour saisir la robe rouge sang étalée sur son lit, et ses cheveux sombres suivirent son mouvement, dévoilant ce qu’ils masquaient jalousement jusqu’alors. Le long de son dos, certaines partant même du creux de sa nuque ou de son épaule, des marques blanches, profondes entailles cicatrisées, étalaient leur violence d’autrefois avec audace. Elles épousaient si bien les mouvements de la colonne vertébrale et des omoplates de la jeune femme, qu’on aurait pu croire qu’elles avaient toujours été là… Elles faisaient partie d’elle, au même titre que ses yeux glaciaux et ses cheveux obscurs.

D’un geste sûr, Eleanora enfila sa robe dont le tissu en soie émit un doux froissement, avant de retomber jusqu’à ses pieds. La couleur du vêtement soulignait agréablement sa taille avantageuse, et le décolleté terriblement sobre laissait un large choix à l’imagination, couvrant une poitrine aux formes engageantes. Mais l’interdit semblait planer plus encore autour de ce corps satiné de rouge. Finis les costumes d’hommes, finis les vêtements de boucaniers, les chemises amples et les bottes larges… Tout cela n’avait plus lieu d’être. Pas plus, peut-être, que les robes richement brodées qu’elle se devait de porter chaque jour. Eleanora remonta légèrement sa parure pour éviter de la piétiner, secoua ses faibles boucles noires autour de ses joues, et sortit de la pièce. La porte claqua d’un coup sec, brusque retour à la réalité.


[la suite est en route^^]


Dernière édition par Eleanora Llyr-Montgomery le Lun 8 Sep - 21:40, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 16:24

Caractère :

Il faut penser à la mer… La mer, cette sorte de gigantesque et magnifique flaque aux reflets d’écume et de ciel bleuté. La mer, l’infini, l’inaccessible… Cette chose qu’on cherche à dominer sans jamais y parvenir. Celle qui peut nous offrir les plus fabuleux des trésors… comme les pires cauchemars naissant dans ses entrailles. La mer… C’est comme le paradoxe qui anime la Reine de glace.
De glace, oui… Il y a d’abord un océan de sérénité. Tout est limpide, paisible. Le calme plat. Terriblement plat. La mer étend sur le monde une surface sans relief, terrible par son immobilité. Comme un immense miroir glacé, définitivement figé… Voilà cette froideur qui habite Eleanora, comme le masque à la fois opaque et transparent d’un océan de doutes. L’onde est si profonde qu’elle ne laisse rien filtrer à travers ses abîmes insondables, pas plus que la Reine ne permet à quiconque de franchir ses barrières. Seul un rai de lumière téméraire fait scintiller la surface plane de l’eau. Un chemin jusqu’à son âme… Eleanora est une paroi liquide que l’on voudrait franchir à tout prix, sans jamais oser seulement essayer. Peut-être au fond n’est-ce pas plus compliqué que de tendre la main et de plonger ses doigts dans l’eau, comme on glisse dans un rêve aérien. Mais ce geste inconscient relève du danger le plus imprévisible.

Car il brise l’immobilité, faisant naître au milieu du calme plat d’infimes mouvements, genèses de plus grands. Il y a des murailles, chez la jeune femme, qu’il ne faut pas oser franchir… Pourtant n’y aurait-il pas, à travers le chemin périlleux qui mène jusqu’à son cœur, les mêmes trésors cachés des abîmes de la mer ? Peut-être bien… La lueur dans ses yeux le laisse croire… Les sourires neutres et indifférents ne sont que des preuves de plus des secrets qu’elle garde. Elle parle si peu que le silence qui l’entoure ressemble à celui qui règne sur les fonds marins… Un silence presque pesant. Fascinant. Et lorsqu’elle parle, ce n’est que pour mieux briser le navire imprudent qui agite inconsciemment sa surface paisible. Une voix simple, aux nuances d’indifférence et de nonchalance effrayante. Non, pas toujours…Il y a parfois une sorte d’infinie douceur, comme le clapotis rassurant des vagues atteignant les rochers. La mer choisit ceux qu’elle chérit…
Le chemin jusqu’aux trésors enfouis ne s’ouvre qu’à quelques privilégiés, parfois sans même qu’ils ne s’en aperçoivent… Ainsi Kanaw Llyr-Montgomery ignore qu’il possède déjà le cœur de sa Princesse impassible à la cruelle indifférence. La mer ignore souvent son amant, pour mieux l’attirer dans ses bras… ou mieux s’aveugler elle-même, au milieu de ses remous d’écume. Elle nie encore ce qu’elle n’ose appeler l’amour, sans se trahir elle-même. La mer peut-elle aimer ? Eleanora n’en est pas consciente… Elle ne veut pas l’être. Car il suffirait d’une simple pensée pour faire basculer toutes ses certitudes vers un flot de confusion. La confusion… attisée par le sentiment si fort qui la lie à ses enfants.

C’est eux qui l’ont transformée… Du calme plat, limpide et inhumain, la mer bouillonne peu à peu de questions et d’angoisse. Naissance de la tempête… L’eau s’agite, les vagues s’animent doucement dans une âme tourmentée qui s’était forgé la plus belle des défenses : la négation. A présent, tout n’est plus que confusion. Prémices de la tempête, les tourbillons murmurent timidement leurs interrogations. Personne ne pourrait le remarquer. A l’extérieur, il y a le masque inébranlable de la tranquillité. Mais l’océan s’agite de plus en plus souvent dans les yeux de l’ancienne Princesse intouchable. Les doutes, le vacillement du monde qu’elle s’était construit pour se protéger… Enfant, elle avait été privée d’amour. Elle s’était alors forgé un univers dénué de ce sentiment inutile qu’on ne lui avait pas donné. Il n’était qu’une excuse aux faiblesses des hommes…
Les vagues grossissent encore lentement. Les barrières s’effondrent peu à peu. Le simple doute laisse place à l’incertitude d’une eau trouble. Et si… elle s’était trompée ? Si ce qu’elle protégeait jalousement jusqu’ici, c’était… le désir ardent d’aimer, elle aussi ? Cette pensée l’effraie… Ce qui la lie à ses enfants plus encore. Le récif brise les vagues avant qu’elles ne naissent. Nora n’imagine pas d’autre mot que celui-ci… Elle les aime, ses enfants. De toute son âme. Est-ce une faiblesse ? Non… Elle se sent si forte lorsqu’ils sont là. Ce ne peut-être une erreur. L’eau bouillonne d’écume et de confusion… Elle ne sait plus. Pas plus qu’elle ne comprend ce qui la pousse à tendre les bras vers celui qu’elle a épousé avec le désir de posséder l’océan lui-même. L’océan, le seul qui lui ressemble sans qu’elle s’en doute, et qu’elle accepte d’aimer. Sa fascination pour la mer n’est pas un mystère… Celle, inconcevable et impossible, pour Kan’, en est un si inacceptable que les abîmes grondent de plus belle.

Il y a le calme d’un océan sans vague, puis la confusion d’une eau trouble… et la naissance de la tempête. Eleanora sait peut-être maîtriser chacun de ses gestes et de ses réactions… Mais il y a des rages qui ne s’apaisent qu’une fois la tempête achevée. On aperçoit alors quelque chose de terrible, dans ses yeux de glace. Ce ne sont plus des vagues, mais des lames de fond, tranchantes, violentes, cruelles. Une colère froide… Mais la pire de toutes. Perdu en plein océan, aucune chance de survie. Eleanora sera sans pitié envers ce ou celui qui aura attisé sa haine. Déterminée, sans pardon… Les vagues secouent violemment les navires imprudents. Jamais elle ne laissera quelqu’un accomplir ce qu’elle sait vouloir faire seule. La mer est si vaste… elle n’a besoin de personne. Sur son dos arrondi qui se courbe de fureur, il n’y a plus qu’un seul recours… prier. Faire naître la colère de la Reine peut être d’une simplicité enfantin… Etrange, qu’une immobilité si parfaite puisse se montrer si susceptible. Intransigeante. Aucun droit à l’erreur. Pour elle-même, moins encore que pour tous les autres.
Et puis… La mer, devenue mère, attise sa colère en un devoir protecteur et maternel. Personne ne touchera ses enfants sous peine de sombrer dans l’immédiat. Les écueils sont traîtres… La tempête imprévisible. Eleanora n’est pas de celles que l’on domine, et pourtant, on peut la toucher. Ses enfants ont un pouvoir inconscient sur elle, qu’elle ne prend même pas la peine de repousser. Celui de Kan’ est plus subtile, plus confus… et soumis à une révolte muette et douloureuse. Douloureuse comme… surprenante.

La tempête touche à sa fin. Le calme revient dans un soupir charmant… Langoureuse, la mer étend ses bras d’écume sur le sable tiède de la plage. S’il n’y a pas l’amour, il y a la passion dans la vie d’Eleanora. La passion confuse de la luxure, mais la seule qui lui fasse oublier ce qu’elle est. Voluptueuse, elle se laisse aller aux étreintes brûlantes de son époux qui rythment ses propres envies. Quelques souvenirs de la tempête demeurent encore, vestiges de violence, et la passion devient aussi brutale qu’enflammée. Les échanges des époux allient douceur et cruauté, comme un affreux besoin de lutter contre ce qui se passe entre eux. La mer n’a besoin de personne… Nora, elle, comprend dans ces moments de perdition délicieuse, que ce n’est pas son cas. Elle a cherché le trône… La domination des flots… L’achèvement d’un rêve. Et pourtant, alors que dans quelques baisers brûlants, l’étreinte s’achève, un vide s’installe dans son cœur. Le calme glacial reprend timidement sa place. La surface plane règne à nouveau… Mais l’ombre qu’elle cache n’est que plus douloureuse. Eleanora n’est pas heureuse…

Il lui manque quelque chose. Qu’est-ce exactement ? Est-ce cela qu’elle a brutalement cherché au creux des bras de Kan’ ? Ou bien… est-ce ce qu’elle voudrait trouver chez les autres ? Sinon… pourquoi accorderait-elle autant de sourires à celle qui devrai être son ennemie ? Opale… Cette jeune femme lui paraît à la fois si étrange, et si proche d’elle, qu’elle éprouve le sentiment déstabilisant de lui devoir quelque chose. Une sorte de… culpabilité, peut-être. Quelque chose qui s’apparenterait à de la compassion ? Ou plus encore, un besoin de comprendre… Nul ne le sait réellement. La seule vérité qui soit irréfutable c’est l’absence dans la vie de Nora, de toute forme d’amitié avec une autre femme. Mais chercher l’amitié de celle à qui on a tout pris… ne ressemble pas à l’Eleanora sans pitié que chacun peut voir. Et puis… cette amitié n’est pas si vide que cela. Si ce n’est avec l’ancienne seconde de Kan’, du moins, avec son propre second, Eleanora a tissé des liens d’une étonnante étroitesse. Sincérité ? Difficile à dire, l’eau est si trouble… N’accorder sa confiance à personne, hormis lorsqu’elle n’a pas le choix. Une règle qu’elle semble briser avec Johan… Qui est-il exactement ? Pourquoi la mer des yeux de la Reine n’arbore pas la même teinte en sa présence ? Comment parcourir l’océan tout entier et le comprendre ?

Comme la mer ne se pare jamais deux fois de la même couleur, Nora est aussi changeante et indécise. Troublante, lointaine… Et le calme revenu, il reste encore des embruns salés, délicieux et taquins, qui fouettent le visage et invitent à la témérité, capturant l’esprit du marin pour la garder prisonnier.


Ambition : Après avoir obtenu tout ce qu’elle pensait vouloir le plus au monde, Eleanora est dénuée de toute ambition. Il reste un vide, au fond de son cœur, qu’elle ne parvient pas à combler… parce qu’elle ne le comprend pas.

Technique de combat : Eleanora n’a appris que très tard à se battre au sabre, avec les membres de son équipage secret. Bien qu’elle assimile l’art du duel avec une facilité déconcertante, elle est encore loin d’être la plus fine lame qui soit. En revanche, personne ne peut égaler la manière dont elle sait se servir d’un poignard. Elle n’utilise que très peu les armes à feu, pour une raison évidente : son problème de vue ne lui permet pas une précision suffisante. Et aucun de ses adversaires ne doit jamais découvrir ce point faible.

Magie : Niveau 2 : Ce que l’on peut appeler magie, chez elle, c’est son odorat surdéveloppé… Grâce aux sens aiguisés de son totem, un renard, elle parvient à compenser avec une certaine agilité les défauts provoqués par sa vue déficiente. Son nez est tel, que c’est grâce aux odeurs, et non plus aux images, qu’elle se déplace, bouge et se bat.

De plus, son odorat plus développé lui permet, grâce aux nuances et aux changements d'odeurs qui enveloppent une personne, de déceler dans les grandes lignes les sentiments des gens, dans une moindre mesure. Elle n'a ainsi pas un véritable pouvoir d'empathie, mais sait reconnaître cependant la peur ou l'inquiétude, le soulagement ou la joie... Quand elle veut bien y faire attention, et s'y concentrer assez pour cela.


Niveau 4 : Son sens de l'odorat, déjà censé être un peu plus développé que la moyenne, est accentué, de sorte qu'elle peut discerner avec un peu plus de clarté les mouvements des gens autour d'elle, pas encore au point de se passer de la vue, mais d'une manière qui peut davantage compenser ce manque.
Evidemment, elle a toujours le désavantage de ne pouvoir ni choisir, ni bloquer cette particularité, de sorte que les odeurs trop fortes peuvent encore brouiller tout le reste, voir la mettre à mal s'il s'agit d'odeurs particulièrement désagréables. Cependant, avec cette accentuation de l'odorat, elle est désormais davantage capable de reconnaître les odeurs infimes des personnes qu'elle rencontre le plus souvent, et dont elle est plus ou moins habituée...

Puis, ce qu'il découle de ce développement du sens olfactif est surtout un développement de l'amorce toute simple du don "d'empathie". Puisqu'elle peut mieux saisir les changements et nuances d'odeurs chez une personne, elle peut aussi percevoir un peu plus en détail ce qu'il ressent, et pas seulement les grandes lignes des impressions les plus évidentes.
Cependant, cette empathie est fortement restreinte : elle ne fonctionne pas lorsqu'il y a foule, mais seulement quand elle se trouve seule avec une personne. De plus, si une odeur trop forte domine, elle n'y arrive pas tout à fait.
Enfin, son don d'empathie l'amène également à une certaine confusion, et elle a parfois l'impression que c'est elle qui ressent plutôt que l'autre, ce qui réduit considérablement sa faculté d'analyse à ce sujet.


Niveau 7 : Si Eleanora n'a pas acquis de développement fort évident de son pouvoir, ou d'une quelconque extension de celui-ci, ces huit années lui ont avant tout permis d'acquérir une maîtrise plus nette de ce qu'elle perçoit autour d'elle. A un tel niveau de Magie, elle est désormais capable de se passer presque totalement de sa vue pour distinguer les personnes qui sont autour d'elle, et les reconnaître rien qu'à l'aide de leur odeur. Pas jusqu'à se battre en fermant les yeux, bien entendu...
Cependant, avec le développement aigu de son odorat vient aussi son désavantage, qu'elle n'arrive toujours pas à gérer : à savoir, les odeurs trop fortes l'incommodent et lui font venir un mal de tête. En revanche, ces odeurs ne suffisent plus à masquer celles qu'auparavant elle n'était pas forcée de déceler.
En conséquence, son empathie s'est développée sensiblement elle aussi, avec son défaut : Eleanora saisit mieux que personne les sentiments qui agitent celui ou celle qui lui fait face, mais est bien incapable de s'empêcher de ressentir la même chose. Dans un foule, son don est moindre, mais perçoit à présent les mouvements dominants des humeurs des gens. Pratique pour déceler un quelconque danger imminent, par exemple...


[Et l'Histoire pour finir... mais je m'accorde le temps de la relire une fois, c'est plus prudent niveau fautes XD]


Dernière édition par Eleanora Montgomery le Dim 7 Sep - 20:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 16:57

Histoire :

L’enfance d’Eleanora se résume à… une déception. La sienne, celle de son père, celle de sa famille… et de tant d’autres encore. Il y a tellement d’avantages à descendre d’une si haute lignée… et tant de cruauté, également. Elle n’aurait jamais dû naître. Voilà ce que la petite fille aux yeux clairs lisait chaque jour dans le regard de son père. Et après tout, peut-être avait-il raison ? Il parvenait même à lui en faire douter… Son existence ne se résumait à rien d’autre que quelques sourires ravissants qui cherchaient un regard qu’ils ne trouvaient jamais. Transparente. Invisible… Comme si, au fond, elle n’avait jamais véritablement existé. Pourquoi ? Petite fille, Eleanora ne l’avait jamais su. Jamais compris… Tant d’indifférence pouvait être justifiée d’une quelconque manière ? Qu’avait-elle fait ? Quelle erreur avait-elle commise pour mériter qu’on la prive d’une attention légitime ?… La déception… Voilà toute la réponse à ses interrogations. Son père attendait d’elle ce qu’elle ne serait pas, malgré tous ses efforts naïfs pour le contenter. L’explication était purement politique… Mais irrémédiablement ancrée dans l’esprit du Roi.
La Reine avait donné naissance, quelques années plus tôt, à une jeune fille belle et gracieuse, douce et pleine de talent, qui faisait la fierté de ses parents par ses manières et son dévouement purement hypocrite. Poppy Montgomery. Une vraie petite courtisane, Princesse blonde des faux semblants et des perfidies. Mais elle était la seule, aux yeux de son père, à mériter qu’on la regarde. Elle avait un aplomb dont la petite Eleanora semblait privée, et des atouts si majestueux qu’elle ne pouvait qu’être digne des magnificences qui l’entouraient. Et cependant… Malgré le ravissement qu’il éprouvait à l’égard de son premier enfant, le Roi espérait profondément que sa femme mette au monde un héritier mâle, qui puisse assurer la descendance de la dynastie des Montgomery. Ce fut pour cette raison calculatrice qu’il plaça dans la seconde grossesse de sa femme des espoirs trop forts pour ne pas subir la pire des désillusions… Une seconde fille. Inutile. Sans intérêt. Un enfant qui n’était pas le sien. Un enfant qui aurait dû être un garçon. Ce fut dès le moment où le Roi entendit le cri du nouveau né, et la nouvelle qu’une deuxième fille venait de naître, que l’existence d’Eleanora, comme une aube que l’on brise, s’effaça de la vie de son père.

Mais si cette absence manqua à l’enfant, elle était née d’un tel caractère que jamais on ne la surprit à s’en plaindre ou à le regretter. Comment pouvait-elle regretter quelque chose qu’elle n’avait pas connu ? Quelque chose qui, pour elle, n’existait pas vraiment ? Elle n’eut pas un regard de son père, et si elle chercha à en obtenir, ce ne fut que poussée par un instinct qui lui soufflait que quelque chose lui manquait… Toujours. Toujours il y eut un vide, qu’elle s’évertuait à combler sans jamais y parvenir. Sa mère, douce et clémente, était bien trop fragile… Trop lâche, peut-être. La petite fille voyait une distance s’agrandir peu à peu entre elle et celle qui l’avait mise au monde. Les bras maternels ne furent plus qu’un lointain souvenir, comme le reflet du rejet de son père. Etait-ce de la peur ? La Reine s’en voulait-elle également de ne pas avoir été capable d’offrir un héritier à son époux ? La petite Eleanora n’était pas en mesure de saisir les subtilités du pouvoir… Elle ne faisait que constater ce qu’il se passait sous son nez. Pour son père, elle était morte à la naissance. Sa sœur la méprisait purement et simplement, sans même prendre la peine de jouer une comédie qu’elle appréciait pourtant particulièrement. Et sa mère s’arrachait à ses bras, par crainte de… de quelque chose qu’elle ne saisissait pas.

L’esprit de la fillette crut d’abord un instant qu’elle avait fait quelque chose de mal. De très grave. Ouvrir les yeux sur le monde était-il un crime si abominable ? Non… Cette interrogation fut aussitôt chassée par un sentiment incontrôlable de plénitude. Car si Eleanora ignorait ce que l’amour de sa famille signifiait, elle ressentait en chaque fibre de son corps une attraction incontrôlable, un désir proche de la fascination pour l’océan qui l’avait vue naître sur son immensité. Née prématurément, elle avait provoqué un début de panique sur le navire royal de son père, qui emmenait les souverains jusqu’à leur forteresse dorée, suite à un voyage diplomatique auquel la Reine avait absolument tenu à assister. Grossière erreur. Ballottée par le dos rond des vagues indomptables, la femme enceinte sentit l’enfant en elle se préparer à quitter son cocon rassurant, comme attirée par une force inconnue. La Reine accoucha alors de sa fille avec trois mois d’avance, et ce fut sur les flots qu’Eleanora ouvrit son regard tout neuf pour la première fois. La beauté et la grandeur de la mer la frappa au cœur, même si ce tout premier souvenir s’évapora aussitôt de sa mémoire.
Sa naissance inopinée et prématurée lui infligea cependant une infirmité qui ne fit qu’accentuer le mépris de sa sœur et la désillusion de son père. Ses yeux… Ses yeux si clairs, si vifs et si tranchants… ne voyaient rien de semblable à ce que tous les autres contemplaient. Tout n’était que flou incessant, silhouettes indistinctes et lumière trouble. Oh, elle n’était pas aveugle… Pas véritablement. Mais l’un de ses yeux ne voyait quasiment plus rien, quand l’autre ne rattrapait le premier qu’avec des difficultés qui lui donnaient mal à la tête. Ainsi, Eleanora observait un monde en perpétuel mouvement, comme des vagues incessantes, même lorsque la mer était absente de son champ de vision. Cette mer, elle la contemplait de ses yeux troubles, comme un tourbillon fascinant.

Le fait que l’un de ses deux yeux voyait nettement moins bien que le second la privait également d’une notion de distance pourtant vitale. Ainsi, son enfance fut secouée par ses nombreuses chutes et déséquilibres, liés à ce manque d’évaluation de la distance qui la suivrait toute sa vie. Mais encore une fois, Eleanora n’était pas faite pour se plaindre. Jamais elle n’émit la moindre protestation à ce que la nature lui avait donnée… Au contraire. Elle s’en accommodait avec une aisance qui laissait presque penser que son problème ne la touchait nullement. Ses yeux, qui pourtant ne descellaient rien de particulier, fixaient les gens avec un tranchant tout particulier, qui mettait infiniment mal à l’aise. Peut-être pour mieux cacher cet incroyable défaut qu’elle détestait… Elle n’aimait pas montrer ses failles. Et celle-ci était telle, qu’il s’agissait d’un véritable défi, chaque jour, pour masquer cette impuissance qu’elle haïssait.

______________________________


La petite fille cessa bien vite ses courbettes… Elle avait cru, dans les premières années d’une enfance transparente, que plaire à son père était la solution à ce vide qui la tenaillait, insipide. Elle s’était efforcée, avec une froide et calme dévotion, à sourire poliment, à saluer sagement et à se plier à toutes les requêtes que son rang de Princesse nécessitait qu’elle suive à la lettre. Les mœurs de la Cour n’eurent bientôt plus de secrets pour elle, tout comme les tortueux complots et hypocrisies qui paraient les visages courtois des nobles évoluant autour d’elle. Petite fille silencieuse aux desseins troubles, elle s’était appliquée à faire tout ce qu’on lui ordonnait de faire, lorsque l’on prenait la peine de remarquer qu’elle était bien ici. Elle reçut, malgré l’indifférence de son père, l’éducation due à une fille de Roi. La même que sa sœur… Elle apprit à jouer du piano, à chanter, à lire, à écrire, à danser… Et elle détesta cela.
La fougue que l’océan avait fait naître en elle s’anima peu à peu, et lui fit réaliser brusquement, comme un voile qui se lève, que tous ses efforts étaient vains. Elle perdait un temps précieux. Un temps qu’elle aurait pu consacrer à son véritable rêve, plutôt qu’à chercher de gagner l’attention de personnes qui lui étaient en réalité inconnues. Elle n’avait obtenu nul remerciement. Nul compliment. Et cela lui était égal… Elle comprit alors ce qu’elle voulait réellement. La mer… La mer toute entière. Sans limite… La mer, qui la porterait sur son dos avec une chaleur qu’on lui avait refusée jusque là. Elle sentait déjà les embruns caresser son visage, et résolut de le posséder un jour… cet océan qui l’avait vue naître.
Ce fut lorsque cet étrange désir commença à voir le jour dans son regard, que son don, lié à un Totem doux et innocent qu’elle rencontrait parfois dans ses rêves… lui offrit une issue au défaut de ses yeux. Eleanora développa peu à peu un odorat nettement plus accentué que le commun des mortels. Trop jeune pour parvenir à le maîtriser, elle distingua progressivement les odeurs dans toute leur spécificité, de sorte qu’au final, ce ne fut plus avec ses yeux de glace, mais avec son nez, qu’elle regardait le monde. Il lui suffisait d’inspirer profondément pour apercevoir doucement les contours d’une personne, d’un objet ou d’une pièce, que les odeurs dessinaient pour elle. Ses mouvements furent moins laborieux, sa démarche plus assurée… Et sa dernière faille disparut entièrement derrière son masque de froideur.

Une autre Eleanora venait de naître… Une jeune fille glaciale, impassible, intouchable… Son sourire devint neutre, nonchalant. Ses yeux vifs transpercèrent ceux qu’ils ne regardaient qu’à peine. Sa présence mettait mal à l’aise, et fascinait tout à la fois. Elle devint une dualité aussi envoûtante qu’effrayante. Peut-être était-elle encore transparente aux yeux de son père et du reste de sa famille… mais à la Cour, elle devint cette sorte de personnalité angoissante à la froide élégance. Etait-elle seulement humaine ? C’était ce que toutes les langues murmuraient dans le palais, tandis que le Roi continuait à ignorer sa simple existence. Eleanora n’en avait cure, désormais. Elle savait ce qu’elle voulait… Elle croyait le savoir. Aussi déterminée qu’une personne pût l’être, elle camouflait avec une aisance déconcertante la moindre de ses pensées, et ses gestes gracieux semblaient à la fois calculés et naturels. Nul n’aurait pu comprendre ce qui lui traversait l’esprit, ni les pensées troubles qui pouvaient l’agiter… Elle avait un dessein. Il restait caché derrière une personnalité paradoxale, qui alliait la politesse simple et la froide indifférence. La bonté et la gentillesse désespérée de la petite fille d’autrefois avait disparu, chassée violemment par la certitude de s’être trompée…
Elle avait cherché ce qui n’existait pas… Tout simplement. Voilà comment Eleanora voyait la chose. L’amour… Cette chose que tous autour d’elle appelaient ainsi… C’était une vaste plaisanterie. Un sentiment stupide qui ne trouvait son existence que pour justifier les erreurs monumentales des hommes. Elle ne tomberait pas dans ce piège… Elle n’en avait pas besoin. Elle devint un mystère. Elle devint dangereuse. Magnifiquement dangereuse. Derrière son regard de glace, il y avait un esprit terriblement clair. Pour posséder la mer, il lui fallait un pouvoir qu’elle n’avait pas… Pas encore. Il lui fallait le pouvoir de cet inconnu qu’elle appelait père. Elle n’était ni l’aînée, ni un homme… Elle n’avait donc aucune chance d’obtenir le trône en attendant simplement son heure. Elle devait prendre les choses en mains… Un jour, elle serait Reine. Un jour, elle voguerait sur les flots.
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 16:59

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Ce dernier désir, si simple, ne put attendre le déroulement d’un plan qu’elle commençait à mettre en œuvre. Adolescente, elle alliait la froide maîtrise d’elle-même avec une fougue charmante, qui gagna peu à peu du terrain… Le trône lui semblait si lointain… N’y avait-il pas un autre souhait qu’elle aurait pu accomplir bien plus rapidement ? Bien sûr que si… A quinze ans à peine, elle céda à l’appel de la mer. Son père avait formellement interdit que ses filles prennent le large, et ordonnait qu’on les empêche tout bonnement de quitter la terre ferme et rassurante de sa forteresse d’Aïekartass. Mais Eleanora voulait naviguer… Et cette simple idée lui suffit à transgresser les ordres donnés par ce père absent. Elle faussa compagnie à la Cour d’hypocrites dans laquelle elle commençait à étouffer, et, habillée en homme, elle se fit passer pour un membre de la Marine.
Ce jour-là, une troupe de soldats embarquait sur un navire imposant, fierté de la flotte, qui s’en allait mener une mission dont elle n’avait cure. Elle désirait simplement sentir le roulement de la mer sous ses pieds lorsqu’elle se tiendrait sur le pont du bateau. Ils voguèrent durant une semaine calme qui lui offrit des heures de béatitude simple, lorsqu’elle n’était pas amenée à obéir bien malgré elle aux ordres d’un Capitaine qu’elle haïssait purement et simplement. Et puis, au huitième jour, un navire apparut à l’horizon… Eleanora eut un réflexe étrange, qui fut de lever son regard vers le pavillon du bâtiment qui s’approchait rapidement d’eux. Ses yeux avaient beau ne rien voir de précis, il ne lui fallut rien de plus que du blanc sur un fond noir, pour comprendre qu’il s’agissait probablement d’un navire pirate.

Il n’y eut ni terreur ni appréhension sur son visage impassible… Juste un énigmatique sourire, qui ressembla presque à de la… satisfaction ? L’abordage fut rapide et violent. Les hommes du Roi, qui n’étaient nullement prêts à une attaque de ce genre, n’eurent pas le temps de s’organiser, avant que les premiers Pirates mettent le pied sur le pont du bâtiment royal. Le fracas des combats fut de courte durée… La cruauté des Pirates était terriblement efficace, si bien qu’il ne resta bientôt plus que des cadavres, au milieu des cordages et des bouteilles de rhum. Eleanora aurait pu mourir elle aussi, ce jour-là… Mais il sembla que tout avait été prévu. Dans un minutage quasi parfait, la jeune fille libéra vivement sa longue chevelure d’ombre, au moment où l’un des assaillants abaissait son épée dans sa direction. Ses lourdes mèches ondulèrent le long de ses épaules, cascadant jusqu’à ses hanches, et figeant le Pirate. Une femme… une femme à bord. Son maintien altier, ses gestes gracieux et ses courbes engageantes obtinrent ce qu’ils souhaitaient…
Elle fut menée devant le Capitaine et jugée par un regard lubrique qu’elle soutint avec une neutralité exemplaire. Elle affichait devant ses ravisseurs une sorte de soumission charmante et incompréhensible. Que voulait-elle exactement ? Sauver sa vie, au risque de la terminer comme esclave d’un chef Pirate ? Difficile à comprendre… D’autant plus que le chef en question ne se posa même pas ce genre de question. Il avait devant lui une adolescente ravissante, à la fois froide et désespérément charmante. Plus qu’il n’en fallait pour faire perdre à un homme tout moyen de réflexion… Si besoin était, Eleanora pourrait devenir un otage lorsqu’ils découvriraient qui elle était réellement. En attendant, il la fit mener jusqu’à sa cabine, ses petits yeux cupides brillant d’une lueur de convoitise. Il referma la porte derrière eux. Et alors qu’il s’imaginait déjà jouir d’un corps innocent qui n’avait encore jamais été sali… il vit son propre sang jaillir devant ses yeux et ruisseler sur son costume tout neuf. Il n’eut que le temps de comprendre qu’on venait de l’égorger tout net, avant d’expirer pour la dernière fois.

Son corps retomba mollement au pied d’une adolescente habillée en homme, un poignard - qu’elle avait caché dans son dos, au milieu des plis de ses vêtements - fermement serré entre ses doigts. Sur la lame, le sang glissait doucement en un « ploc ploc » rassurant, sur le sol en bois que la mer agitait. Sa main rougeoyant déjà, la jeune fille secoua négligemment la tête, puis entreprit de détacher entièrement la tête du Capitaine du reste de son corps, avec une dextérité et une nonchalance à faire froid dans le dos. Dans un mouvement de grâce morbide, elle ouvrit la porte, referma ses doigts sur les cheveux poisseux de sang de la tête de son ravisseur, et la brandit devant elle, aux membres de l’équipage qui se figèrent les uns à la suite des autres, devant l’étrange apparition… Eleanora avait des allures de fantôme fascinant, ses yeux glaciaux balayant le pont du navire sans le moindre sentiment, ses vêtements souillés de sang et ses cheveux sombres volant devant son visage sous les embruns. Il y eut un instant de silence irréel, jusqu’à ce que sa voix terriblement simple ne déclare :


- J’ai vaincu votre Capitaine. Y a-t-il des réclamations ?

Cela ressembla à une question de pure forme. Et tout se joua ici… Jusqu’à présent, elle avait tout prévu. Son embarcation clandestine sur l’un des bateaux de son père. Son attente, patiente et paisible, jusqu’au moment où le navire subirait un abordage quelconque. L’assassinat du Capitaine du navire, Pirate ou Corsaire, peu importait. Les règles étaient les mêmes… Mais à présent, il n’était pas certains que les marins choisissent de les suivre. Elle était légitimement, à leurs yeux, le nouveau Capitaine du bâtiment. Mais comment être sûre qu’ils ne se jetteraient pas sur elle pour venger la mort d’un chef qu’ils respectaient ? Il n’y avait que deux alternatives possibles : soit elle avait mené assez bien son jeu pour obtenir leur respect… soit elle serait tuée dans les minutes qui allaient suivre.
Il y eut un nouveau silence suite à son interrogation… Elle resta immobile, la tête de son rival brandie devant elle, le regard sans faille, le sourire insolemment calme. Et elle gagna… Elle gagna le respect de l’équipage, subjugué par la fougue et la force de caractère d’une jeune fille aussi jeune que déterminée. Il y eut quelques marins indomptables pour s’opposer à son accession au rang de Capitaine. L’un d’eux reçut le poignard de la Princesse en plein cœur, sous les acclamations joyeuses de ses compatriotes. Les autres n’eurent pas beaucoup plus de chance, et furent immobilisés par leurs propres compagnons déjà prêts à venir en aide à leur nouveau Capitaine.
Là… Eleanora sourit. Doucement. Elle avait réussi… Elle avait eu exactement ce qu’elle souhaitait. Un navire. Et un équipage. Une décharge d’adrénaline lui traversa le corps, et, poussée par un étrange instinct, elle se rapprocha du bastingage, sous les regards curieux de ses nouveaux compagnons. D’un geste qui ne laissait place à aucune hésitation, elle lança la tête de l’ancien Capitaine à l’eau. Le morceau de cadavre disparut un instant sous la surface, comme happé par l’océan, puis se mit à flotter paresseusement. La jeune fille ferma lentement les paupières, esquissant un sourire énigmatique. Vivement, elle se retourna, revint jusqu’à la cabine qui était maintenant la sienne, ramassa le tricorne du Capitaine et s’en coiffa sans l’ombre d’un doute. Il y eut un léger murmure derrière elle, mais elle ne se retourna pas. Elle inspira profondément l’air de la mer… qu’elle allait pouvoir parcourir à sa guise, à présent.

Son attitude avait vaincu les préjugés des marins, à un tel degré que chacun d’entre eux jura une loyauté sans limite. La prestance et la férocité d’Eleanora avait fait naître en eux un respect mêlé d’une crainte indicible. Ils obéiraient, quel qu’en pût être le prix. La jeune fille en avait à présent la certitude. Autant qu’elle était sûre qu’ils ignoraient sa véritable identité. Peut-être n’auraient-ils pas réagi de la même manière en apprenant que c’était la fille du Roi elle-même, qui dirigeait à présent leur rafiot. Heureusement pour elle, son manque d’existence à la Cour empêcha ce genre d’incident. Personne, en dehors des courtisans les plus hauts placés, ne pouvait la croiser et connaître son identité. Pour les membres de son équipage, elle resta donc la jeune fille mystérieuse qui, un jour, avait assassiné leur Capitaine pour prendre sa place. Elle se fit appeler El’, diminutif d’un prénom qu’elle ne donnait jamais en entier, si bien que la plupart des marins croyaient l’appeler « Elle », avec cette notion de distance et de respect qui la caractérisait si bien.

Cette escapade demeura secrète. Nul, à la Cour, ne pouvait se douter que les absences répétées de la Princesse Eleanora signifiaient qu’Elle voguait sur l’océan, portée par un bateau qu’elle avait rebaptisé la Rose Noire, et qui l’emportait loin… très loin de ce monde d’hypocrisie dans lequel elle n’existait pas.
Parfois, elle se contentait de suivre les courants et de se laisser emporter au gré des envies de l’océan, sans chercher ni les hauts faits d’armes, ni l’argent… L’argent, ils n’avaient pas besoin d’en dérober. La Princesse apportait à chacun de ses retours sur son navire une large part de butin à chaque membre qui l’avait encore suivie jusqu’ici. Certains partaient, elle ne les retenait pas. D’autres, plus lâches, n’osaient l’affirmer, et filaient en douce lors d’une escale. Si bien qu’il lui fallait régulièrement recruter de nouveaux marins, qu’elle choisissait elle-même, avec une justesse alarmante. Ce fut lors d’une de ses recherches qu’elle rencontra celui qui allait devenir presque aussitôt son second, Johan Gray. Dans des circonstances quelque peu mouvementées, le jeune homme monta à bord du navire d’Elle, et une semaine seulement après sa mise à l’épreuve, la Princesse lui confiait déjà des tâches qu’elle ne faisait qu’elle-même jusqu’à présent. Difficile de savoir s’il s’agissait réellement de confiance en lui, pour une Eleanora qui ne laissait rien filtrer de ses sentiments…

Ce qui était sûr, c’était que leurs rapports n’étaient pas les mêmes que ceux qui unissaient El avec le reste de l’équipage. Il y avait quelque chose de plus. Un besoin de se parler un peu plus familièrement. De briser la distance. Ils n’étaient peut-être pas si différents. Ils avaient tout juste le même âge. La jeune fille n’aurait pu se l’expliquer, mais plus le temps s’écoulait, et plus elle avait la sensation qu’on la voyait… qu’on la regardait. Un autre détail les liait… Un secret que Johan avait promis tacitement de garder. Le jeune homme l’avait reconnue… Aussi stupéfiant que cela pût paraître, il savait qu’elle était en réalité la Princesse Montgomery. Eleanora ne lui avait pas demandé comment il pouvait seulement la connaître. Cela lui était égal. Elle n’eut pas le temps non plus de lui ordonner de n’en rien dire à personne, qu’il avait déjà promis son silence. Stratégie pour gagner la confiance de la jeune femme ?
Eleanora, toute indifférente qu’elle était, ne sembla pourtant pas méfiante le moins du monde. Au bout de quelques mois, ils ressemblaient plus ou moins à ce que l’on aurait pu appeler des amis, si tant est que la Princesse pût avoir ce genre de relation avec les autres. C’était sans doute différent… A présent, Johan avait obtenu sans même le demander le poste officiel de bras droit du Capitaine. Lorsque la Princesse était retenue par des obligations à la Cour, c’était lui qui dirigeait la Rose Noire. Et c’était lui également qui faisait les longs trajets jusqu’à la forteresse, pour tenir la jeune femme au courant des faits et gestes de son équipage. Pour ce faire, il se glissait discrètement dans le jardin extérieur qui donnait sur les appartements d’Eleanora, dont il avait la clé. La jeune femme n’était pas stupide… Elle était consciente qu’ils ne pourraient bien longtemps passer inaperçus avec un tel manège. Mais elle ne s’en souciait pas… Les quelques commères qui surprendraient ce genre d’allées et venues n’y verraient là qu’un potentiel amant à la plus jeune des Princesses. Qu’elles fassent courir ce genre de bruit ne l’inquiétait guère. Au contraire, c’était une couverture parfaite… D’autant plus que son père continuait de se moquer pas mal du moindre de ses gestes.
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MessageSujet: Rencontre avec Kanaw Llyr   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:02

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Ce fut à cette époque que sa sœur, Poppy, épousa un riche et noble héritier, parfait crétin choisi par le Roi pour lui succéder un jour. Eleanora ne broncha pas face à cet évènement qui contrecarrait ses plans. Elle n’avait pas autant de temps que prévu, si sa sœur se mariait déjà… Il lui faudrait trouver une nouvelle carte à son jeu.

Cette carte-là, maîtresse de son jeu, entra dans sa vie quelques mois après un incident qui avait momentanément tendus les rapports qu’elle entretenait avec Johan.

Ses instants volés en mer ne lui suffisaient plus… Elle voyait bien plus grand. Et chaque jour, sa sœur évoluait sous ses yeux, marchant tranquillement sur le chemin du trône, la voilant de son ombre. Elle comprit qu’il n’était plus question d’attendre, et résolut de la faire chuter, d’une manière ou d’une autre… Poppy Montgomery était peut-être passée maîtresse dans l’art des faux-semblants, mais elle n’en restait pas moins fidèle au portrait classique d’une courtisane aux mœurs relatives. Eleanora n’était pas dupe à son petit jeu… Personne ne l’était, hormis peut-être le Roi, aveuglée par la grâce de sa fille adorée. Poppy avait des amants… Insolente et frivole, elle se fichait pas mal du trône et des responsabilités qui l’attendaient. Son mari l’ennuyait, ne la satisfaisait nullement. Alors, avec une adresse impressionnante, elle le trompait sans cesse, et sans scrupules. Eleanora décida d’un plan infiniment simple pour la faire tomber en disgrâce… prouver son infidélité, qui gâchait ses chances de donner à son père un héritier, et non un bâtard.
Ce fut d’une facilité presque irréelle. Drapée d’une robe bleue satinée, un éventail à la main, ses cheveux noirs relevés au-dessus de sa nuque, Eleanora s’était fondue dans le décor du jeu du paraître, pour mieux guetter les faits et gestes de son aînée. A peine quelques minutes à surveiller les appartements de Poppy lui suffirent à obtenir ce qu’elle désirait. Un rire un peu trop aigu pour être agréable précéda l’arrivée de la Princesse héritière, tirant par la main un jeune homme aux longs cheveux noirs que la jeune femme n’eut pas le temps de détailler avant que la porte ne se referme sur les deux amants. Un sourire sans équivoque naquit sur les lèvres d’Eleanora, savamment masquées derrière son éventail, et elle se rapprocha nonchalamment, attendant sans doute le moment propice avant de choisir de surprendre leurs ébats. Ce fut seulement lorsque les quelques éclats de rire taquins de sa sœur se transformèrent en soupirs langoureux qu’elle supposa à juste titre qu’il n’y aurait pas de meilleur instant.
D’une main assurée, elle ouvrit grand la porte des appartements de Poppy et y pénétra, tout en gardant une attitude aussi gracieuse que glaciale, son éventail replié entre ses doigts. Il y eut un gloussement surpris de la part de son aînée, tandis que l’interruption de la jeune femme figeaient les amants, et tournaient leurs regards dans sa direction.

Il se passa alors quelque chose qu’elle n’avait nullement prévu… Eleanora avait eu l’intention de fixer uniquement sa sœur avec une froideur assassine, mais son regard fut attiré par un autre. Celui du jeune homme aux cheveux aussi noirs que les siens… Une chaleur incontrôlable naquit au creux de ses reins, et remonta le long de son dos. Les yeux de l’inconnu étaient incroyablement… oranges. Enflammés. La Princesse fut incapable d’en expliquer la raison, mais ce fut le premier regard qui transperça le flou constant dans lequel elle évoluait. Ses propres yeux, coupants, n’eurent aucun mal à fixer ceux du jeune homme… Jeune homme qui se trouvait présentement à moitié nu, sa chemise jetée négligemment à même le sol, et son pantalon pas loin de subir le même sort, sous les doigts agiles de Poppy, qui s’étaient immobilisés. Eleanora se surprit à inspirer profondément, et des odeurs inconnues, chaudes et animales, chatouillèrent ses narines, accentuant un trouble qu’elle n’aurait su comprendre. Ses doigts se resserrèrent sur son éventail, tandis que son regard glissait vers le corps dénudé de l’inconnu qui… souriait.
Il semblait aussi imperturbable qu’elle. A moins qu’il n’ait tout simplement prévu cette interruption, comme tout le reste. Quelque chose lui souffla qu’il était terriblement intelligent. Assez pour savoir exactement ce qu’il faisait, en cet instant précis… Il respirait cette sorte d’ambition diffuse, une envie de pouvoir… La même que celle qui l’animait ? Poppy avait momentanément disparu de son esprit, le plan d’Eleanora balayé par le regard orangé de l’amant de sa sœur… qui promettait un plan bien meilleur encore. Il y eut un instant de silence durant lequel le sourire ironique et charmeur du jeune homme soutint naturellement celui, neutre et impassible, de la Princesse aux yeux de glace. Perdue entre les deux manipulateurs qui se jaugeaient mutuellement, il y avait l’héritière, ses boucles blondes retombant mollement sur ses épaules dénudées par les prémices de leurs ébats, sa robe rose retroussée jusqu’à ses genoux, et la bouche entre ouverte sous la surprise, catastrophée. Ce fut elle la première qui rompit le silence étrange qui régnait dans la pièce :


- Nora… Tu… Tu… Qu’est-ce que tu…

Vraisemblablement, la situation délicate dans laquelle elle se trouvait coupait à Poppy tout moyen de raisonnement, à supposer qu’elle en ait seulement eu un jour. Aveugle à ce qui se tramait entre deux personnalités aussi caractérielles que celles qui l’entouraient, elle ne voyait que le risque qu’elle courait à laisser sa sœur s’en aller sans qu’elle ait promis de garder le silence sur la scène qu’elle avait surprise.
Ce qu’elle ignorait, c’était qu’Eleanora venait subitement de trouver un moyen bien plus subtil d’obtenir ce qu’elle désirait. Sous l’étonnement le plus complet de sa sœur, la jeune femme esquissa une petite courbette, et tendit la main vers le jeune homme, avec un naturel déconcertant, comme s’il n’avait jamais été question d’adultère. Visite de routine… Sa voix était douce, mais spéciale, lorsqu’elle dit enfin, ignorant royalement son aînée :


- Je crains que nous n’ayons pas eu l’honneur d’être présentés… Eleanora Montgomery. La sœur cadette de votre… amie. Puis-je connaître l’homme qui a su trouver le chemin des jupons de ma très chère sœur ?

Il ne semblait y avoir aucune touche d’humour dans le ton de sa voix, ce qui n’en était que plus déconcertant. Son interlocuteur ne se démonta pas, sous un hoquet choqué de Poppy. Il se redressa, abandonnant enfin l’étreinte de la Princesse blonde, pour se retourner vers la brune glaciale qui lui tendait la main. Il ne prit cependant pas la peine de se rhabiller, et laissa tout le soin aux jeunes femmes d’admirer un corps de mâle aguerri. Eleanora n’eut aucune réaction. D’apparence, elle paraissait tout aussi intouchable qu’à son habitude. Mais ses yeux troubles étaient désespérément accrochés à l’orange du regard de celui qui se présenta ainsi :

- Kanaw Lyr. Capitaine des Corsaires, aux services de sa Majesté… Je suis étonné de ne pas avoir eu l’occasion de rencontrer la seconde fille du Roi auparavant. J’ignorais jusqu’à votre existence.

Il saisit les doigts d’Eleanora entre les siens, et y déposa brièvement ses lèvres, que la jeune femme sentit tièdes contre sa peau. Elle sourit doucement, comme un défi silencieux, bien consciente de jouer à un étrange jeu tacite.

- Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes certes pas le seul…
- Nora, je… est-ce que tu as l’intention de…
- Excuse-nous, Poppy… Je voudrais m’entretenir un instant avec ton amant, tu permets ?

La question inattendue n’en était pas véritablement une, et cloua sur place la jeune blonde. Poppy Montgomery regarda les deux jeunes gens s’éclipser dans le couloir, l’abandonnant sur son lit aux soieries rose bonbon, la coiffure défaite et la mine déconfite.
Quelques jours seulement après l’incident qui n’avait bizarrement pas été ébruité par sa soeur – pour son plus grand bonheur -, la Princesse héritière apprit, effarée, qu’Eleanora venait de se fiancer à Kanaw Llyr.
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:05

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Des fiançailles… Pourquoi n’y avait-elle pas songé avant de croiser ce regard orange ? Eleanora ne se l’expliquait pas. Mais à présent, elle n’avait plus aucun doute. Son choix avait été le bon. Et le plus stratégique… Kanaw Llyr, Capitaine des Corsaires, était un parti à ne pas négliger dans la lutte pour le pouvoir. Quitte à devoir épouser un jour quelqu’un, il fallait que ce soit une personne qui ne se mette pas en travers de son chemin. Il fallait qu’elle le choisisse elle-même, ce mari, pour éviter d’épouser le parfait imbécile heureux que son père lui dénicherait un jour, et qui ne saurait qu’obéir étroitement aux ordres du Roi, sans se poser la moindre question. Le Croc Noir était différent. Il savait courber l’échine comme personne, pour mieux tromper ceux qu’il trahirait par la suite… Terriblement intelligent, elle ne s’y était pas trompée. Ils avaient un but commun : monter sur le trône. Elle lui offrait sa main, la possibilité de se lier à la famille royale… Kanaw lui offrait son soutien de Capitaine et celui de traître à son Roi. Elle le devinait dangereux… Il savait qu’elle l’était tout autant. A eux d’eux, ils n’hésiteraient pas à aller jusqu’au meurtre pour obtenir ce qu’ils désiraient le plus au monde. Eleanora découvrit alors qu’elle était encore plus forte lorsqu’elle n’était pas seule… Qui d’entre les fiancés manipulait l’autre ? Peut-être aucun… Peut-être les deux. Mais pour éviter une méfiance qui ne ferait que les affaiblir, ils se jurèrent peu à peu de se faire confiance… Notion difficile à intégrer pour une Princesse comme Eleanora.
La confiance n’alla pas jusqu’à dévoiler à Kanaw l’équipage secret dont elle s’occupait, et les voyages de Johan se firent de plus en plus rares, de peur d’alerter l’esprit vif et malin du Capitaine des Corsaires.

Les relations entre les jeunes fiancés étaient les plus étranges que la Cour ait jamais pu observer. Il y avait une alchimie inexplicable entre deux attitudes aussi fondamentalement différentes. Kanaw Llyr était un véritable coureur de jupons. Eleanora, froide et indifférente, semblait ne pas lui en tenir rigueur. Après tout, elle ne l’épousait que pour avoir un soutien important quant à sa montée au pouvoir. Le reste importait guère. Du moins, le croyait-elle. Ils étaient le feu et la glace, comme un délicieux paradoxe… ou un cocktail explosif. La glace fond lorsqu’elle demeure trop longtemps en contact des flammes… Et pourtant, l’un ne trouve son existence que dans celle de l’autre. Voilà ce qui résumait les rapports parfois violents et mouvementés des fiancés. Eleanora restait un mystère, même pour celui qui partageait son plus grand désir…

Puis vint un jour où le Roi envoya Kanaw en mission. Le Capitaine des Corsaires futur beau-fils du souverain, reçut l’ordre de rallier ses forces à celles de la Marine et des Pirates, pour contrer le danger inexplicable et grandissant d’un monstre venu de nulle part, nommé Tianh. Les Capitaines des trois puissances se rejoignirent aux enfers pour conclure un pacte. Une sorte de trêve… Et Eleanora, défiant une fois de plus la volonté de son père, accompagna son fiancé sur son bateau, le Punition Expéditive. Pourquoi ? Lui-même l’ignorait… Pour surveiller ses faits et gestes ? Pour participer au combat ? Ou simplement pour voir le monstre dont tout le monde parlait ? Selon les dires de la jeune femme lorsque son fiancé l’interrogea, la dernière hypothèse était la bonne… A bon entendeur…
Le Punition Expéditive remontait lentement des enfers, suivant les eaux dangereuses du Cocyte, tandis que les fiancés discutaient de leur plan pour prendre le pouvoir, que Kanaw faisait des avances intéressées à la Princesse en assénant l’argument de l’héritier qu’il leur faudrait donner, et qu’il découvrait l’infirmité des yeux de la jeune femme… Un incident interrompit une discussion qui vacillait entre charme et colère. Le Punition Expéditive fut attaqué par ce qui ressembla à des monstres marins. Sur le pont du navire, Eleanora se battit avec une adresse et une cruauté qui surprit jusqu’à son fiancé. Elle n’avait pas besoin de ses yeux pour voir ses adversaires, qui dégageaient une puanteur inhumaine. La bataille parut prendre fin avec la mort des derniers assaillants, et le calme revint, laissant à chacun le soin de panser ses blessures… Et tandis qu’Eleanora sentait monter en elle un sentiment confus et inadmissible sous les doigts de Kanaw qui soignait ses plaies, quelque chose se produisit… Quelque chose qu’elle n’avait pas pu sentir avant que cela n’arrive. Elle était assise sur le bastingage, le dos imprudemment tourné aux eaux noires du Cocyte. L’onde, justement, empêchait les odeurs nettes de parvenir jusqu’à elle.

Elle n’eut que le temps d’entendre un bruit d’éclaboussure, avant que des mains poisseuses et glacées ne l’attrapent violemment par les deux bras, pour la faire basculer vers l’arrière d’une simple pression. Pas un seul cri de surprise ou d’effroi ne franchit ses lèvres résolument closes. La Princesse se contenta de fermer les yeux, et se laissa glisser au milieu des eaux sombres du fleuve dangereux, qui l’engloutirent toute entière. Le poids du liquide furieux autour d’elle était tel qu’elle se sentit sombrer. Des petits points lumineux dansèrent derrière ses paupières closes, et l’espace de quelques terribles seconde, elle éprouva l’envie délicieuse de se laisser tomber plus encore, jusqu’à atteindre les profondeurs de l’océan. Il faisait froid… Elle suffoquait. L’air lui manquait… Au-dessus d’elle, une vague lumière trouble fendait l’eau qui la surplombait. Eleanora releva lentement la tête au milieu de son tombeau liquide… et alors qu’elle perdait peu à peu conscience, les mêmes mains qui l’y avaient fait plonger l’en retirèrent brusquement.

L’air envahit ses poumons avec une violence brûlante, et ses ravisseurs l’agrippèrent plus encore pour l’immobiliser et la tirer derrière eux au milieu des vagues rugissantes du fleuve. Les monstres marins ne semblaient éprouver aucune peur à nager dans le Cocyte, comme s’il s’agissait là de leur milieu naturel. Eleanora n’était pas en mesure de se faire ce genre de réflexion. A moitié inconsciente, elle battit des paupières, le visage dégoulinant d’eau salée. La violence de l’attaque lui avait coupé toute force et tout moyen de se dégager de l’étreinte du monstre qui la retenait fermement. Ses yeux glaciaux, plus flous encore qu’à l’accoutumée, lui montrèrent de loin, une silhouette mi-homme, mi-animale, qui plongeait sans hésitation au beau milieu du fleuve, après un hurlement déchirant qui fit louper un battement à son cœur. Kanaw… La Princesse ne connut pas la raison qui l’avait poussée à une telle pensée… L’instinct. La montée d’adrénaline. Quelque chose se produisait en elle… Elle se surprit à souhaiter qu’il nage jusqu’à elle…
Elle qui n’avait jamais eu besoin de personne. Elle qui n’acceptait nulle aide d’aucune sorte… priait pour qu’il vienne la sauver. La sauver, elle… Et pas le trône qu’elle représentait. Etait-ce bien le hurlement de désespoir de son fiancé qu’elle avait entendu en écho sur l’eau du fleuve enragé ? Ce fut la dernière question qui lui traversa l’esprit, avant qu’elle ne perde complètement connaissance, au moment précis où ses ravisseurs atteignaient la rive et l’y traînaient sans douceur.

Lorsqu’elle revint peu à peu à elle, le décor avait changé. Elle se trouvait dans une grotte, ce que l’humidité de l’air lui prouva, tout comme l’odeur de terre mouillée qui effleura ses narines au moment où elle inspirait profondément. Elle rassembla difficilement ses esprits, sentant son sang battre fortement contre ses tempes. Les embruns caressaient son visage plein de sueur et ses cheveux collés sur ses joues. Indice qu’elle ne se trouvait pas si loin d’une plage… Etait-elle seule ? Non… L’odeur indéfinissable des créatures était bien trop proche, même si elle ne pouvait les voir. Son dos la faisait cruellement souffrir, et ses mains étaient traversées de fourmillements désagréables. Elle voulut esquisser un mouvement et se rendit compte qu’elle n’en avait pas la possibilité…
Ses poignets avaient été savamment ligotés, les cordes rêches rongeant sa peau jusqu’au sang, et donnant à ses doigts mal irrigués une inquiétante couleur violette. Et la corde qui retenait ses poignets serrés l’un contre l’autre était elle-même attachée en hauteur, au mur qui lui faisait face, un peu plus haut que sa tête, alors qu’elle se trouvait à genoux. De fait, elle était obligée de maintenir ses bras en hauteur, d’où la douleur indicible dans son dos et dans ses épaules. Depuis combien de temps était-elle à dormir dans cette position ? Elle ne voulut même pas le savoir. Ce n’était pas important… Ses jambes, elles, n’avaient pas été ligotées. Elle ne trouva aucune raison de s’en réjouir, bien au contraire. Sa propre respiration, sifflante et difficile, ne lui plaisait nullement.

L’odeur nauséabonde se rapprocha lorsque les créatures se rendirent compte qu’elle venait de revenir à elle. Eleanora aurait pu tourner la tête pour apercevoir ses ravisseurs. Elle se le refusa. Le dos droit, le regard fixe, elle reprit son masque d’indifférence… en toute situation. Derrière ses yeux, la jeune femme planifiait déjà son évasion, étudiant milles et une façon de sauver sa vie. Au milieu de ses réflexions, une interrogation jaillit : que lui voulaient-ils exactement ? Pourquoi ne pas l’avoir déjà tuée ?
Au moment précis où elle énonçait cette pensée, elle en obtint la réponse immédiate, au son d’une voix caverneuse que la grotte renvoyait en écho :


- Tu as tué bon nombre d’entre nous, humaine… Tu vas payer pour cela.

Eleanora entre ouvrit la bouche, et une main glacée se referma sur sa chemise, l’arrachant d’un geste sec qui fit naître une moue de dégoût sur le visage de la jeune femme. Un frisson lui parcourut l’échine. Ce n’était pas de la peur… C’était une sorte d’appréhension indicible… Son cœur se mit à battre plus vite. Elle ferma les paupières, devinant une horrible seconde avant que cela ne se produise, ce qu’ils avaient l’intention de faire… Kanaw… Pourquoi pensa-t-elle encore à lui à ce moment précis ? Elle ne le sut pas vraiment… Mais ce fut lui qu’elle appela en silence, lorsqu’une douleur fulgurante lui traversa le dos, tandis que le fouet des créatures s’abattait sur sa chair, laissant sur son épaule une profonde traînée ensanglantée. La souffrance était telle qu’elle lui fit venir les larmes aux yeux. Au deuxième coup, son visage perdit définitivement ses couleurs, arborant un blanc livide. Ses doigts s’étaient refermés sur eux-mêmes, enfonçant leurs ongles dans la chair de ses mains, et ses dents mordaient inconsciemment sa lèvre inférieure, jusqu’à la faire saigner.

Le goût métallique du sang dans sa bouche lui donna envie de vomir… Sur ses joues, des larmes salées s’écoulaient malgré elle et tous ses efforts pour ne pas hurler. Car elle n’émit pas un seul cri… pas un seul soupir. Le fouet s’abattit encore et encore, de plus en plus impatient, de plus en plus violent, tranchant la chair tendre de son dos, de ses épaules et de ses hanches… Les monstres marins n’attendaient qu’un cri de douleur qui pourrait satisfaire leur besoin de vengeance. Eleanora ne le leur donna pas… A aucun prix. Pour libérer la souffrance, elle se contenta de pleurer en silence, tentant de focaliser son esprit sur le goût de son propre sang, plutôt que sur la brûlure que lui infligeait sans cesse le fouet de ses bourreaux. Le souffle court, elle sentit sa conscience l’abandonner peu à peu, comme si son corps refusait de subir encore une seule douleur de plus… Elle lutta. Il fallait qu’elle reste éveillée. Il fallait qu’elle sorte d’ici…

Mais ses pensées étaient devenue troubles, incohérentes… Elle se sentait désormais incapable de se sauver elle-même. La seule chose qui restait désespérément nette au milieu de son esprit chaotique, c’était la certitude que quelqu’un viendrait. Elle ignorait pourquoi, mais c’était cette pensée-là qui l’empêchait de sombrer… Quelqu’un allait arriver. Quelqu’un viendrait la sauver… Il ferait cesser la douleur. Il la prendrait dans ses bras… et là, seulement là, elle pourrait se permettre de hurler. Juste une fois. Puis elle fermerait les yeux… Il fallait juste qu’on la sauve. Qu’il vienne… Kan’ ?… Est-ce qu’il était en route ? Est-ce qu’il la cherchait ? Pourquoi lui ? Parce que… Parce qu’elle avait confiance en lui. Elle devait avoir confiance en lui, elle le lui avait promis. Elle avait besoin de croire qu’il viendrait… pour ne pas perdre pied. Dépendre de quelqu’un d’autre qu’elle-même, à cet instant précis, n’avait plus rien d’inacceptable. C’était un besoin vital… L’espoir qu’elle n’était pas toute seule. Qu’elle existait pour quelqu’un…
Mais personne ne vint. Personne ne fit cesser la douleur… Et toute glaciale qu’elle pût être, la Princesse n’était qu’humaine… Son corps faiblit avant son cœur. Sa vue se troubla plus que jamais, rougeâtre, et sa respiration se bloqua dans sa gorge. Il n’y eut plus aucun son autour d’elle. Juste l’affreux silence… Ses yeux disparurent derrière ses paupières, et l’inconscience l’enveloppa toute entière, pour la protéger d’une souffrance qu’elle n’était plus en mesure de supporter.
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:09

Quand, une fois de plus, la réalité la fit sortir de son sommeil forcé, elle avait été détachée. Allongée sur le ventre, la joue posée sur le sol humide, elle n’arrivait plus à sentir ni ses mains, ni ses jambes. Elle était encore à moitié nue, et des frissons la parcouraient, faisant naître une intense douleur le long de son dos ardent. Il n’était plus qu’un brasier de souffrances qu’elle n’osait pas faire bouger, ne serait-ce que d’un millimètre, de peur de réveiller un volcan endormi. L’odeur fraîche de son propre sang envahissait ses narines, lui faisant venir un haut-le-cœur. Elle voulut se mettre debout… et réalisa avec horreur qu’aucun de ses membres ne daignait lui obéir. Son corps avait été trop secoué et refusait désormais de lui obéir. Elle eut envie de fondre en larmes. Peut-être l’aurait-elle fait, si elle avait été sûre d’être seule… Mais à travers l’odeur du sang, il y avait celle, pesante, d’une des créatures, à quelques pas d’elle.
La douleur lancinante de son dos s’accentua, comme une sorte de mise en garde. Eleanora étouffa un gémissement en se mordant la lèvre, et ferma les yeux, faisant mine d’être toujours inconsciente. Où étaient passés les autres ? Il n’y en avait plus qu’un… N’était-ce pas une chance inespérée de s’en sortir ?... Elle n’avait même plus la force de s’en réjouir. Personne n’était venu… Elle n’existait pas. Toujours pas… Elle avait si mal… Mourir n’était peut-être pas une si mauvaise chose…

Et puis il s’approcha… Le dernier monstre marin qui jusqu’à présent se repaissait des courbes meurtries de son corps de femme se penchait lentement vers elle, en un mouvement qui lui fit venir un violent frisson de répulsion. Elle se mordit la lèvre, ce simple geste lui causant une douleur qu’elle n’aurait pu imaginer. Son esprit encore au bord de l’inconscience comprit avant son corps ce qui allait se produire… Les mains du monstre se posèrent sur elle, leurs doigts avides caressant sa peau ensanglantée. Elle sentit son corps se rapprocher du sien… Et la panique l’emporta sur tout le reste. Une brusque montée d’adrénaline générée par la peur la fit se débattre violemment, mettant momentanément en veilleuse la douleur de son dos à vif. Surpris, son agresseur eut un instant d’immobilité. Il ne s’attendait vraisemblablement pas à une réaction aussi vive de la part d’une jeune femme qui lui paraissait déjà au seuil de la mort quelques secondes plus tôt.

Les doigts d’Eleanora cherchaient désespérément une arme, quelle qu’elle fût, tâtant le sol autour d’elle dans des gestes tremblants. Déjà la créature lui avait saisi un poignet et le maintenait fermement, lui arrachant malgré elle un petit cri incontrôlable. Elle se débattait comme une diablesse, avec un désespoir grandissant, tandis que le corps poisseux du monstre frôlait déjà ses jambes. Son cœur bondit dans sa poitrine lorsque ses doigts rencontrèrent quelque chose de glacial… Et de tranchant. Ses armes… Ils avaient été assez stupides pour les laisser à traîner sur le sol. Ils étaient peut-être cruels et monstrueux… mais dénué de tout sens logique.
Sa main se referma furieusement sur le manche de son poignard, et une vague de chaleur lui traversa le bras. Dans un mouvement qu’elle ne maîtrisa pas, elle vit la lame s’approcher de la gorge de son agresseur, et s’y enfoncer profondément, avec une brusquerie jouissive. Le sang de la créature gicla sur sa joue, et le corps poisseux retomba sur le sien. Dans un geste de panique pure, elle le repoussa violemment, prise de spasmes, et se redressa sur ses jambes, sans trop comprendre comment elle avait pu s’y prendre.

Elle ne perdit pas de temps… Profitant de la force nouvelle que lui procurait une panique et une montée d’adrénaline bienvenue, elle mit la douleur de son dos en mode off, et tituba le long de la paroi de la grotte, jusqu’à sortir à l’air pur. Un vent salé fouetta son visage, et elle éprouva une sensation de plénitude qui lui donna envie d’éclater de rire. A la place, elle perdit l’équilibre, et sentit un début d’évanouissement l’envahir. Non, pas maintenant… Ne pas revenir à son état humain tout de suite… Elle devait d’abord s’éloigner, avant que les autres ne reviennent… Alors elle courut… A moitié nue, trempée de sueur, le dos rougeoyant de sang, la main serrée sur le poignard qui lui avait sauvé la vie, elle escalada les rochers qui longeaient la plage, et disparut vers les terres, cherchant à mettre le plus de distance possible entre elle et ces monstres, avant de perdre toutes ses forces.

Peut-être ne prirent-ils pas la peine de suivre celle qu’ils avaient torturée, estimant qu’ils avaient déjà obtenu d’elle ce qu’ils souhaitaient… A moins que la peur n’ait poussé les pas de Nora si vite qu’elle parvint à leur faire perdre sa trace. Au bout d’une course hors du temps et de la souffrance, elle vit apparaître au loin la silhouette d’une maison, sa cheminée fumant doucement dans le ciel qui arrivait à son crépuscule. Elle sourit doucement… Et tomba évanouie.

______________________________


Eleanora eut de la chance, au milieu de son malheur… Les habitants de la maison qu’elle avait eu le temps d’apercevoir l’avaient vue tomber, et étaient d’assez honnêtes gens pour la conduire jusqu’à leur demeure, rincer les plaies de son dos, et lui offrir vêtements et nourriture. Ils insistèrent même, une fois qu’elle eût repris connaissance, pour qu’elle demeurât encore quelque temps chez eux, en attendant un médecin qui viendrait quelques jours plus tard, et qui pourrait mieux apaiser sa douleur qu’un simple bain tiède n’avait pu le faire. Mais la Princesse ne pouvait pas se le permettre… Dans un instant de faiblesse, elle fut tentée d’accepter, sa volonté de fer fortement entamée par ce qu’elle venait de vivre… Mais elle avait une détermination plus forte encore. A moins que ce ne fût de l’instinct pur… Elle devait rejoindre Kanaw. Pourquoi ? Elle n’arrivait plus à penser convenablement. Lui en voulait-elle de l’avoir purement abandonnée, comme un pion à sacrifier sur un jeu d’échec ? Etait-ce la certitude d’avoir été trahie par un allié qui lui faisait aussi mal, ou celle, plus confuse, d’avoir été victime d’une désillusion cruelle ?
Et pourquoi diable lui en voudrait-elle ? A bien y réfléchir, l’esprit logique d’Eleanora arrivait à la conclusion qu’il était tout bonnement impossible qu’il vienne la retrouver. Les créatures les avaient pris par surprise, ne laissant au Punition Expéditive aucune chance de les suivre. Puis elles avaient disparues dans les terres, ôtant à Kanaw tout moyen de rechercher sa fiancée… Et puis… Il avait des ordres. Les ordres du père de la jeune femme, qui désirait avant tout qu’il élimine la menace que représentait Tianh. Alors perdre du temps à courir inutilement après des ravisseurs qu’il n’aurait pas pu retrouver, quoi qu’il fît… cela n’aurait pas été digne de la capacité de réflexion du Croc Noir. Bizarrement, ce genre de conclusion n’apporta à Eleanora aucun réconfort.

En revanche, cela ne changea en rien son désir de rejoindre son fiancé. Elle savait où il se trouvait à présent. Elle n’avait pas besoin de plus d’informations que ce qu’elle savait déjà. Il était parti combattre Tianh, sur l’ile d'Eidanihr, aux côtés des Marines et des Pirates. Il ne restait plus qu’à l’y retrouver… Rien de plus simple. Peu à peu, Eleanora retrouvait ce qui l’avait toujours sauvegardée. Son attitude indifférente… Après avoir été torturée par une troupe de monstres marins répugnants, elle se dirigeait tout droit vers une créature plus dangereuse encore. Et elle trouvait cela infiniment normal.

Après avoir remercié poliment ceux qui l’avaient recueillie, et leur avoir demandé le chemin du port le plus proche, la jeune femme reprit la route, ses plaies toujours à vif dans son dos, que cachait une simple chemise fine assez large pour ne pas peser sur une peau déchirée. Elle trouverait bien un médecin à bord d’un des navires, Corsaires, Marine ou même Pirate, qui mouilleraient non loin de l’ile d'Eidanihr. Elle n’avait pas de temps à perdre… Et même si par instant, des vertiges la reprenaient, et qu’elle s’arrêta plusieurs fois pour satisfaire ses haut-le-cœur, en une petite journée de marche, elle atteignit le port marchand, où des dizaines de bateaux attendaient une mer un peu plus clémente pour faire traverser leur marchandise. Ceux qui l’avaient recueillie lui avaient remis quelques pièces d’argent pour monnayer sa place à bord d’un des bâtiments, mais la tâche fut plus ardue que prévue… Elle dût attendre l’arrivée d’un autre navire, seulement deux jours plus tard, pour obtenir du Capitaine l’autorisation de voyager quelque temps avec eux. Elle était encore relativement blanche, et se tenait d’une manière plus raide encore qu’à l’ordinaire, ce qui lui donnait une attitude particulièrement maladive. Sur le pont, on se méfiait d’elle…
Elle avait expliqué au Capitaine sa véritable destination, et celui-ci, après avoir nettement viré au verdâtre, avait aussitôt refusé d’amarrer son bateau à cette endroit précis, ne serait-ce que le temps de la faire débarquer. Il se fichait pas mal de ce qui pourrait bien lui arriver, tant qu’il pouvait préserver son bâtiment. Bizarrement, Eleanora n’utilisa pas le genre de méthodes persuasives dont elle avait l’habitude. Elle pouvait comprendre la terreur qu’elle lisait dans les yeux de son interlocuteur… La douleur constante dans son dos le lui rappelait sans cesse.

Après quatre jours de mer calme, on vint la chercher dans la cabine qu’on lui avait attribuée, alors qu’elle tentait de calmer la douleur de ses plaies en restant allongée sur le ventre, terriblement immobile. Ils étaient en vue de l’ile qu’elle voulait rejoindre, et si elle tenait tant que cela à risquer sa vie, elle n’avait qu’à rejoindre la plage à la nage. C’était sensiblement le message du Capitaine. La Princesse n’hésita pas une seule seconde, et après avoir vérifié d’un coup d’œil trouble que les navires Corsaires, Pirates et Marines s’y trouvaient bien, elle sauta du bastingage jusqu’à la mer, dont le sel brûla l’endroit de sa chair à vif.

Le reste se passa bien trop vite… Trop vite pour qu’elle ait seulement le temps de bien comprendre ce qui arrivait. Elle n’avait pas eu le temps de réfléchir à la façon dont elle allait se comporter face à son fiancé… Pour la simple et bonne raison qu’elle ne comprenait même pas ce qu’elle ressentait exactement envers lui. Alors elle fit ce à quoi elle était le plus habituée… elle l’ignora purement et simplement. Elle rencontra sa sœur, Erwana Llyr, réclama un médecin avec un naturel déconcertant… et comprit que c’était bien Kanaw qui avait poussé un hurlement bestial, sur le pont du Punition Expéditive, une semaine auparavant. Car son fiancé, sans doute fortement frustré de constater que la jeune femme ne faisait pas plus attention à lui qu’à la boue qui maculait ses bottes, fut victime du don que lui procurait son Totem.

Il se transforma… Il se transforma en cet être bizarre, mélange d’homme et de bête, les yeux rougeoyant de colère, et les crocs beaucoup plus imposants que la normale. Tout le monde sembla s’immobiliser de frayeur. Kanaw n’était plus lui-même, Eleanora le comprit aussitôt… Mais ce fut un frisson tiède qui naquit dans sa nuque, comme une sorte d’excitation indicible. Il s’avança vers elle… et contre toute-attente, se mit en devoir de lécher tendrement les plaies dans son cou et sur ses joues. Elle se sentit trembler bien malgré elle, et serra brusquement les poings, enrageant de perdre aussi rapidement le contrôle d’elle-même face à un geste qui n’avait rien de si troublant, au fond… Kanaw Llyr ne ressemblait plus au fiancé qu’elle connaissait. Il était bestial… et vraisemblablement dénué de l’intelligence sournoise dont il faisait preuve habituellement. Comme s’il se laissait simplement guider par son instinct…
Etait-ce donc l’instinct qui l’avait fait courir jusqu’à elle pour tenter de la protéger bien tardivement ? Le cœur d’Eleanora loupa un battement à cette pensée, et la Princesse ne comprit pas bien pourquoi. Cela ne fit que l’agacer plus encore… Elle n’eut pas le temps d’être plus troublée.

Tianh vint rompre le charme, briser la scène, et faire sortir les armes de tous ceux qui étaient venus le combattre. Nora y comprit, malgré ses blessures, se lança dans la bataille enragée qui commença avec une rapidité et une violence déconcertante… Divisées, les troupes étaient tout bonnement désorganisées, et chacun y allait de son propre coup de couteau, de lance ou de pistolet, dans le chaos le plus complet. Kanaw utilisa la force que lui procurait sa forme de bête pour protéger sa fiancée, et fut projeté à l’écart du combat. Eleanora courut jusqu’à lui, dans un instant de panique inacceptable qui la fit enrager. Elle ne savait même plus si elle s’avançait pour vérifier qu’il était en vie, ou si elle n’aurait pas plutôt préféré qu’il fût mort. Furieuse contre elle, la jeune femme éprouva une terrible envie de crever ces yeux orange dont elle ne voulait pas dépendre. Elle le retrouva sous sa forme première, celle d’un jeune homme aux cheveux noirs et au regard de flammes, qui crut qu’elle venait pour le tuer… ce qui n’avait rien de surprenant, vu la froide rage qui parcourait la Princesse.
Mais celui qui mourut ce jour-là, ce fut Tianh, que les attaques incessantes des humains autour de lui avaient sensiblement affaibli… Il choisit sa propre mort, plongeant magnifiquement dans l’océan. Kanaw rapporta la tête de la créature au Roi, comme on le lui avait ordonné, les flottes se séparèrent, et Eleanora rencontra la seconde de son fiancé, Opale de Frey. Le ton de voix de Kanaw, lorsqu’il s’adressa à la jeune Corsaire, ses gestes, son attitude elle-même… et les regards qu’Opale lançaient vers lui, suffirent à faire venir un curieux pincement au cœur de la Princesse, accentuant davantage sa colère sourde.

Puis ils prirent le chemin d’Aïekartass, tout en soignant leurs plaies respectives.


Dernière édition par Eleanora Llyr-Montgomery le Mar 23 Sep - 11:19, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:12

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Quelques jours s’étaient écoulés depuis la mort de Tianh et leur retour parmi la Cour et les jeux de pouvoir. Eleanora, pour une raison qu’elle-même ne s’expliquait pas, avait pris une décision. Elle avait cessé d’en vouloir à Kanaw, comme si l’incident qui avait marqué son dos à vie n’avait jamais existé. Et elle tenait à présent à resserrer les liens qui les unissaient, pour éviter toute trahison d’un côté comme de l’autre… La confiance. C’était elle qui allait faire le premier pas, cette fois-ci… Pour lui dévoiler le secret le plus intime de sa vie. Son navire. Il mouillait en ce moment même dans le port de Rhaak… Après s’être habillée en homme pour ne pas se trahir elle-même, elle guida Kan’ derrière ses appartements, les faisant sortir tous deux par la porte dérobée dont se servait Johan pour parvenir jusqu’à elle. Depuis son retour à la Cour et son enlèvement par les monstres marins, elle n’avait pas encore revu son second. Il n’était au courant de rien… Et elle n’avait pas l’intention de le mettre au courant, sachant déjà par cœur quelle serait sa réaction.

Elle mena donc son fiancé jusqu’à la cité portuaire, sans pour autant lui dévoiler immédiatement le but de leur voyage… La Princesse prenait un malin plaisir à lire la curiosité et l’intrigue sur le visage du Croc Noir. Plus la mer et la Rose Noire s’approchaient, plus elle se muait en une autre femme. Plus libre, plus simple… plus vraie. Elle le fit monter à bord. Elle lui fit parcourir les courbes de la Rose Noire, de la proue à la poupe, libérant sa véritable intimité à celui qui lui avait promis sa confiance. Ce fut plus que symbolique… Ce jour-là, au cœur des entrailles de son propre navire, Eleanora offrit au jeune Corsaire sa virginité, en un échange qui allia douceur et violence, faisant couler langoureusement le sang des deux amants. La jeune femme n’avait jamais éprouvé ce genre de sensation jusqu’à présent… C’était comme de s’éveiller à quelque chose de plus délicieux encore que le tangage d’un navire glissant sur la mer. Peut-être l’avait-elle simplement rêvé… mais elle avait cru, à l’instant où l’étreinte de Kanaw se refermait sur elle, qu’elle existait enfin pour quelqu’un.

En quittant son navire, elle n’avait pu s’empêcher de remarquer le regard noir que Johan lança à l’intention du Croc Noir. Elle battit des paupières, sans comprendre… Et ils rejoignirent une auberge dans laquelle Kanaw voulait se restaurer. Là, par un hasard qu’Eleanora trouva infiniment ironique, ils retrouvèrent Opale, buvant sans doute bien plus que de raison, et racontant… n’importe quoi. Sans savoir qu’elle avait devant elle la Princesse Montgomery déguisée en homme, la seconde du Croc Noir vida son sac… De peur que la situation ne dégénère, et navré de l’état de celle qu’il considérait comme bien plus que son bras droit, Kanaw prit Opale dans ses bras avec une douceur qui donna à Eleanora la fugitive impression qu’elle avait eu tort, depuis le tout début…

Au dehors, parce que la ville n’avait rien de bien sûr, proche du port, ils furent attaqués par une bande de mercenaires probablement avides d’argent. Eleanora dégaina ses poignards sans une once d’hésitation et se battit avec adresse, jusqu’au moment où deux des assaillants se rendirent compte qu’ils avaient affaire à une femme, et l’immobilisèrent, avec la ferme intention de profiter de son corps. La Princesse ne comprit pas ce qui lui arriva, lorsque son corps refusa de faire un seul geste pour se débattre. Elle sentit les mains poisseuses des créatures qui l’avaient torturée ramper sur ses hanches, et retint un cri de panique. Heureusement pour elle, un Johan à l’attitude décidément étrange ces temps-ci fit irruption au moment où on ne l’attendait pas, et tua ceux qui osaient s’en prendre à son Capitaine. Il disparut aussi vite, et Eleanora reprit ses esprits pour remarquer que Kanaw s’était à nouveau transformé en homme bestial, et qu’Opale en était quelque peu apeurée.
Un détail attira l’attention de la Princesse… Alors que jusqu’à présent, le Corsaire, transformé, ne reconnaissait personne, il semblait ne pas se montrer agressif envers sa fiancée et sa seconde. Comme s’il savait qu’elles ne lui feraient aucun mal. Il paraissait même vouloir… jouer, comme un gentil chiot innocent. Eleanora prit les choses en main, et puisqu’il était impossible de le faire revenir à la normale sans l’assommer, elle donna le cheval de Kanaw à Opale, monta sur le sien, et encouragea son fiancé bestial à les suivre, dans l’intention de le ramener sagement jusqu’à la forteresse.

Au milieu du désert, ils firent une pause dans un oasis… Grossière erreur. Eleanora perdit son fiancé des yeux, et le Corsaire, mi-homme, mi-bête, se fit brusquement assommer par un adversaire qu’il n’eut pas le temps de voir. Les mercenaires qu’ils avaient tués n’étaient peut-être pas aussi désintéressés que cela… Peut-être même avaient-ils une toute autre mission que de leur soutirer de l’argent. Celle de les tuer ? Ou d’enlever simplement Kanaw ? Mais pourquoi ?... Ces questions, Eleanora n’eut pas le temps de se les poser, ni même de se rendre compte que son fiancé mettait trop de temps à revenir. Une flèche siffla au-dessus de sa tête, se plantant dans le couvre-chef qu’elle maintenait baissé vers son visage pour ne pas être remarquée. Aussitôt, Opale et la Princesse se mirent à couvert, comprenant que l’absence de Kanaw était très certainement liée aux hommes qui menaçaient leurs vies. Grâce à son odorat surdéveloppé qui lui donnait à présent une vague connaissance des sentiments d’autrui, la jeune Montgomery sut qu’ils étaient deux, camouflés non loin d’elles. Les deux jeunes femmes surprirent les brigands, Eleanora menaçant l’un d’eux de son poignard plaqué contre sa gorge, dans l’espoir qu’il leur avoue où avait été emmené Kanaw… Elle ne récolta pour toute réponse qu’une lame plantée dans son flanc. L’homme mourut sur le champ, suivi de son compagnon, qu’Opale choisit de ne pas épargner.

Malgré la blessure qui laissait s’écouler un peu plus de sang qu’il n’était nécessaire, Eleanora choisit évidemment de ne pas y prendre garde, et fit à nouveau appel à l’odorat que lui donnait Cal, pour suivre à la trace le parcourt de Kanaw, qu’on avait sans doute traîné sur le sol. L’odeur de son propre sang gênait sa progression, tout comme un léger début d’évanouissement. Elle plaqua une main sur sa blessure et cessa d’y songer… Bien vite, les deux femmes parvinrent jusqu’à une grotte où, semblait-il, Kanaw était retenu prisonnier. Eleanora n’aurait pas dû avoir aussi peur… Elle ne comprenait pas pourquoi son cœur battait si vite, ni pourquoi sa gorge était aussi sèche. Il saurait bien s’en sortir seul, non ? Alors pourquoi ? Pourquoi la vie du Capitaine prenait-elle autant d’importance, soudainement ? Allait-elle risquer la sienne pour le sauver… comme lui-même ne l’avait pas fait quelques temps plus tôt ? Elle n’eut pas une once d’hésitation pour répondre à cette question.

Et après avoir réussi à mettre le potentiel chef hors d’état de nuire, elle pénétra dans la grotte à la suite d’Opale… pour découvrir un Kanaw ligoté, qui venait vraisemblablement d’assommer son geôlier : une jeune femme aux longs cheveux roux et aux formes engageantes. La Princesse se figea en s’agenouillant près de l’inconnue, dans l’intention de vérifier qu’elle respirait encore, ce qui n’était pas le cas. Elle n’était justement pas une inconnue… Un éclair de rage froide passa dans les yeux d’Eleanora, lorsqu’elle reconnut l’amie d’enfance de sa sœur aînée, Elizabeth. Ainsi donc, tout devenait terriblement clair… Ce n’était pas un enlèvement sans lien avec le jeu de pouvoir qu’ils avaient tous deux entamé. Poppy était moins stupide qu’elle ne le pensait. Elle avait ordonné à des gens de confiance d’éliminer Kanaw Llyr, dans la crainte qui ne devienne une réelle menace pour elle et sa souveraineté. La guerre était déclarée… La Princesse mit son fiancé au courant, et il n’y eut qu’une seule seconde de réflexion, avant que le Croc Noir n’en arrive à la même conclusion qu’elle. Il était plus que temps de passer à l’attaque… Il fallait que le couple prétendant au trône meure maintenant. Avant leur propre mariage.

Mais avant toute chose, le Corsaire tint à s’assurer de la santé de sa fiancée, qui arborait un teint un peu trop fantomatique pour ne pas paraître inquiétant. Elle avait perdu beaucoup de sang… Ils rentrèrent, accompagnés d’Opale, jusqu’à la forteresse, jusqu’à la chambre de la Princesse, que Kanaw allongea sur son lit, avant de demander à sa seconde de s’occuper de la soigner. Il avait déjà un plan… Et Eleanora, furieuse, ne pouvait rien faire d’autre que suivre d’un regard trouble ce qui allait se produire. Elle lui en voulut affreusement de la mettre à l’écart… Une fois de plus, elle disparaissait. Cette sœur qu’elle avait haïe de toute son âme ne mourrait pas par sa main… Elle n’avait qu’à s’endormir sagement sur son lit, et tout serait terminé.

Ce qu’elle comprenait comme une punition, une mise à l’écart décevante, n’était en réalité que le désir de son futur époux de la voir saine et sauve. Inquiet pour sa santé, il refusait catégoriquement qu’elle ne fît un geste hors de son lit… Difficile de faire obéir la fougue d’Eleanora. Pourtant, lui seul y parvint… La Princesse sombra dans un sommeil confus, mêlant le rêve au cauchemar, et la fièvre descendit peu à peu. Ce fut sous les lèvres et les caresses de son fiancé qu’elle émergea doucement à la réalité… Le mari de sa sœur venait d’être assassiné par une prostituée que Kanaw avait recrutée sur son navire. Et Poppy avait été retrouvée dans sa chambre, empoisonnée… Ou plus précisément, le Croc Noir avait maquillé les faits de telle sorte que la Cour toute entière crût au suicide de la Princesse héritière, suite à la mort de son époux. Le Roi venait de perdre ses protégés… Eleanora commençait subitement à exister à ses yeux…
… et elle réalisa à cet instant précis qu’elle s’en moquait éperdument. La nouvelle de la mort de sa sœur ne lui fit… rien. Absolument rien. Elle avait cru en éprouver un plaisir sadique, mais ce n’était nullement le cas. S’était-elle donc trompée ? Ce n’était donc pas ce qu’elle désirait le plus au monde ? Le trône approchait à grand pas… Kanaw et s a Princesse passaient au premier plan. Le Roi demeurait leur dernier obstacle à balayer.
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:15

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… Pas tout à fait. Un autre évènement barra momentanément la route des futurs souverains. Ceux qu’on appelait déjà des rebelles, parmi les Civils, s’étaient réunis sur Aobénite, dans le but de créer un mouvement de soulèvement, soutenus par les Pirates. Eleanora, que ce mouvement populaire faisait longuement réfléchir, n’avait pas besoin de le deviner pour savoir que son père allait confier à Kanaw la tâche délicate de faire cesser la révolte avant qu’elle n’éclate pour de bon. Cela ne manqua pas… A peine deux semaines suffirent à Eleanora pour se remettre de sa blessure, et son fiancé n’eut plus aucun motif de l’empêcher de l’accompagner sur le lieu des combats. Elle n’avait pas l’intention de le laisser y aller seul… Pourquoi ? Le jeune homme ne le sut pas… Pas plus que la Princesse elle-même. Elle avait cru être furieuse contre lui lorsqu’il l’avait sciemment mise à l’écart pour assassiner Poppy et son mari, mais au final… elle s’était surprise plus d’une fois à se relever en pleine nuit, l’esprit troublé par des images et des désirs qu’elle chercha à satisfaire dans la chambre du Corsaire.

Elle s’en voulait de réagir ainsi… Etait-ce une faiblesse ? Elle paraissait dépendre de lui… Et c’était insupportable. Elle ne se reconnaissait plus. Le regard orangé du Croc Noir brisait petit à petit toutes les certitudes avec lesquelles elle se protégeait. Elle ne pouvait pas l’accepter, c’était intolérable… Et pourtant, elle était là, sur son propre navire, habillée en homme, suivant de loin le Punition Expéditive qui ne tarderait pas à accoster sur Aobénite. Kanaw ne pouvait pas refuser le renfort de tout un équipage de Corsaires qui lui obéiraient comme ils obéissaient à Elle. Alors elle était là… Et du pont de son propre navire, elle se sentait si loin de lui qu’elle se surprit à détester tous ceux qui se trouvaient à bord du Punition Expéditive. La jalousie… Une jalousie maladive était en train de naître en son cœur, sans même qu’elle ne comprenne de quel sentiment il s’agissait. Avouer être jalouse serait avouer s’être éprise de lui… Cela, elle n’y était pas encore préparée. Pas encore consciente… Elle se le refusait catégoriquement. Violemment. Et cependant… n’était-ce pas pour le protéger qu’elle l’avait accompagné, quand son père commençait enfin à s’inquiéter de sa santé ? Oui, protéger un allié, bien sûr… Une carte maîtresse, dans son jeu, rien de plus.

La Princesse n’avait pas peur de l’issue de la bataille… Elle savait qu’ils allaient l’emporter. Pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix. Ils s’étaient promis d’obtenir le trône… Après tant de mal, tant de souffrance, ce n’était pas une troupe de rebelles qui briserait ce qu’ils avaient construit. Johan n’en était pas aussi persuadé et observait la plage avec une certaine appréhension, jetant des regards inquiets en direction de son Capitaine. Une semaine de mer passée en compagnie du jeune blond avait suffi à transformer la Princesse de glace qui évoluait à la Cour en un Capitaine fougueux et plus proche du commun des mortels… Ce que l’on aurait pu appeler complicité entre eux, renaquit peu à peu, quand bien même les pensées de la jeune femme dérivaient constamment – pour son plus grand agacement – vers son fiancé, sur le bateau qu’ils suivaient.
Enfin, ils accostèrent… Ou plus exactement, Kanaw accosta, seul. Intriguée, Nora fit accoster son propre équipage, et son cœur battit un peu trop irrégulièrement, lorsqu’elle posa le pied sur la plage. Peut-être ne s’en était-elle pas rendue compte jusqu’à présent… mais après des nuits passées à se glisser dans les draps du Croc Noir pour tenter de s’y perdre, une semaine sans pouvoir seulement le toucher avait attisé une frustration qu’elle ne connaissait. Pire encore… Son odorat, évoluant nettement vers un don d’empathie, lui fit ressentir, en face de Kanaw, la frustration plus intense encore, du jeune homme… L’odeur animale mêlée aux embruns, et alliée à la confusion de l’empathie qu’elle ressentait suffirent à lui faire perdre pied… Il y avait un combat à mener. Mais face à son fiancé, Eleanora fut prise d’une irrésistible envie de sentir ses lèvres courir sur sa peau.

Le désir, réciproque, les conduisit à l’imprudence ultime. Prétextant vaguement un besoin de parler au Capitaine de la Rose Noire qui était sous ses ordres, le Croc Noir laissa à son équipage et à celui d’Eleanora le soin d’envoyer des éclaireurs alentour, et de dresser les prémices d’un camp, dans l’attente des combats. Ce fut sous le regard lourd de suspicion de Johan, qui prit les choses en main, que les deux amants s’enfoncèrent dans la forêt bordant la plage. Une fois hors de vue, Kanaw avait pris sa Princesse dans ses bras, sans aucune protestation de sa part, et semblait savoir précisément où il allait. S’il avait accosté un peu avant les autres, ce n’était pas par hasard… Il avait observé les lieux et les avait débarrassés des éventuels guetteurs qui donneraient l’alarme.

Les yeux clos, Eleanora ne chercha même pas à deviner l’endroit où il l’amenait… Perdue dans l’odeur salée de mâle que dégageait son futur époux, elle n’était plus en mesure d’articuler ne serait-ce qu’un mot… Et cela ne l’effraya même pas. Pas une seule protestation féroce de son esprit calculateur, qui d’habitude lui ordonnait de se reprendre immédiatement. Elle était trop confuse… Empathie… Ou bien trouble plus profond encore, né de la proximité du corps de Kanaw contre le sien. Bien vite, ils atteignirent une clairière baignée des lueurs du crépuscule, au milieu de laquelle une cascade bondissante alimentait un petit lac aux eaux d’émeraude. Idyllique. Paradisiaque. Si l’on était romantique, bien évidemment… Eleanora ne l’était pas ? Cela n’était pas dans ses habitudes, quoi qu’il en fût… Et pourtant, devant la scène, la jeune femme sentit un frisson inexplicable descendre inexorablement jusqu’à ses reins.

Eleanora déposa un baiser dans le cou de son fiancé, puis se laissa glisser à terre, lui demandant tacitement de la relâcher, bien qu’elle n’en éprouvât pas totalement l’envie. S’éloigner de lui, en cet instant précis, c’était comme… comme renoncer à contempler la mer : impossible. Elle le fit cependant, dans un effort de volonté qui était davantage inconscient que réellement contrôlé… Sans un mot, elle se dévêtit entièrement sous ses yeux, et se glissa avec douceur dans l’eau joliment verte, qu’elle trouva agréablement tiède. Il ne s’écoula pas plus de quelques secondes avant que son fiancé ne la rejoignît, tout aussi nu qu’elle… et tout aussi envieux, vraisemblablement.
Là, sous une cascade salée qui ruisselait sur ses joues et ses épaules, la Princesse parut devenir liquide sous les doigts du Croc Noir. Les amants se perdirent dans une étreinte qui allia violence, douceur et frustration accumulée. Ni l’un ni l’autre n’aurait pu se douter qu’à l’instant où leurs corps se mêlaient au milieu de l’eau tiède et enivrante, l’union de la glace et les flammes donnait naissance, au creux des reins de la jeune femme, à une petite vie, infime… Celle de l’héritier tant désiré. Peut-être la Princesse le sentit-elle inconsciemment… peut-être y eut-il un instant de trouble durant lequel elle perdit définitivement ce qui lui restait de conscience… Elle ne le sut jamais vraiment. Mais au moment où ils concevaient sans le savoir le fruit de leurs deux chairs, mêlant leurs sangs à de doux soupirs, Eleanora laissa échapper un murmure si faible qu’il ne vainquit ni le bruit de la cascade au-dessus d’eux, ni celui de leurs respirations haletantes qui se répondaient. Un murmure dont elle ne se souvint même pas… Les yeux clos, comme pour masquer une âme irrémédiablement percée à jour, elle avait osé ouvrir les lèvres, sans s’entendre prononcer la seule chose qu’elle ne saurait dire :


- Je t’aime.

Il n’avait pas entendu. Il n’aurait pas pu entendre… Elle non plus. Ce soupir, aveu qui aurait brisé enfin la dernière résistance de la jeune femme, passa si inaperçu qu’il ne sembla pas avoir eu d’existence propre… Il passa, comme un rêve se termine. Ou comme un rêve commence… Doux, éphémère, rapide… Il n’y eut que leurs corps qui se répondaient instinctivement, comme témoins de ce que le cœur avait réussi à vaincre. Tremblant des pieds à la tête, Eleanora se serra brusquement contre celui qui allait bientôt unir sa vie à la sienne… Et celui qui deviendrait, plus vite encore qu’elle ne le pensait, le père de ses enfants. Il y avait eu tant de force, tant de douceur, qu’elle éprouva un indicible sentiment de possessivité qui enfla, jusqu’à devenir quasiment maladif. Elle n’avait pas entendu son propre murmure… mais elle lutta contre sa seule idée, crispant ses mains sur les épaules de Kanaw, comme pour l’empêcher de s’éloigner. Il était à elle… Elle aurait tellement voulu que cela soit le cas. Cet échange avait si bien marqué son corps qu’elle ne pouvait plus se résoudre à le laisser s’éloigner. L’idée seule d’imaginer ces mêmes mains qui l’avaient perdue courir sur d’autres courbes que les siennes lui paraissait insupportable. Pire… Douloureux. Très douloureux. Plus encore lorsqu’elle réalisa qu’elle ne pourrait le garder pour elle seule… Lui si volage, si charmeur… Comment l’empêcher d’agir selon cette nature légère qui le guidait ? Ce n’était que plus insupportable, de comprendre que cette possessivité maladive n’était pas réciproque… et que cela la blessait.

Elle ne pouvait pas l’admettre… Non. Il ne pouvait pas avoir autant de pouvoir sur elle. C’était impossible.

Ce fut le début des combats et le fracas des armes, non loin d’eux, qui les fit aussitôt revenir à la réalité. Une montée d’adrénaline sortit la Princesse de la torpeur effrayante dans laquelle elle s’était plongée, et en quelques secondes à peine, les deux amants étaient habillés. Eleanora saisit ses poignards et courut vers la plage, sans remarquer les quelques larmes qui glissaient, solitaires, le long de ses joues. La bataille fut surprenante de violence… et de brièveté. Veillant consciencieusement sur les membres de son équipage que son jeune blond de second dirigeait du mieux qu’il pouvait, la jeune femme n’eut que le temps de défendre sa vie, avant qu’un cri inhumain ne fît cesser les combats… Et mener au chaos. Un monstre. Un autre Tianh… Comment cela était-il seulement possible ? Elle ne prit pas le temps de se poser la question… Ils étaient à découvert sur la plage. Il fallait faire quelque chose.
Pris par surprise, montés les uns contre les autres, leur seule chance de survie restait la fuite… Les rebelles l’avaient compris en même temps qu’elle, puisque déjà, certains disparaissaient dans la forêt, quand d’autres tentaient de vaincre inutilement la créature marine. Eleanora, après un regard entendu vers son fiancé, ordonna à son propre équipage de regagner immédiatement le navire, et de mettre le cap sur Aïekartass, pour quitter ce piège au plus vite. Elle-même se mit à courir, rattrapa au passage Johan, subjugué par la vue du monstre, et mena ses hommes jusqu’à l’abri de la Rose Noire. Ils levèrent l’ancre… Et Eleanora jeta aussitôt un regard vers l’arrière, pour s’assurer que le bateau de son futur époux suivait bien le sien. Elle soupira, et se laissa simplement tomber à terre, le corps épuisé d’avoir eu à soutenir tant de sensations différentes.
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:17

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Une semaine de navigation plus tard, ils accostaient à la cité portuaire de Rhaak, la Princesse laissait une fois de plus le soin de son navire à Johan, et ils prirent le chemin de la forteresse. Si Kanaw avait certainement en tête la façon dont il allait devoir présenter le fiasco total de leur mission au Roi, Eleanora, elle, avait bien réfléchi durant les quelques jours qu’ils avaient passés à nouveau séparés… Si elle ne comprenait pas la possessivité dangereuse qui l’animait à l’égard du Croc Noir, elle ne pouvait aller contre. Malgré tous ses efforts pour se persuader que le jeune homme n’était qu’un moyen d’arriver à ses fins… elle ne parvenait plus à s’aveugler elle-même. Et pour le garder rien qu’à elle, elle savait ce qui lui restait à faire…

Elle n’osa cependant pas le faire immédiatement… Kanaw fit un rapport détaillé de l’expédition à son souverain, qui sembla davantage inquiet par la menace que représentaient les rebelles, plutôt que de se soucier de l’apparition d’un nouveau monstre, dont la présence restait un mystère. Durant les semaines qui suivirent, on rapporta à la forteresse des récits de plus en plus nombreux d’attaques en pleine mer, non par les Pirates, mais par d’étranges créatures venues de nulle part. Si Nora s’en inquiéta fortement, elle n’avait pas encore, à la Cour, le droit d’en dire quoi que ce fût. Et à la vérité, autre chose occupait pleinement son esprit… Victime des premières nausées de la grossesse, il ne lui avait pas fallu plus d’une semaine pour comprendre la soit disant maladie qu’elle subissait. La Cour, et surtout son père, fut en liesse d’apprendre la nouvelle… Eleanora, quant à elle, sentit venir un frisson d’appréhension. Ce qu’elle n’avait pas commencé à seulement envisager venait de prendre forme dans sa vie, et s’installait avec une vitesse qu’elle n’avait pas prévue. Dans à peine neuf mois, elle serait mère… Mère de l’enfant de Kanaw. Et il n’y avait rien, en ce monde, qui pût lui faire aussi peur.
Cependant, elle n’en avoua rien… Enceinte ou non, elle restait fidèle à elle-même. Calme, indifférente… Mais avec cette étonnante lueur de douceur que la maternité offre sans qu’elle l’aperçoive. La nouvelle d’un enfant grandissant peu à peu au creux de son ventre la résolut à parler enfin à Kanaw d’une chose qui lui tenait terriblement à cœur, quand bien même elle ne l’aurait jamais admis. Elle l’attendit dans les appartements du Croc Noir, assise sur son lit, les mains croisées devant elle, comme pour protéger inconsciemment une vie qui n’était pas plus grosse qu’une cellule, à cette époque là. Elle ne savait pas très bien ce qui la poussait à parler… Peut-être avait-elle tort… Mais elle ne pouvait s’en empêcher…


- Kan’… Je voudrais te dire quelque chose. Je sais… Je crois savoir que je ne suis pas capable de te satisfaire. Que tu ailles voir d’autres femmes, je peux le comprendre… Mais ce que je n’admettrais pas, c’est que tu risques ma vie en même temps que la tienne, quand tu choisis la débauche à la fidélité… Alors j’ai juste quelque chose à te proposer…

Voilà. L’excuse n’était-elle pas parfaite ? Elle avait presque réussi à s’en convaincre elle-même… Si elle ne voulait pas qu’il se perde dans les bras d’autres femmes, c’était pour ne pas qu’elle soit contaminée par elle-ne-savait-quelle saloperie qu’il serait capable de ramener d’une de ses aventures. Pourtant, son ton de voix trop neutre pour être crédible, et son élocution infiniment rapide, trahirent une raison plus profonde et un agacement difficile à comprendre. Agacement tourné contre elle-même. Contre sa stupide faiblesse. Elle continua cependant :

- C’est simple… Ou bien tu penses pouvoir te contenter de moi, et tu promets de ne faire l’amour qu’à ta femme… Ou bien tu préfères la vie que tu mènes aujourd’hui, et tu continues de courir les jupons à ta guise… auquel cas, tu ne me toucheras plus.

Le cœur de la Princesse loupa un battement. N’était-ce pas risqué, ce qu’elle venait de dire ? Elle lui laissait le choix… Le choix de renoncer à elle, s’il ne pouvait s’en tenir à une seule et unique femme. Son instinct lui soufflait qu’elle faisait une erreur… Que peut-être, ce n’était pas ce qu’il fallait pour le rendre heureux… Mais elle, avait-elle le choix ? Elle se savait incapable de supporter que les mains de son époux la touchent comme elles toucheraient n’importe quelle femme. Si Eleanora avait pu comprendre le sens de ce sentiment de dégoût à cette idée, elle aurait su jusqu’à quel point elle l’aimait. Elle le lui aurait dit… ou bien elle n’aurait tout simplement pas supporté une faiblesse aussi grande. Mais non. A la place, elle le mettait devant un choix difficile.
Eleanora ne put exprimer le soulagement douloureux qui l’envahit lorsque Kanaw lui jura de ne plus toucher à aucune autre femme qu’elle-même… Sans se douter que, peut-être, elle venait de priver son fiancé d’une partie de ce qu’il était.

Quelques jours seulement après cette discussion, et suite à la nouvelle de la grossesse de la Princesse, la Cour commença à s’animer d’une ferveur incroyable. La raison ? Le Roi, impatient de stabiliser officiellement ses héritiers, souhaitait marier sa fille au plus tôt. Les jeunes gens, avant même d’avoir eu le temps de réaliser ce qu’il se produisait, étaient étourdis par une foule de préparatifs dérisoires comme grandioses, tandis qu’au dehors, le danger se précipitait… L’eau montait peu à peu, les monstres étaient partout. Et au cœur de la forteresse souveraine, l’heure était à la fête. Sans avoir compris comment elle en était arrivée là, Eleanora se retrouvait vêtue d’une somptueuse robe blanche à la traîne désespérément longue, et avançait lentement vers l’autel, d’un pas qu’elle voulait assuré. Ses yeux bleus, tranchants, choisirent de ne contempler que leurs rivaux de toujours, ceux, enflammés, de celui qui devenait son époux à mesure qu’elle progressait vers lui. La cérémonie fut aussi grandiose que la vanité du Roi le désirait, pleine de faux-semblant et de l’hypocrisie dont la Cour se parait constamment.
Un désastre, donc, du point de vue la presque-Reine à présent épouse de Kanaw Llyr. Elle était entourée d’une cohorte de courtisanes à l’intelligence fortement réduite par les rubans qu’arboraient leurs chevelures, et faisait de son mieux pour conserver une politesse et une patience d’ange. Personne ne lui laissa seulement le temps de comprendre ce qu’il venait de se produire… Elle s’était mariée. Mariée avec lui… C’était planifié depuis le début, et pourtant, elle fut prise de court… Quelque chose ne s’était pas tout à fait passé de la manière qu’elle avait souhaitée. Elle se sentait déçue… Déçue de ne pas avoir profité d’un instant qui aurait dû compter pour elle.
Pourquoi ? Ce n’était qu’une alliance politique, non ?

Au moment précis où cette pensée jaillissait dans son esprit, Eleanora donna son bouquet à la première demoiselle qui passait par là, saisit un couteau qui traînait sur une des tables, retroussa sa robe blanche jusqu’à ses chevilles, et fendit la foule de ceux qui désiraient déclamer eux-mêmes leurs sincères félicitations, pour poser une main sur le bras de Kanaw, et l’attirer à elle. Le jeune homme eut le temps de sentir la pointe de l’arme se déposer entre ses omoplates, tandis que sa femme murmurait d’un ton neutre :


- Suis-moi.

Sans autre explication que sa main dans la sienne, et le couteau pointé dans son dos, la jeune mariée guida son époux au travers des couloirs du palais, quittant une salle des fêtes qui ne remarqua même pas leur départ… Tous deux quittèrent la forteresse d’Aïekartass sans que le Roi ait seulement été mis au courant, et se dirigèrent vers la plage la plus proche. La magnifique robe d’Eleanora ne ressemblait plus à grand-chose lorsqu’ils parvinrent enfin sur le sable mouillé par la mer. La marche et la terre du désert entourant le palais avaient taché et déchiré la soie blanche… mais rendu à Eleanora sa véritable apparence. La coiffure défaite, la robe maculée, les yeux vifs, les doigts serrés sur un couteau pointé vers Kanaw… elle était elle-même. Si ce n’était plus encore… Sans un mot, elle s’assit face à la mer qui s’étendait doucement sur le sable, et riva son regard vers la ligne d’horizon, sans que l’on pût savoir si elle la voyait véritablement. La main serrée sur l’arme, elle se sentit remplie d’une sorte de béatitude qui lui fit monter les larmes aux yeux.
Signe de faiblesse. Elle ne devait pas… Le masque d’indifférence lutta encore un instant pour la préserver, et sa voix froide murmura soudainement, tandis que la lame remontait, pour s’appuyer contre la gorge du Corsaire :


- Maintenant, Kan’… Marie-nous.

En tant que Capitaine des Corsaires, il en avait plus ou moins le droit et la possibilité, même si sans autre témoin que les quelques mouettes dans le ciel, sa parole n’aurait eu aucun prix. Cela ne sembla pas déranger Eleanora outre mesure… Tout comme son comportement n’était qu’à peine compréhensible.


Dernière édition par Eleanora Llyr-Montgomery le Mar 23 Sep - 11:17, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:19

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A présent mariés, ils n’attendirent plus… Ils avaient bien trop médité sur leur prise de pouvoir, pour penser seulement à s’accorder du temps qu’ils n’avaient plus. Autour d’eux, le monde commençait à devenir chaotique. Et Eleanora ne l’acceptait pas. Ils s’organisèrent calmement, planifiant tous deux sans le moindre sentiment, la mort du père de la jeune femme, qui se produisit exactement comme ils l’avaient prévue. Kanaw, par son charme et ses paroles persuasives, avait réussi à faire en sorte que le Roi lui-même prenne la direction d’une expédition. Une mission diplomatique sans véritable danger, pour regagner le peuple… Mais il fallait traverser la mer. Une mer devenue dangereuse… Les fiancés auraient pu seulement compter sur l’intervention de quelques monstres pour tuer le souverain, mais ils ne devaient rien laisser au hasard. Ils payèrent des mercenaires sans scrupules, qui attaquèrent le navire royal en se faisant passer pour des Pirates, et tuèrent tous ses occupants, le Roi y comprit. Les Pirates servirent de bouc-émissaire, et la mort du souverain ne ressembla pas à un crime crapuleux pour obtenir le pouvoir, comme c’était pourtant le cas… Les mercenaires furent cependant tués par le couple, pour éviter qu’ils ne parlent. Ne jamais laisser de trace…

Il n’y avait plus aucun obstacle à leur montée sur le trône… La Princesse portant l’héritier dans son ventre pouvait légitimement prendre sa place au pouvoir, aux côtés de son jeune époux. Et puisqu’il n’y avait plus personne pour les contraindre à quoi que ce fût, leur couronnement se déroula de la manière exacte qu’ils souhaitèrent… Sur le pont du Punition Expéditive, Kanaw Llyr et Eleanora Montgomery reçurent les pleins pouvoirs… et héritèrent d’un monde sur le point de sombrer. Ils se devaient de prendre les choses en main… Le territoire reculait face à la mer montante, et les monstres étaient partout. La population diminuait de façon inquiétante…

Chose surprenante, Eleanora n’opposa aucune résistance aux premières mesures que son mari commença à mettre en place pour sauver ce qui pouvait encore l’être. Signe qu’elle approuvait ses décisions… Ou qu’elle n’était pas en assez bonne forme pour les discuter. En effet, sa grossesse avancée l’empêchait désormais de parcourir les flots à sa guise – sans compter le danger qui les sillonnait à présent – et elle ne se rendait pratiquement plus sur son bateau, ce qui la mettait dans une humeur relativement terrible. Lorsque Kanaw décida cependant de nommer sa seconde Capitaine du Punition Expéditive – lui-même n’étant plus en mesure de remplir ce poste – ainsi que Chef de sa garde personnelle, la Reine aurait pu s’y opposer vivement. A dire vrai, elle en éprouva fortement l’envie. Non pas qu’elle détestât Opale, loin de là… Mais il y avait quelque chose d’insupportable à savoir la jeune femme si près de Kanaw, tout le temps. Mais voilà… Eleanora était terriblement têtue. Alors non, elle se persuada qu’il n’y avait aucun problème. Qu’il ne devait pas y avoir de problème, et qu’il n’était pas question qu’une jeune femme, quelle qu’elle fût, la mît dans un tel état de frustration.

Alors elle ne dit rien… et son silence n’en était que plus inquiétant encore. En revanche, elle exigea en échange un rôle pour son propre second, au sein du gouvernement. Outre le contrôle de la Rose Noire, qu’elle fut bientôt obligée de lui léguer entièrement, elle décida que Johan avait droit, au même titre qu’Opale, à des responsabilités qu’elle le savait prêt à remplir. Elle se montra intransigeante à ce sujet… Et le jeune blond fut brusquement propulsé de simple marin à ce que l’on aurait pu appeler bras droit d’Opale. A supposer que la jeune femme accepte son aide, bien entendu… Mais cela, ce n’était plus le problème d’Eleanora.

Et sa mère, dans tout cela ? Oui, la Reine-mère, dernière rescapée d’une famille massacrée par sa propre fille… Elle était encore en vie. Plus ou moins… Affligée par le chagrin, consciente de tout ce qu’avait fait sa cadette, elle avait été installée dans des appartements reculés, à l’écart du reste du monde, et vivait simplement dans l’attente de rejoindre son mari et sa première fille dans la mort. Eleanora n’allait jamais l’y voir, méprisant ce qu’elle était devenue… comme si elle n’avait jamais eu de mère. Elle qui allait pourtant l’être très bientôt. Peut-être aurait-elle eu besoin d’un soutien maternel. Elle le négligea. Elle n’avait besoin de personne. Mais plus son ventre grossissait, plus elle s’inquiétait.
Quelque chose semblait ne pas se dérouler tout à fait comme prévu, dans sa grossesse. Elle était plus fatiguée que nécessaire, et ne se déplaçait presque plus, quittant très peu son lit, épuisée. Le couple fit venir des médecins de toutes sortes, du charlatan au plus instruit. Parmi les moins perspicaces, il y en eut pour suggérer avec horreur que c’était l’enfant du diable que la Reine allait bientôt mettre au monde. D’autres, pas beaucoup plus malins, avancèrent sérieusement l’hypothèse qu’elle attendait en réalité un loup, compte tenu de la capacité du père à se transformer en presque-animal. Ceux-ci ressortirent de la chambre de la Reine avec un poignard planté dans la gorge. Ne jamais importuner une femme enceinte… Eleanora moins encore que toutes les autres. Celui qui retint finalement son attention et sauva ainsi sa propre vie, fut un médecin qui prit le temps d’écouter les battements du petit cœur qui grandissait en elle. Il affirma alors, pour le plus grand étonnement de tous, qu’il en percevait plusieurs, bien distincts… Qu’est-ce que cela signifiait exactement ?

Ils n’eurent la réponse que lors de l’accouchement de la Reine…

______________________________


Il faisait si sombre dans la pièce, qu’elle ne pouvait même plus apercevoir le plafond au-dessus d’elle, ni les draps du lit à baldaquin dans lequel elle avait été installée. Eleanora battit des paupières, sa vision rendue plus trouble encore par la sueur qui coulait de son front jusqu’à ses yeux. Le plafond disparaissait dans l’obscurité, si bien qu’il lui sembla qu’il n’avait pas de fin. Exactement comme la douleur qui lui traversait le ventre… Cela s’était passé si vite. Elle n’avait pas compris la brutalité de ce qui s’était produit.
Elle s’était levée le matin avec une étrange intuition, qui s’était muée en mauvais pressentiment au fur et à mesure que la journée avançait. En fin de soirée, prise de vertiges qu’elle avait voulu contrôler sans y parvenir, elle avait fini par avouer – ce qui avait été particulièrement compliqué pour elle – qu’elle allait avoir besoin d’aide… L’ennui c’était qu’elle n’avait pas eu le temps de traverser simplement le couloir, avant de sentir une douleur fulgurante envahir tout son ventre. Elle s’était simplement mordu la lèvre, sans un cri, et s’était aussitôt laissée tomber sur le sol, à demi-inconsciente. A cause de son silence, elle avait bien failli y risquer sa vie… Fort heureusement pour elle, son époux avait entendu sa chute, et était accouru aussitôt. Comprenant qu’elle était certainement sur le point d’accoucher, il l’avait lui-même menée jusqu’à sa chambre et avait ordonné qu’on appelle le médecin personnel de la Reine.

Seulement voilà… Quelque chose d’anormal se produisait, elle en était certaine. Comment ? Elle l’ignorait… Elle avait perdu toute notion de temps et d’espace. Mais il faisait nuit noire à présent, et son enfant n’avait toujours pas daigné ouvrir son regard sur le monde. Pire encore… il ne semblait pas en avoir l’intention. Pourtant, elle continuait à souffrir. C’était une étrange torture… Différente de celle qu’elle avait vécue, il n’y avait pas si longtemps de cela, avec les monstres marins… Cette douleur-là promettait une libération qui n’apporterait que douceur. Du moins, le croyait-elle… Mais le soulagement tardait à venir, et la souffrance devenait plus aigue de minute en minute. Eleanora, parfois sommeillant, parfois cauchemardant, n’était pas consciente qu’une nuit entière s’était presque écoulée sans que la venue au monde de l’enfant ne fût annoncée. Que fallait-il faire ?

Personne ne le savait… Elle ne voyait plus que des ombres, autour d’elle. Combien étaient-ils, à observer son visage pâle, ses yeux éteints et la sueur sur sa peau ? Elle ne supportait pas tous ces regards cachés dans le noir de sa chambre, qui se repaissaient de sa faiblesse. Qu’ils s’en aillent, tous… Non, pas tous. Où était Kanaw ? Elle aurait voulu l’appeler… ou pas. Elle ne le sut pas véritablement, mais elle s’en empêcha. Violemment. Les doigts crispés sur ses draps, elle se mordit la lèvre jusqu’au sang. Il ne pourrait rien y faire. C’était inutile de l’appeler lui, plus que n’importe qui. Voilà, inutile. Que faisait donc ce foutu médecin ? Il n’était pas plus doué que les précédents. Si elle en avait eu encore la force, il y a longtemps qu’il aurait fait la connaissance avec la lame d’un de ses poignards. Au moins, cela aurait eu le mérite de la défouler un peu. Sauf que quelqu’un – elle soupçonnait fortement son époux – avait trouvé plus prudent d’ôter le poignard que la Reine gardait en toute situation sous son oreiller. Le médecin eut donc un répit…

Profondément agacée, Eleanora rejeta d’un geste infiniment faible les draps trempés de son lit, qui collaient à sa peau et ne servaient qu’à lui tenir beaucoup trop chaud. Elle poussa un léger gémissement, alors qu’une contraction soudainement plus vive que les autres interrompait son geste. Il y eut un murmure de la part d’une personne visiblement paniquée, et des mouvements se firent autour d’elle. La Reine n’eut même pas le temps de se poser la moindre question qu’elle sut que le moment était arrivé. L’enfant n’allait plus tarder… Après des heures de calvaire, il se manifestait enfin. Eleanora chercha une main à laquelle se retenir, et la trouva miraculeusement, sans bien savoir à qui elle appartenait. Elle s’y accrocha de toutes ses forces, et entreprit de mettre au monde son enfant… Leur enfant.

Lorsqu’un vagissement de nouveau-né retentit dans la pièce, au terme du combat le plus ardu qu’elle eût jamais réalisé, la jeune femme sentit une vague de soulagement l’envahir, suivie presque aussitôt par la surprise la plus inattendue. Une nouvelle contraction la força à broyer presque littéralement les phalanges de celui qui tenait toujours sa main. Des cris d’étonnement résonnèrent dans la pièce, et elle comprit un quart de seconde avant tout le monde le mystère de sa grossesse hors norme. Elle était en train de mettre au monde leur deuxième enfant. Des jumeaux… Eleanora ne sut quoi de la surprise ou de l’angoisse l’emporta. A dire vrai, cela lui était un peu égal, au moment où la douleur revenait de plus belle. Elle se redressa légèrement, cambrant les reins pour laisser le nouveau-né rejoindre son frère ou sa soeur, dans un tout premier et tout dernier cri qu’elle ne put retenir. L’enfant pleura à son tour, tandis qu’autour des nourrissons, des ombres s’affairaient.
La vue d’Eleanora l’angoissa soudain… Ses enfants… Elle voulait les voir. Allaient-ils bien ? Que leur faisait-on ? Pourquoi ne les avait-on pas déjà rapprochés de leur mère ? Etait-ce deux garçons, deux filles ? Les murmures d’excitation autour d’elle s’atténuaient peu à peu, remplacés par le sang battant ses tempes. Une main fraîche se posa sur son front brûlant. Son ventre continuait à la faire souffrir. Elle avait terriblement chaud… Elle entendit juste quelqu’un pousser une exclamation paniquée en se précipitant vers elle, puis ce fut le noir complet.

Elle ne sut pas vraiment si elle était réveillée ou non… Il faisait tout aussi noir que dans la chambre, mais c’était… différent. En quoi ? Elle n’aurait su le dire. Tout était plus intense. Plus mouvant aussi… Elle éprouvait d’étranges vertiges, comme ballottée par des flots qui n’existaient que dans son imagination. Son corps devenait lourd. Si lourd… Des frissons parcouraient ses bras et ses jambes, alors qu’elle se sentait suffoquer de chaleur. Sa respiration sifflante l’effraya… Elle pouvait à peine sentir le lit sous son corps, et le drap sur ses jambes. C’était comme… d’évoluer dans un cauchemar. Dans sa tête, une tempête faisait rage, jusque derrière ses paupières closes. Les vagues se brisaient sur ses tempes, violentes, et les éclairs d’un orage terrible faisait vaciller la petite parcelle de conscience qui lui restait encore. De la fièvre… Etait-ce simplement de la fièvre ? Ou bien était-elle tout bonnement en train de mourir ? Elle se sentait si mal… et si bien à la fois. Comme si, peu à peu, son esprit quittait son corps, abandonnant les souffrances qu’on lui faisait endurer. C’était si tentant… Elle ne pouvait lutter. Chacun de ses membres était douloureux… Son cœur ralentissait ses battements, affaibli, las… Sa tête résonnait des échos d’une tempête intarissable. Elle n’y pouvait rien… Personne n’y pouvait rien.

Que s’était-il passé ? La dernière chose dont elle se souvenait distinctement, c’était de ce cri de terreur lorsqu’une personne s’était penchée vers elle en s’apercevant de quelque chose d’anormal. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi se sentait-elle flotter sur une mer de douleurs continuelles ? Quelqu’un pouvait-il seulement le lui expliquer ? Personne ne pouvait faire disparaître cette douleur-là. Elle le savait… que cette fois-ci, personne ne pourrait plus venir. Elle avait été consciente de risquer sa vie en donnant un héritier au trône de son père… Mais c’était différent de ce qu’elle avait imaginé. Elle n’avait pas eu le temps de les voir… Ses enfants ? Ne les verrait-elle donc jamais ? Cette dernière question fut si confuse, qu’elle ne la comprit pas elle-même. Sa conscience s’effilocha peu à peu… Elle se sentit haleter plus encore. Et partir… Eleanora n’eut pas besoin qu’on le lui explique. Elle sourit sereinement, presque avec une sorte de soulagement paisible. Elle allait mourir…
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeVen 29 Aoû - 17:23

Son corps était devenu plus léger que l’air lui-même autour d’elle. Cette fois-ci, ce n’était plus ballottée par une tempête intérieure, mais flottant calmement au-dessus de sa chambre, qu’Eleanora sembla rouvrir les yeux. Mais était-ce véritablement le cas ? Elle ne savait pas… Que s’était-il passé ? Etait-elle morte ? Elle se sentait si sereine… La douleur s’en était allée. Tout comme la moindre sensation avec le monde réel. Le contact des draps mouillés avait disparu. La chaleur également… Au contraire. Il y avait un vent étrange qui caressait son visage tranquille. Si c’était aussi doux de mourir, alors pourquoi lutter ?… Volait-elle déjà ? La Reine se tourna légèrement, baissant la tête pour apercevoir son lit de malade. Lit qu’elle occupait encore… Son esprit, séparé de son corps, s’observait avec une curiosité nouvelle. Elle contempla ses joues creuses, fatiguées. Son front moite, sa bouche asséchée. Ses mains si blanches, serrées sur les draps. Elle était plus morte que vive… Vivait-elle seulement encore ? D’un simple mouvement de l’esprit, Eleanora fut juste au-dessus de son corps maladif, qu’elle trouva affreusement amaigri. Depuis combien de temps était-elle dans un tel état ? Combien de temps encore lui faudrait-elle avant que la mort n’ait pitié ? Après un moment d’hésitation, la Reine tendit la main pour effleurer ses propres boucles noires, étalées comme un soleil sombre autour de son visage.
Alors c’était ainsi… Ainsi qu’il lui fallait mourir…

Au moment où cette pensée l’enveloppait d’une sensation de bien-être indicible, quelque chose d’autre se produisit, comme un électrochoc. Ses enfants… Ses enfants qu’elle avait mis au monde au prix de sa vie. Elle s’apprêtait à les abandonner. Dans un instant de faiblesse qui ne lui ressemblait pas, elle voulait les laisser seuls… Presque seuls. Elle n’en avait pas le droit. Tout simplement pas. Elle ne les avait même pas vus. Alors elle ne pouvait pas se le permettre. Ne pas mourir avant d’avoir posé les yeux sur eux… Et vivre, dès qu’elle poserait les yeux sur eux. Qu’était-ce donc que ce nouveau sentiment, tiède et puissant, qui l’envahit toute entière, l’éloignant des hauteurs, l’attirant vers son corps ?… C’était une volonté étrange, forte… qui la rendait à elle-même. Eleanora Montgomery ne baissait pas les bras.
Et elle n’abandonnait pas ses enfants. C’était impossible… Jamais personne ne pouvait exiger d’elle une chose pareille. Elle se sentait si forte, soudainement, qu’elle ressentit une vague de bonheur plus puissante encore que le soulagement que lui procurait une mort auparavant bienvenue.

Cette mort, devenue ombre derrière elle, insista encore, l’attirant dans son étau… Non. Pour ses enfants, elle ne devait pas… Ce même sentiment inconnu et puissant vint à nouveau à son secours, inébranlable. Il lui montra une silhouette voutée, la tête baissée. Elle le reconnut sans même l’apercevoir. Kanaw… Il se tenait là, près du bord de la fenêtre, pareil à un homme déchu. Et puis il y avait cette femme, une inconnue. Elle n’était personne… personne d’autre que le reflet des craintes de la mourante. Cette femme fit doucement onduler son corps vers celui du Corsaire, posant une main compatissante sur son épaule, les yeux brillants d’un désir qui chercha celui du Roi. Cette vision fut de trop. Non. Ca, jamais. Jamais elle ne le permettrait.

La mort s’éloigna… La sensation de flottement également… Eleanora retrouva son corps et ses membres endoloris, dans un soupir douloureux. Doucement, elle battit des paupières, ouvrant réellement les yeux sur un matin qui colorait sa chambre de belles nuances rosées. La fièvre était tombée… Elle était seule. Non, pas tout à fait… Non loin de son lit, on avait installé un large berceau tressé, douillet et moelleux, dans lequel dormaient à poing fermés ceux qu’elle contempla comme deux petits anges. Elle voulut tendre la main vers eux, mais elle était dépourvue de toute force, hormis celle de sa volonté. Des larmes se mirent à couler sur ses joues, réconfortantes. Elle était en vie… pour eux. Parce qu’elle s’était rendue compte qu’elle les… aimait, sans même les avoir vus. Ils lui avaient sauvé la vie…


- Merci…

Ce fut le premier mot que la Reine articula. Après une semaine entière à vaciller entre la vie et la mort, prise d’un accès de fièvre qu’une hémorragie interne avait provoqué lors de l’accouchement, elle sembla renaître, différente. Quelque chose venait de changer la donne… C’était l’amour pour ses enfants qui lui avait donné tellement de force. Il n’était nullement question de faiblesse, bien au contraire… L’amour existait donc vraiment ? L’amour pouvait-il être si bénéfique ? Et quelle était alors cette peur panique qui l’avait aussi poussée à revenir, à la pensée d’abandonner Kanaw ? Etait-ce si différent ?
A partir de cet instant, tout ne fut plus que confusion pour la nouvelle Reine. Ses certitudes les plus ancrées en elle venaient de s’écrouler comme des fétus de paille.

______________________________


Eleanora n’eut pas énormément de temps pour se remettre de ce qui avait failli lui coûter la vie. Très vite, il fallut fuir. Kanaw rassemblait le plus de gens possible, prévenait les populations, et organisait l’exode, face à la montée des eaux et des monstres marins. La Reine, bien qu’approuvant les décisions de son époux, n’était pas en mesure d’y prendre part. Elle n’avait d’yeux que pour des enfants qui avaient bien failli la tuer, et l’avaient sauvée dans le même temps. Un garçon, et une fille… Alastyn, l’héritier du trône, et Néréïde, sa douce et ravissante jumelle. Ils étaient parfaits. L’instinct maternel de la jeune femme s’éveillait petit à petit, si bien qu’elle n’acceptât bientôt plus qu’on les sépare d’elle, ne serait-ce que quelques minutes. Ils étaient encore si jeunes… La froide Eleanora était toujours là, bien sûr… Mais elle semblait douce, chaleureuse et attentionnée, lorsque ses adorables jumeaux étaient avec elle. Elle fit l’inverse exact de ce qu’elle avait subit avec sa propre mère, ne voulant surtout pas tomber dans le même piège… Elle leur offrit câlins, jeux et apprentissages, tout en s’inquiétant fortement du déclin d’un monde dans lequel ils allaient devoir vivre.

Elle fut d’autant plus inquiète lorsqu’ils quittèrent la forteresse d’Aïekartass, qui n’était plus un lieu sûr à présent… Emmener des enfants en bas-âge pour un voyage à durée indéterminée était un danger qu’elle avait peine à courir. Et l’errance fut longue… Au fur et à mesure de leur progression difficile, Eleanora ne surveillait pas seulement ses enfants, mais aussi un époux qui perdait peu à peu de cette étincelle d’ironie qui le caractérisait. Il semblait triste, déprimé… Sans but. Déchu… Oui, exactement comme elle avait cru le voir, lorsqu’elle pensait mourir. Que lui arrivait-il ? Etait-ce simplement la situation catastrophique qui le rendait si malheureux ? Ou bien était-ce elle ? Avait-elle commis une erreur ? Faisait-elle ce qu’il ne fallait pas ?

Se poser ce genre de questions était stupide. Après tout, peu importait, non ? Non, plus maintenant… Maintenant c’était différent. Tout était différent. Elle voulut l’aider… Mais elle ne comprit pas ce qui lui arrivait. Le long de leur parcours à la recherche d’une terre d’asile, elle observa ses enfants grandir. Alastyn promettait d’être un héritier parfait, juste et déterminé. Elle l’instruisait du mieux qu’elle pouvait, lui faisant la lecture, et lui expliquant calmement cette façon si particulière qu’elle avait de voir les choses, et qui l’avait préservée de tout. Elle avait seulement une peur restée secrète… Ce qu’elle avait fait à sa propre famille lui donnait du futur une vision inquiétante. Et si ses enfants reproduisaient exactement le même schéma qu’elle-même ? Non, elle ne pouvait pas le permettre. Tout était différent… Elle veillerait à ce que jamais un seul de ses enfants ne ressente ce qu’elle avait elle-même ressenti. Le pouvait-elle ? Elle ne connut pas la réponse à cette question.

Et neuf mois après la naissance chaotique des jumeaux, Eleanora apprit qu’elle était de nouveau tombée enceinte. La nouvelle fut accueillie avec une joie mêlée de terreur. D’une terreur qu’elle masqua derrière son habituel regard de glace. Il n’y eut que son époux pour la saisir, cette peur tenace… Sa première grossesse l’avait terriblement marquée. Un troisième enfant ne l’effrayait pas… Mais elle n’était pas certaine d’être assez forte pour lutter une seconde fois contre la mort, si celle-ci se décidait à revenir la chercher. Cela n’arriva pas… Bien au contraire. Tout se passa si bien qu’elle n’eut pas le temps de réaliser qu’elle accouchait, que l’enfant pleurait déjà dans ses bras. Un second petit garçon, qui reçu le nom de Ciryan, né aux abords de la futur ville qui les abriterait tous, et qui était déjà en construction à cette époque.

Eleanora n’eut pas de préférence… Elle ne tomba pas dans l’erreur et l’aveuglement de son propre père. Cela, jamais. Elle donna, aux uns comme aux autres, la même attention, les mêmes sourires, les mêmes étreintes. Même si, paradoxalement, elle avait toujours une manière différente et particulière d’aimer chacun d’entre eux. Il n’y en eut jamais un pour se sentir moins aimé qu’un autre. Du moins, l’espérait-elle… Elle leur donna peu à peu une éducation soignée, des règles à respecter, et exigeait en retour une obéissance complète, sous peine d’attiser la colère froide que chacun connaissait de la Reine. Car ses propres enfants n’y échappaient pas… La jeune femme savait faire la part des choses à leur sujet. Tout leur donner, tout leur permettre… serait les perdre. Elle fut peut-être dure, à ce niveau, mais son implacable autorité naissait d’une intention si douce que la colère n’avait d’égale que la tendresse de ses câlins.
Llywen, la ville nouvelle, fut enfin terminée lorsque les jumeaux atteignirent leur sept ans et demi, et que le petit dernier fêtait tout juste ses six ans. Ils étaient encore jeunes… Eleanora espérait pouvoir leur offrir bien plus qu’un petit îlot de répit au milieu d’un océan de monstres. Ils emménagèrent dans leur nouveau palais, bien plus modeste que la forteresse d’Aïekartass, et les enfants reçurent l’interdiction formelle de s’approcher de la plage, sous peine d’une bonne correction. Le danger rôdait bien trop, aux abords des flots…

Les flots, Eleanora les contemplait chaque jour avec douleur, de la fenêtre de sa chambre. Elle commençait à réaliser quelque chose qu’elle ne supportait qu’à peine. Elle avait fait exactement ce qu’elle voulait. Elle était montée sur le trône. Elle avait épousé Kanaw, qui, malgré tout ce qu’elle pouvait en dire, occupait dans sa vie une place importante, qu’elle n’avait pas encore réussi à déterminer. Elle avait fondé une famille. Elle adorait ses enfants. Et pourtant… Il lui manquait quelque chose. Ce vide qu’elle avait toujours connu durant son enfance… Ce vide était toujours là. Pourquoi ? Eleanora se l’avouait enfin… Si elle n’était pas pleinement satisfaite de ce qu’elle avait… alors c’était qu’elle avait souhaité les mauvaises choses, depuis le début. Elle n’avait jamais désiré le trône… Il lui importait si peu… Mais que voulait-elle donc ? Que recherchait-elle réellement ? Elle ne le savait pas tout à fait… mais elle le trouvait en partie dans la présence de ses enfants. En partie seulement… Le reste… Le reste vacillait quant elle tournait son regard vers Kanaw. Serait-ce donc… ?

La Reine au visage de marbre se mordit la lèvre, et soupira, laissant son regard caresser les courbes d’une mer en souffrance :


- On l’a abandonnée… On la laisse mourir…

[Ouf, enfin finie... Z'êtes toujours là ? XD]
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeMar 23 Sep - 10:57

Bon, pour moi c'est bon, mais le problème c'est que tu n'as toujours pas changé les étoiles dans l'Histoire.

Si, il y en a Twisted Evil
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeMar 23 Sep - 11:24

What a Face Bon, heu, je pensais avoir tout enlevé, mais effectivement j'ai retrouvé deux endroits avec des étoiles à la place des noms XD Logiquement c'est bon, maintenant, j'espère !
Very Happy
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeMar 23 Sep - 11:25

Alors tu es officiellement validée Yea
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitimeMar 23 Sep - 11:28

Owiii Love Merci mon mari !
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MessageSujet: Re: Eleanora Llyr-Montgomery   Eleanora Llyr-Montgomery Icon_minitime

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